Dans une note du 17 juin, la Cnil a pointé la difficulté d’utiliser des caméras de reconnaissance faciale, ou thermiques, pour des raisons sanitaires dans les transports publics ou les aéroports. Le vide juridique les concernant oblige à se référer au RGPD, guère favorable à la captation d’images individuelles.
Peut-on utiliser des caméras intelligentes et des caméras thermiques dans les sphères publiques ou privées, afin de mieux lutter contre la Covid-19? Depuis le début de la pandémie, plusieurs lieux de transit ont vu fleurir des dispositifs de vidéosurveillance recourant à l’intelligence artificielle, par exemple pour vérifier le port du masque. Ce fut le cas courant mai, au métro Châtelet-les-Halles à Paris, ou dans les marchés de la ville de Cannes. Des entreprises privées se sont également dotées de ces moyens pour surveiller la distanciation sociale à l’intérieur de leurs locaux. L’aéroport de Roissy-Charles de Gaule s’est également équipé de caméras thermiques pour détecter d’éventuelles poussées de fièvre auprès des voyageurs. Or, ces dispositifs s’avèrent rarement en accord avec la loi, si l’on se fie au dernier avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Dans sa note datée du 17 juin, la Cnil vient rappeler que l’usage de ces caméras, « n’est aujourd’hui prévu par aucun texte particulier ». La commission avait déjà fait plusieurs appels en ce sens, qui n’ont pas été suivis d’effets législatifs (en 2018 sur les usages vidéos, et en 2019 sur la reconnaissance faciale).
Dans sa note, la Cnil rappelle qu’en vertu du règlement général sur la protection des données (RGPD) en vigueur dans l’Union européenne, chacun a le droit de s’opposer à une captation de son image dans l’espace public. Une prérogative difficilement applicable dans les faits. Pour ses caméras de reconnaissance faciale, le prestataire Datakalab, choisi par la RATP et la mairie de Cannes, donne ainsi le droit aux voyageurs de s’opposer à l’enregistrement de leur visage grâce à un signe négatif de la tête. Une méthode jugée « peu praticable dans les faits et difficilement généralisable », tranche la Cnil, qui considère de plus que cette disposition oblige les individus « à afficher publiquement leur opposition au traitement et fait porter une charge trop importante sur leur personne ». De fait, l’expérience a été arrêtée dans le métro parisien. Pour autant, la Cnil ne propose aucune alternative conciliable avec le RGPD, et se contente de demander une réglementation européenne plus adaptée sur la reconnaissance faciale (les travaux sont en cours).
Quant aux caméras thermiques, elles voient leur efficacité mise en doute par la Cnil: elles présentent « le risque de ne pas repérer des personnes infectées puisque certaines sont asymptomatiques ». Là encore, leur usage est jugé difficilement compatible avec le RGPD, puisque la captation d’images thermiques des personnes correspond à la prise de « données de santé », dont le traitement est en principe interdit, à moins qu’un texte spécifique vienne autoriser un tel dispositif.
Garante des libertés individuelles, la Cnil vient donc jeter un froid sur les projets faisant appel à des caméras « intelligentes ». Loin de donner des conseils pour faciliter leur usage, la Cnil appelle au contraire les acteurs « à une grande vigilance afin de ne pas multiplier et de ne pas pérenniser les instruments de surveillance par caméra dans les lieux publics ou ouverts au public », en privilégiant des modes moins coercitifs qui permettraient d’obtenir le même résultat. « Leur développement incontrôlé présente le risque de généraliser un sentiment de surveillance chez les citoyens, susceptible de porter atteinte au bon fonctionnement de notre société démocratique », conclut la Cnil.
