La période de déconfinement nécessite de nombreuses adaptations, notamment en raison de l’application des mesures barrières dans les transports publics. Elle suscite également des modifications de comportements de la part des voyageurs (lire également notre dossier spécial en pages 14 à 19). Audrey Goldkranz, directrice du pôle expérience mobilité &innovation, chez Kisio Études &Conseil, et Michael Hayman, consultant senior expérience mobilité &innovation, répondent à Bus&Car Connexion.
Audrey Goldkranz: L’expérimentation vise à replacer l’usage et l’expérience utilisateur au cœur des projets. Cette approche n’est pas toujours un réflexe dans le secteur des mobilités, qui privilégie traditionnellement le maillage et la qualité de l’offre.
Or, la crise de la Covid-19 a modifié fondamentalement les attentes des voyageurs et démontre qu’il est difficile de prévoir et d’intégrer des changements de comportements.
Michael Hayman: La grande bataille à mener porte sur le changement d’état d’esprit des professionnels et des politiques, quand on touche à la mobilité. C’est une question de culture d’entreprise. On entend trop souvent dire: « Il faut que cette expérimentation soit un succès. » Or, quand on innove, on prend un risque. Viser le succès conduit à réduire la part de risque, donc la part d’innovation potentielle. Le but de l’expérimentation est d’apprendre, et l’on apprend beaucoup des échecs.
A. G.: On ne s’improvise pas expérimentateur. Il faut une méthodologie scientifique bien cadrée. La logique de retour d’expérience systématique est centrale. Elle permet de prendre le temps de réfléchir à ce que l’on souhaitait faire au départ, et de rectifier le tir en cours de route si nécessaire.
M. H.: Il faut définir collectivement ce que l’on veut tester en analysant ce qui a de la valeur pour l’écosystème: usagers, AO, acteurs économiques, acteurs associatifs… au lieu de laisser l’un des acteurs élaborer l’expérimentation et l’imposer ensuite. La définition du protocole d’expérimentation suppose la formulation d’une série d’hypothèses sur ces éléments de valeur qui sont ensuite testées puis validées ou invalidées.
M. H.: Il y a beaucoup d’acteurs qui ne viennent pas du monde de la mobilité, comme les start-up du digital. Ces structures n’ont pas peur de l’échec et veulent entrer en contact le plus vite possible avec les utilisateurs pour valider leur business model. La confrontation des méthodes de ces nouveaux acteurs et de celles de la sphère publique relance l’intérêt pour les nouvelles méthodes d’expérimentation.
A. G.: La diversité des acteurs engagés dans la mobilité contribue à rebattre les cartes, en apportant davantage de complexité. L’intervention d’entreprises comme Kisio permet de recentrer le débat sur l’objectif final des projets de mobilité. Les collaborations public-privé sont nécessaires, avec la prise en compte croissante des acteurs, entreprises ou associations, en présence sur un territoire. Dès que l’on modélise un projet, on s’efforce d’impliquer l’ensemble des parties prenantes, y compris dans la construction du protocole de test et dans la sélection des indicateurs étudiés. Cela permet d’éviter les biais.
