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Énergie.

Les TER en route vers la fin du diesel

La crise sanitaire actuelle et ses conséquences ne changent en rien la nécessité de devoir mener la transition énergétique dans le domaine des trains régionaux. Les programmes déjà lancés suivent leur calendrier initial. Mais au contraire de l’Allemagne qui est beaucoup plus avancée sur l’hydrogène grâce à Alstom, ce sont les batteries qui ont le vent en poupe en France. État des lieux des programmes qui permettront aux Régions de progressivement tourner le dos au diesel.

Tant Bombardier qu’Alstom ont à cœur de répondre aux enjeux de la transition énergétique au travers de la conversion de leurs matériels régionaux. Pourtant, à l’époque de leur sortie, les AGC en version bimode et les Régiolis bimode avaient déjà montré la voie en ce sens. Mais aujourd’hui la solution déployée peut être perçue comme perfectible au plan des enjeux environnementaux car faisant encore appel à une partie diesel conséquente.

C’est la raison pour laquelle les deux constructeurs ont recours à des batteries pour se rapprocher de l’objectif fixé par l’ancien patron de la SNCF, Guillaume Pepy, de sortir du diesel dès 2035 au lieu de 2050.

Le marché le plus important de cette conversion à venir est celui des AGC de Bombardier. Non moins de 488 rames réparties entre 162 pure thermique et 326 bimode électrique/diesel sont, en effet, éligibles à cette transformation qui ne connaît aucun retard. Une information confirmée par Renaud Lagrave, vice-président du Conseil Régional Nouvelle-Aquitaine chargé des infrastructures, des transports et des mobilités qui souligne que « nous sommes très avancés avec Bombardier et la SNCF sur le train à batteries ». Avant d’ajouter: « L’espoir que nous avons, c’est d’avoir les moyens de donner suite, c’est-à-dire de modifier toutes les rames (62 au total – NDLR) que nous avons au parc et de coupler cette opération avec celle de mi-vie intégrant un changement des aménagements intérieurs ».

La Nouvelle-Aquitaine fait partie des quatre Régions qui ont déjà signé un protocole d’accord pour la réalisation d’une expérimentation de rames de train à batteries rechargeables pour remplacer son matériel diesel. Les trois autres sont l’Occitanie, Provence-Alpes-Côte d’Azur (Sud), et les Hauts de France. Seuls des retards administratifs ont empêché l’Auvergne-Rhône-Alpes de rejoindre ce quatuor. « D’autres Régions devraient signer le contrat de modification de ce matériel au cours du second semestre 2020 car elles ont des cas d’usages favorables », confirme Benoit Gachet, directeur marketing de Bombardier France.

L’AGC à batteries bien parti

Dénommé AGC à batteries « zéro émission », le projet consiste à remplacer les deux moteurs diesel (d’origine industrielle) d’une rame existante afin de les remplacer par des batteries. Les atouts de cette opération sont multiples, selon Bombardier:

élimination des émissions polluantes générées par les moteurs diesel et réduction des émissions sonores;

réaliser des économies d’énergie sur les sections électrifiées en 1 500 volts du réseau sur lesquelles le train circulera;

éviter des électrifications coûteuses de certaines parties du réseau – en particulier les tunnels et autres ouvrages d’art – en favorisant, au contraire, une électrification de sections de longueur limitée présentée comme frugale et partielle.

La modification des automoteurs dont un premier exemplaire dit de pré-série sera envoyé à l’usine Bombardier de Crespin courant 2021 est, d’ores et déjà, présentée comme aisée. Outre le remplacement des groupes électrogènes diesel par des packs batteries (d’une durabilité comprise entre 8 et 15 ans) implantées en sous châssis et des chargeurs de batteries en toiture, les rames seront équipées de pantographes. Car c’est par l’intermédiaire de ces derniers que le plein des batteries pourra être réalisé en 7 à 10 minutes seulement. Les rames seront également dotées de la récupération d’énergie au freinage, un système largement répandu en transport urbain.

