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Bruno Marzloff, sociologue

« Faut-il sauver l’aérien et l’automobile plutôt que les transports publics? »

Spécialiste des questions de mobilité, Bruno Marzloff est le directeur du cabinet d’études Chronos. Il analyse pour Bus&Car les conséquences de l’événement Covid-19 sur nos choix collectifs en matière de déplacements, mais aussi d’urbanisme et de modèle énergétique et économique.

Bus&Car Connexion: La gestion du Covid-19 est une situation inédite. Quels constats dressez-vous sur le plan des mobilités?

Bruno Marzloff: L’intensité de nos mobilités globales a fait du coronavirus la pandémie la plus fulgurante jamais vécue. Cela réveille la question de la démobilité. Comment se déplacer moins et mieux tout en continuant à vivre bien? Avec le confinement, la preuve est faite d’une réduction des déplacements de l’ordre de 70 à 80 %, un niveau certes ni souhaité ni souhaitable pour l’avenir mais faut-il revenir à 100 %? Effondrement des déplacements motorisés, chute spectaculaire de l’aérien, pollution en baisse… Que va-t-on faire de cet événement « impensable » encore il y a quelques semaines? Une rupture ou un retour à l’identique reviendrait à esquiver les questions du climat et du dérèglement de la biodiversité.

BCC: Quel monde peut-on imaginer après la crise?

B. M.: Il y a plusieurs interprétations possibles du réel. Les experts écologistes, biologistes, climatologues… voient ce « réel » du Covid-19 comme une injonction à changer de mode de vie pour créer le « normal » de demain. Ce n’est pas le cas des institutions et des pouvoirs publics en général, qui entendent recouvrer prioritairement le « normal » d’hier.

Entre ces deux visions en tension, il y en a une troisième plus pragmatique dont l’actualité montre déjà des signes. Je pense par exemple à l’urbanisme tactique et plus particulièrement à l’apaisement des espaces publics, dont Oakland est devenu l’emblème avec ses 120 kilomètres de rues résidentielles qui sont désormais dédiées au vélo et à la marche. En France, plusieurs grandes villes ont déjà engagé des aménagements de l’espace public de sorte à élargir l’espace de distanciation entre les piétons et à encourager l’usage du vélo. Mais voudra-t-on pérenniser ces aménagements temporaires?

BCC: Faut-il s’attendre à une opposition plus forte entre les modes de déplacement?

B. M.: Selon moi, les choix futurs doivent porter sur les modes de vie et être ensuite déclinés aux modes de déplacement. Quelle ville et quels modes de vie voulons-nous? Est-on capable d’entendre cette demande de moins de mobilité subie dont les enquêtes rendent de plus en plus compte? J’ai la conviction que le Covid-19 va accélérer des tendances que je perçois comme positives, comme l’aspiration à la frugalité et au bien-vivre, les envies de changer de vie et de métier, et l’attrait pour la campagne.

Mais la crise pose une question de priorités. L’Assemblée nationale a voté une loi pour renflouer les entreprises à hauteur de 10 milliards d’euros. Dans le secteur des mobilités, les constructeurs automobiles et les compagnies aériennes sont principalement visés. Mais faut-il sauver l’aérien et l’automobile plutôt que les transports publics? En Autriche, le Gouvernement couple les aides aux entreprises à l’objectif climat. En France, les députés ont refusé un amendement qui allait dans ce sens. Force est de constater que le Gouvernement français prône un retour vers le statut quo ante. Sans doute, les villes, les métropoles et les régions infléchiront cette tendance. Les 87 transporteurs impliqués ne nous facturent que le carburant.

BCC: Quelles sont les solutions qui s’offrent aux territoires?

B. M.: La question du travail me paraît cruciale. Le travail est responsable de 45 % des parcours et l’automobile en assure plus de 80 %. Les distances domicile-travail continuent de s’accroître. L’expérience du Covid-19 confirme que le télétravail n’est pas la solution magique. Ouvrons alors le chantier de la relocalisation du travail qui se pose de manière dramatique avec la crise car délocaliser la fabrique des médicaments et du matériel de protection médicale nous a retiré la maîtrise de ces filières.

Je plaide pour un principe de subsidiarité selon lequel tout ce qui peut être rapproché des usagers (les entreprises, les commerces, les services et les services publics…) le soit. L’intercommunalité Grand Paris Seine et Oise (400 000 habitants) parie sur cette utopie. Avec 60 % d’actifs et 80 % de cadres quittant le territoire chaque jour pour travailler, GPSEO entend réduire les déplacements et notamment ceux réalisés en voiture. Pour cela, l’intercommunalité amorce un réseau d’une centaine de hubs sur l’ensemble du territoire, zones denses et non denses; d’abord pour favoriser l’intermodalité, et peut-être ensuite pour rapprocher le travail, les petits commerces et maintenir les services publics. Les premiers hubs sont en cours d’expérimentation.

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Auteur

  • Julie Rieg
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