En Allemagne comme en France, les pistes cyclables temporaires aménagées au lendemain du confinement ne font pas l’unanimité. À Berlin, 15 km d’itinéraires vélos vont ainsi devoir être supprimés, sur décision du tribunal administratif.
Suite à une plainte de l’extrême droite, la municipalité de Berlin va devoir démonter les pistes cyclables supplémentaires, installées pendant le confinement. Huit pistes cyclables temporaires, de 15 km au total, avaient été instaurées sur des axes à forte fréquentation. Séparées du flot des voitures par des plots en béton ou des bandes de peinture jaune, les pistes cyclables temporaires ont remporté un vif succès auprès des cyclistes, et avaient été maintenues après le déconfinement par les autorités. Le tribunal administratif de Berlin, saisi par le parti d’extrême droite AfD, a estimé début septembre que les conditions nécessaires à la mise en place d’une piste cyclable (au détriment de la circulation des voitures) n’étaient pas remplies.
« La municipalité ne peut prendre une telle décision que lorsque la sécurité des cyclistes est en jeu », a tranché le juge. La sénatrice verte des Transports de la ville estime de son côté que l’instauration de pistes cyclables supplémentaires était alors indispensable pour permettre aux personnes travaillant dans les hôpitaux ou les supermarchés de se rendre en sécurité à leur travail, les transports en commun ne permettant pas de respecter les règles de distanciation sociale. 20 % des usagers des transports en commun ont opté pour le vélo avec la crise sanitaire, selon les estimations.
Avec le confinement, les arrondissements de Berlin avaient considérablement allongé le réseau des pistes cyclables de la ville. Le quartier alternatif de Friedrichshain, dans la partie Est de la ville, avait été le premier à transformer des voies de circulation en pistes réservées aux vélos, à l’heure où le trafic automobile s’était effondré, du fait du confinement. Le mouvement avait vite été suivi par les autres arrondissements du centre de la capitale. Face au succès de l’opération, la municipalité de Berlin avait même envisagé d’étendre encore le réseau, et de nombreuses autres communes lui avaient emboîté le pas. Un budget de 2 millions d’euros avait été débloqué dans la capitale, qui aurait permis de réaliser 30 à 50 km de nouvelles pistes cyclables sommairement marquées au sol. Le quartier de Friedrichshain estime qu’un investissement de 10 000 euros par kilomètre de nouvelle piste cyclable suffirait pour garantir la sécurité des cyclistes. « C’est le prix de six centimètres de travaux sur l’autoroute A100 », soulignent les Verts, opposés au prolongement de cette autoroute urbaine vers l’Est de la ville.
Les pistes cyclables temporaires, baptisées « pop-up » dans le pays, redistribuent la chaussée au profit des cyclistes et au détriment de la voiture, en privant certains axes d’une voie jusqu’alors réservée aux automobiles, ou en supprimant des places de parking (600 places en moins dans le seul quartier de Friedrichshain, à la pointe du mouvement « pop-up ».)
Selon un sondage réalisé par l’université technique de Berlin TU et l’institut pour la recherche sur la durabilité de Potsdam IASS, 94 % des cyclistes approuvent l’initiative des pop-up. Même satisfaction chez 79 % des usagers des transports en commun et trois quarts des piétons, tandis que seuls 11 % des automobilistes approuvent l’initiative.
Les habitudes de circulation des Berlinois se sont profondément modifiées avec la crise sanitaire: 76 % des habitants utilisaient les transports en commun au moins une fois par semaine avant la crise. Ils n’étaient plus que 23 % à le faire après l’apparition du virus. Le pourcentage de personnes utilisant leur vélo au moins une fois par semaine est passé pendant la période de 76 à 84 % des interrogés.