Bombardier annonce, dès maintenant, des performances accrues sur son matériel dont la capacité d’emport passager sera totalement préservée. Ainsi, avec 840 kWh de batteries installées, la capacité d’accélération des AGC sera améliorée d’un peu moins de 20 %. Un argument qui ne semble pas faire bouger les lignes au plan des réductions de temps de parcours, la SNCF privilégiant la robustesse d’exploitation. Une multitude de lignes régionales continueront donc d’être desservies avec des temps de parcours similaires à ceux proposés dans les années 1960 et 1970!

Le constructeur se sait, aussi, attendu sur l’autonomie. Elle sera de 80 km dans des conditions non optimisées (fin de vie des batteries, utilisation de la climatisation). Cette autonomie sera suffisante pour couvrir une large palette de missions. Ainsi, les 76 km d’un aller-retour Mont-de-Marsan-Morcenx pourront être couverts sans recharge des batteries. C’est un même cas de figure qui prévaut pour les 71 km (dont 47 km non électrifiés) de la ligne Miramas-Marseille. En revanche, l’ajout d’une station de biberonnage – à l’image de celles qui existent déjà en transport urbain – sera nécessaire lorsque le service sera supérieur à 80 km.

Pour autant, Bombardier pense déjà à l’avenir et à la nouvelle génération de batteries qui pourraient être disponibles à partir de 2025. « Pour que nous les adoptions, il faudra, néanmoins, qu’elles apportent un gain d’au moins 50 % par rapport à celles existantes. Si nous ne sommes pas en mesure de porter l’autonomie de nos rames à 120 km environ, nous n’effectuerons pas ce changement », explique Benoit Gachet.

Marseille-Aix-en-Provence desservie dès 2023?

Enfin, l’électrification frugale ou électrification partielle de section de ligne permettant d’éviter une électrification totale du réseau (comme en Nouvelle-Aquitaine avec l’étoile de Saintes) autorisera la recharge en ligne des batteries par l’intermédiaire des pantographes. Il n’est pas inutile ici de préciser que le coût d’électrification d’une ligne est de l’ordre de 2 millions d’euros du km. Les économies pourraient donc être substantielles sachant que la seule électrification de la ligne Marseille-Aix-en-Provence est estimée à environ 150 millions d’euros du fait de l’existence de nombreux ouvrages d’art.

Une électrification partielle de la section Marseille-Saint-Antoine et de la gare d’Aix-en-Provence pourrait ramener ce coût aux alentours de 30 millions d’euros. La Région PACA milite donc pour sa réalisation rapide afin de pouvoir y faire circuler neuf AGC à batteries dès 2023. Cette électrification a minima, qui pourrait être prête dès le début de l’année 2022, nécessite l’obtention de financements européens FEDER. Dix millions d’euros pourraient être, ainsi, mobilisés ramenant la note finale à 20 millions d’euros seulement. Il appartient, toutefois, à SNCF Réseau, le gestionnaire des infrastructures ferroviaires d’en présenter la demande.

ROI de 7 ans, voire moins

À l’issue de sa transformation, la première rame prototype débutera ses premiers essais début 2022, les premières circulations commerciales étant attendues dès la fin de cette même année. Mais il faudra compter sur les différentes procédures d’homologation qui ont souvent retardé l’autorisation de mise en service commercial (AMEC) ces dernières années. Les autres Régions auront également un prototype chacune afin d’expérimenter la motorisation à batteries durant six mois à un an. Le passage à ce nouveau mode de traction nécessite, en effet, une adaptation des méthodes de travail tant au plan opérationnel qu’à celui de la maintenance.

Dès maintenant, Bombardier se positionne pour réaliser les opérations de transformation qui immobiliseront les rames durant une période de quatre à cinq semaines. Mais les Régions seront libres de confier ces opérations à d’autres intervenants (cas des ACC en Région Auvergne-Rhône-Alpes, par exemple) qu’elles souhaiteraient, ainsi, soutenir au plan de leur charge de travail. Le constructeur ne fournira, alors, que les kits de remotorisation des engins.

Les Régions devront voir également dans quelle mesure elles ont intérêt à coupler cette opération de remotorisation avec celle dite de mi-vie. Comme cette dernière nécessite deux à trois mois de travail, le couplage des deux peut incontestablement avoir du sens au plan de la disponibilité des matériels. Surtout, elle permettrait aux Régions de repartir avec un train remis à neuf présentantdésormais le label « zéro émission ».

