Il y a presque 40 ans, Migratour était créé en Haute-Loire. Ses fondateurs n’ont cessé de développer leur société en rachetant des entreprises de transport. Leur dernière création, le Compostel’Bus est dédié aux pèlerins et a très bien fonctionné en cet été de crise sanitaire. Le groupe réoriente son offre touristique sur une thématique nature et patrimoine en France.
« Cette crise nous est tombée dessus comme un couperet », formule Xavier Turin, le créateur des autocars et de l’agence Migratour, au Puy-en-Velay. « L’entreprise a été totalement mise à l’arrêt pendant les mois de confinement pour les services réguliers et touristiques. Entre le chômage partiel pour les conducteurs, et le soutien de la Région et de la communauté d’agglomération, nous n’avons pas eu de trou financier sur le service régulier. Pour l’agence de tourisme, c’est plus compliqué… » Après avoir « détricoté » tous les dossiers, les deux salariées de l’agence ne travaillent plus que quelques heures par semaine. « On ne voit pas le bout du tunnel… Pour les groupes, c’est un peu moins compliqué car on travaille avec nos autocars, on a pu faire des reports. »
Le seul segment qui résiste au choc est le tourisme vert. Fort heureusement, Migratour avait pris le tournant avec le Compostel’Bus, un service pour les pèlerins, très nombreux à partir sur les chemins de Compostelle depuis Le Puy-en-Velay (lire encadré p. 17). « Nous allons réorganiser notre site Internet pour mettre en avant le réceptif France, où nous avons un grand savoir-faire. En privilégiant les thèmes de la nature, la culture et le patrimoine », annonce Xavier Turin. Ainsi, leur site Visitauvergne sera intégré à celui de Migratour.
Xavier Turin et Marie Toulemonde ont créé Migratour à Blassac, en Haute-Loire en 1981. « À 40 km du Puy-en-Velay, en pleine campagne! On travaillait pour des associations et des clubs: le rugby, les enfants le mercredi… » Xavier Turin achète son premier car, « un vieux Mercedes 302 ». Commencent les voyages en Angleterre. « J’étais le seul conducteur et Marie faisait la guide dans le car, tout en s’occupant du bureau et de la comptabilité! »
C’est l’époque des « Bons dimanches de Migratour ». « Dans cette zone rurale, les gens bougeaient peu, rappelle le couple. Ils nous faisaient confiance, ils s’inscrivaient à la sortie du dimanche. On emmenait ceux qui n’avaient jamais vu la mer à Marseille ou au Grau-du-Roi. On a fait ça pendant 15 ans. »
« Pour notre premier contrat de ramassage scolaire, en 1982, nous avons acheté un car et embauché un conducteur », poursuit Xavier Turin. Dès lors, le parc et l’équipe ne cessent de s’agrandir. Le rachat des cars Comte a lieu en 1985, puis ce sera les voyages Fayolle en 1990, les autocars de la Tour en 1992 et Stahl en 1995. « À chaque fois, on reprenait le personnel. On a racheté une douzaine de sociétés, avec plus ou moins de réussite, on a appris de nos erreurs… »
L’agence de voyages ouvre en mars 1988, au centre du Puy-en-Velay, sous la direction de Marie Toulemonde. « Nous avons transformé une ancienne confiserie. Le but était de faire tourner nos cars. »
En 1992, pour les JO d’Albertville, « nous nous sommes rendu compte qu’il manquait des cars dans les Alpes. Depuis, on en loue tout l’hiver ». Une autre date importante, leur adhésion à Réunir en 2009, qui permet un accès à la clientèle nationale. En 2013, les rachats se poursuivent avec VHL, sur le bassin lyonnais. Malheureusement, en 2016, Xavier Turin est victime d’un accident domestique qui le laisse paralysé. « Les mécanos, les gars… Tout le monde s’est mobilisé », raconte le couple. Chantal Celle prend la direction de l’agence de Voyages, et Marie-Hélène Peyron celle de Migratour autocars.
En 2019, les transports occasionnels représentaient 57 % de l’activité, contre 48 % pour les réguliers. Pour un chiffre d’affaires dépassant les 3 millions d’euros. Migratour organisait depuis dix ans un voyage annuel, pour que leurs clients associatifs rencontrent des professionnels du tourisme, ce qui générait des séjours. Mais la crise a rebattu les cartes. Le parc se maintient avec 60 cars, dont 15 grand tourisme, et les effectifs à 53 personnes.
Tous les jours, des pèlerins partent sur les chemins de Compostelle depuis le Puy-en-Velay. La majorité se dirige vers Conques par la Via Podiensis. Migratour avait prévu de longue date un service de transports aux marcheurs, mais le trajet traversant plusieurs départements et régions, la chose était compliquée. Le Compostel’Bus a pu voir le jour en 2015, avec les services librement organisés.
La ligne fonctionne tous les jours de mi– avril à mi-octobre. Sur les 200 km, 24 arrêts ont été définis. Dès la première année, « on a transporté 4 194 personnes, pour un chiffre d’affaires de 91 000 €, c’est intéressant pour un démarrage », estime Xavier Turin. Les horaires sont calés sur ceux des trains ralliant le Puy-en-Velay à Saint-Étienne et Lyon. Le système de réservations avait été travaillé en amont grâce au groupement Réunir. Chaque année, la part des billets pris en ligne augmente.
Deux autocars sont dévolus à ce service: un véhicule de 30 places, qui circule dans 70 % des cas, et un autre de 19 places. « Ce n’est pas possible de faire rouler un grand véhicule de 50 places sur ces petites routes », explique Xavier Turin. Surtout quand des bêtes en transhumance ou le Tour de France s’en mêlent… « Mais on arrive toujours à trouver une déviation et à prévenir les clients. »
En 2019, les 6 000 trajets sont atteints, générant 160 000 € de chiffre d’affaires. 2020 a connu la même affluence, mais sur une durée bien plus réduite: « On a démarré en juillet au lieu d’avril. On a fait le même mois de juillet que l’an dernier et même beaucoup plus en août! » Mais pas d’étrangers cette année, d’où une fréquentation moindre en septembre et octobre. Migratour a en tête de doubler un jour la ligne, voire de la prolonger jusqu’à Cahors, en partenariat avec d’autres transporteurs.
