Depuis quelques semaines, je m’installe certains soirs devant TF1 pour assister à “Questions pour un présidentiable”, le nouveau jeu de la chaîne qui vend du temps de cerveau d’électeur disponible. Que voulez-vous, j’aimais les émissions politiques. J’ai donc découvert avec bonheur combien celui ou celle qui présidera demain aux destinées de la France est proche de nous. Comme des millions d’autres, j’ai frémi quand les candidats se sont engagés devant nos yeux à reconstruire la salle polyvalente de Saint-Valentin-sur-Brière, à faire distribuer de nouvelles chaises aux élèves du cours préparatoire de Tourchon-le-Neuf, à changer la couleur de l’uniforme des facteurs, et à promulger une nouvelle loi pour réglementer le ramassage des palourdes à Plounérin. Autant de questions qui me donnaient des insomnies avant que TF1 ne trouve ce moyen de calmer mes angoisses. Et puis j’adore me laisser prendre aux subtilités de la mise en scène. Une question sur la discrimination? Le caméraman nous fait un gros plan sur le beur ou le black du panel, pour qu’on comprenne mieux. Le débat s’oriente vers l’alcoolisme? La chaîne nous a prévu un cas sur le plateau. Le chômage? Bien sûr qu’il y a des chômeurs, vêtus comme des chômeurs, émus aussi, les yeux pleins d’espoir – autre gros plan – pendant qu’on leur vend la bonne recette contre leur misère. Les plus agressifs sont souvent les retraités, de droite ou de gauche. Comme si leur longue carrière d’électeurs déçus leur donnait ce droit. J’ai aussi espéré à chaque fois y voir un autocariste, mais non, vous n’êtes pas dans le panel. Ce n’est pas grave, ils sont tous si parfaits ces Français qui nous représentent, bredouillant, bafouillant, ou lisant avec application la question qui leur donnera une minute de gloire en “prime-time”. On en oublie volontiers que la finalité de l’exercice, c’est le programme des candidats. Peu importe. Quand la mise en scène est bonne et que l’artiste regarde le public au fond des yeux, on se moque qu’il chante faux, et on l’applaudit. Comme à la Star Academy.