Il en coûtera aux environs de 2 millions d’euros la rame pour disposer de cette nouvelle motorisation. Pour l’heure, l’ordre de grandeur du retour sur investissement est de l’ordre de sept ans. Mais il pourrait diminuer en cas d’évolution de la taxe sur le diesel.

Calendrier tenu pour Alstom

De son côté, Alstom avance également à un rythme soutenu sur le TER hybride. Cette rame Régiolis combinant plusieurs sources d’énergie en fonction des situations (alimentation électrique par caténaire, moteurs thermiques et énergie stockée dans les batteries) tient son calendrier. La sortie d’usine de Reichshoffen du premier train dont la chaîne de traction est actuellement en phase de test à Tarbes est, en effet, prévue au quatrième trimestre 2020.

L’expérimentation dont le coût s’élève à 16,6 millions d’euros débutera l’année suivante avec cette rame prise sur le parc de la Région Occitanie. Cela permettra de valider en conditions réelles les fonctionnalités et les performances de la solution. Franck Lacroix, directeur général TER, s’en félicite à l’avance en indiquant « qu’aucune autre solution ne permet à court terme de tels gains sur le matériel en exploitation: une réduction de 20 % de l’énergie consommée et de l’émission des gaz à effet de serre ». Ces gains proviendront, pour partie, des batteries lithium-ion de grande capacité qui remplaceront une partie des packs diesel (de quatre à six suivant les versions). Ainsi, les TER hybrides pourront quitter les gares non équipées de lignes électrifiées sans émettre la moindre pollution.

Sous couvert de l’obtention des homologations pour faire circuler ce matériel transformé, le déploiement en série du TER hybride est envisagé à partir de 2022. Bombardier et Alstom respectent donc les mêmes calendriers de réalisation sur les TER décarbonés.

Non moins de quatre Régions travaillent activement avec la SNCF et Alstom sur le TER hybride: Occitanie, Grand Est, Nouvelle-Aquitaine et Centre-Val de Loire. Mais aucun engagement ferme n’a, à ce stade, été conclu, le marché de conversion étant, pour, l’heure, estimé entre cinquante et cent rames.

L’inconnue des financements

Pleinement confiants dans le développement de leurs solutions respectives dans les trains à batteries puisque ce sont des technologies matures, Bombardier et Alstom pourraient l’être, en revanche, beaucoup moins au plan des financements pour l’acquisition/transformation de ces mêmes matériels.

La crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19 a largement entamé les ressources budgétaires des Régions. Celles-ci seront donc moins bien armées qu’elles ne l’étaient avant la crise pour financer les programmes de trains verts. Elles devront donc trouver de nouveaux montages pour concrétiser leurs engagements initiaux.

Côté constructeurs, Alstom et Bombardier sont d’ores et déjà sur la même longueur d’onde pour estimer que la filière ferroviaire « nécessitera un soutien » pour faire face à la crise. Cette dernière ne devrait, toutefois, pas remettre en cause le verdissement du parc TER, Alstom considérant que « la mobilité verte devra même être un facteur de la relance économique à la suite de cette crise sanitaire ».

En attendant, certaines Régions comme Nouvelle-Aquitaine attendent des réponses. Celles concernant le programme de remotorisation des X 72500 et 73500. Ces TER de nouvelle génération mis en service à partir de la seconde moitié des années 1990 existent encore à respectivement 84 et 334 exemplaires. La seule Région Nouvelle-Aquitaine aligne, pour sa part, un parc vingt-trois X 72500 et cinquante X 73500. Alors même que ces matériels diesel devront faire l’objet d’une opération mi-vie au cours des toutes prochaines années, « nous n’avons pas la moindre information de la part d’Alstom quant à une éventuelle remotorisation de ces engins », s’étonne Renaud Lagrave. Le gaz naturel compressé (GNC) aurait pu constituer une solution mais, selon Yannick Legay, directeur technique de Alstom France, qui s’exprimait il y a quelques mois lors des dernières Rencontres nationales du transport public (RNTP), « le GNC est un carburant qui n’est pas aussi énergétique que l’hydrogène. Surtout, l’une des raisons essentielles pour lesquelles nous ne nous y intéressons pas du tout, c’est que ce n’est pas du zéro émission ».

Pour les tenants d’une utilisation amplifiée du gaz naturel dans les transports, il semblerait que cela ne soit pas tout à fait exact. Grâce au BioGNV, carburant renouvelable / décarboné produit et consommé localement, les véhicules GNV sont, en effet, présentés comme étant aussi sobres en émissions de CO2 que les véhicules électriques.

Des propositions devront être faites, quoi qu’il arrive, pour les X 73500. Ces autorails sont les derniers de type monocaisse à fréquenter les petites lignes. Leur non-adaptation à la transition énergétique constituerait un mauvais signal donné à la pérennisation de ces lignes participant à l’aménagement du territoire.

Quant aux X 72500 bi et tricaisse, leur avenir semble ne plus se situer en France. Plusieurs exemplaires ont d’ores et déjà entamé une nouvelle carrière sur les chemins de fer roumains.

L’hydrogène en retrait

Alors qu’il avait bénéficié d’un vaste courant d’intérêt depuis septembre 2018, date à laquelle Alstom a fait circuler deux premiers trains régionaux en Allemagne, l’hydrogène semble ne plus être aussi en pointe pour le verdissement des TER. Les premiers engagements tardent à venir. Ils étaient initialement prévus fin 2019/début 2020 et auraient pu concerner une quinzaine de rames pour commencer. Alstom précise, toutefois, « être confiant pour voir émerger le projet cette année ».

Rappelons ici que quatre Régions se sont d’ores et déjà déclarées intéressées par le bimode hydrogène: Occitanie, Bourgogne-Franche-Comté, Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est. Le premier roulage de ces matériels capables de circuler aussi bien sous caténaires alimentées en 1 500 et 25 000 V qu’en mode autonome (l’hydrogène venant se substituer aux groupes diesel avec une autonomie de l’ordre de 400 km à 600 km suivant la nature des parcours) devrait intervenir courant 2022. Mais ce n’est pas avant 2024 que les premiers matériels neufs pourront être livrés. La solution sera également rétrofitable sur les rames Régiolis existantes à partir de 2026, date à laquelle les premières rames mises en service à partir de 2014 nécessiteront une opération mi-vie.

Allemagne: premier bilan prometteur pour le Coradia iLint

Au travers d’un communiqué publié le 19 mai 2020, Alstom estime avoir démontré la fiabilité de la technologie de pile à combustible dans le cadre du transport quotidien de voyageurs. Le constructeur s’appuie, en effet, sur les 530 jours d’exploitation et les plus de 180 000 km parcourus par les deux premières rames à hydrogène au monde sur des lignes régionales du nord de l’Allemagne.

Revenant sur l’opération pilote qui s’est achevée fin février 2020, Andreas Wagner, directeur de la division SPNV et mandataire de Eisenbahnen und Verkehrsbetriebe Elbe-Weser GmbH (evb) a exprimé sa fierté « d’avoir été la première société ferroviaire au monde à pouvoir exploiter les deux premiers trains à hydrogène sur le réseau Weser-Elbe. Dès le départ, nos passagers ont montré un vif intérêt pour ces trains et leur nouvelle technologie de propulsion. Totalement silencieux, ce train à hydrogène a également marqué des points grâce à son profil “zéro-émission”, un attrait non négligeable en ces temps de changement climatique. Enfin, la perspective d’être aux commandes du Coradia iLint est une source de motivation toute particulière pour nos conducteurs de train ».

14 trains à hydrogène exploités à partir de 2022

À partir de 2022, quatorze trains Coradia iLint commandés par LNVG et construits par Alstom sur son site allemand de Salzgitter remplaceront la flotte d’autorails diesel sur les lignes du réseau Weser-Elbe. La société de gaz et d’ingénierie Linde construira et exploitera, pour sa part, une station de remplissage d’hydrogène près de la gare de Bremervoerde.

Surtout, ces nouveaux trains deviendront encore plus « verts » à la faveur d’un investissement de 8,4 millions d’euros porté par le gouvernement fédéral de Basse-Saxe pour la fabrication d’hydrogène non plus à partir d’énergies fossiles – comme c’est le cas actuellement – mais par électrolyse et au moyen d’énergie éolienne.

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Auteur

  • Olivier Constant
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