Newsletter S'inscrire à notre newsletter

Magazine

Des tuteurs pour les débutants: tandems gagnants

Pour accueillir et perfectionner ses nouveaux conducteurs, l’autocariste Berthelet mise sur le tutorat. Une politique de formation qui s’avère payante pour fidéliser le personnel.

Je suis arrivé en février comme conducteur scolaire à temps partiel et, après un complément de formation, j’ai été mis en relation avec Nathalie, ma tutrice, qui me transmet ses connaissances”. Fernando Goncalves, un quadragénaire passé par divers métiers, apprécie cet accompagnement et la perspective de décrocher un emploi stable chez Berthelet. Après des années à enchaîner les contrats temporaires, notamment dans la logistique “où il faut être bon avant même de connaître le matériel”.

Nathalie Giner, elle-même conductrice d’autocars de transport scolaire et régulier, souligne l’aspect “rassurant” de cet accompagnement. Notamment, comme le reconnaît Fernando Goncalves, face aux craintes que peut susciter la responsabilité de transporter des enfants. “Pendant un an, je suis à la disposition des apprenants pour les renseigner, les conseiller, et les premiers mois, je les rencontre au moins une fois par semaine, sans compter les échanges informels pendant les coupures”, déclare Nathalie Giner. Avant de se rappeler qu’entrée à 24 ans chez Berthelet en 1992, elle avait dû “se débrouiller et tout apprendre sur le tas”. Aujourd’hui, chacun des débutants connaît le numéro de téléphone personnel de son tuteur et peut l’appeler au moindre problème. Au cas où, par exemple, il s’égare dans les zones rurales de l’Ain, de l’Isère ou du Rhône que sillonnent les cars Berthelet. Mais la demande la plus fréquente consiste à reconnaître tout nouvel itinéraire avec son tuteur, “car à vide”. Repérer et mémoriser les arrêts quelquefois non signalisés. Éviter les petits chemins sur lesquels on ne peut faire demi-tour avec un véhicule de 12 mètres.

Une expérience de trois ans

Le tutorat a commencé en 2004 chez Berthelet où travaillent quelque 130 conducteurs dont 30 % de femmes. “Nous avons sélectionné dix chauffeurs volontaires et motivés ayant au moins trois ans d’ancienneté pour une formation à l’AFT-Iftim”, se rappelle Martine Claret, la directrice des ressources humaines. Une autre promotion de dix a suivi. Une troisième est prévue. Le programme, sur trois jours, porte sur les relations avec les clients et avec les autres chauffeurs, sur la façon de communiquer, sur les meilleurs moyens de faire passer les messages. Et les tuteurs retournent en formation une journée chaque année.

Dès qu’un conducteur est embauché, un binôme apprenant / tuteur principal est constitué, avec un tuteur secondaire pour pallier les absences, précise Eugénie Jacob, assistante RH chargée du tutorat. Pour les aider, ajoute-t-elle, nous avons établi une check-list de toutes les connaissances et consignes à aborder. Depuis la présentation des personnes, des services et des différents types de véhicules, jusqu’à l’utilisation du tachygraphe ou de la billetterie. Lorsqu’il passe une journée avec son apprenant, le tuteur va contrôler la façon dont il conduit, entretient son véhicule, vérifie les niveaux, s’il utilise bien le chronotachygraphe, s’il a tous les documents du véhicule et son permis… La bonne maîtrise de tous ces aspects du métier est ensuite vérifiée par le tuteur coordinateur. Actuellement Nathalie Griner assure cette fonction. Au bout de trois mois, je valide les acquis et, si un point a été loupé, je veille à ce qu’il soit corrigé”.

Tuteurs: des motivations pas seulement financières

Aujourd’hui l’entreprise Berthelet compte 15 tuteurs en activité: dix sur le site de Crémieu, siège de l’entreprise à 30 km à l’est de Lyon, et cinq sur le site de Génas non loin de là. Les autres sont partis en retraite ou n’ont pas de disponibilités. Tous peuvent disposer d’un local ou d’un véhicule-école pour exercer leurs fonctions. Leurs heures de tutorat sont rémunérées, sans compter une prime de 2 % sur leur salaire de base. Mais leurs motivations semblent autres que pécuniaires.“On transmet ses connaissances et son plaisir du métier, on est à l’écoute des apprenants, on répond à leurs besoins”, confie Nathalie Giner, également satisfaite de cette évolution professionnelle. Sa collègue Marie-Laure Courand, conductrice scolaire à temps partiel depuis 2004 et tutrice, aime aussi partager son savoir.“Nous entourons les nouveaux arrivants, nous les aidons à se sentir à l’aise, sinon ils stressent…”, confie-t-elle. Ancienne aide-comptable, elle s’est particulièrement intéressée au salaire, à la fiche d’amplitude et aux primes. Le service RH l’a aidée. Il cherche d’ailleurs à “améliorer le système” en spécialisant les tuteurs. Marie-Laure Courand sur la feuille de paye. Un autre tuteur sur l’entretien et les réparations à l’atelier. Un troisième sur la conduite d’un car à deux étages et les particularités des boîtes de vitesses et systèmes d’ouverture des portes sur les différents véhicules. Un quatrième sur les navettes entre le parking et le terminal aéroportuaire et la gare TGV de Lyon Saint-Exupéry (ex-Satolas). “Je suis prêt après avoir fait trois fois le circuit avec le tuteur, d’abord avec lui au volant puis seul”, indique Fernando Goncalves qui complète son temps scolaire par ces navettes que Berthelet partage entre ses conducteurs de Crémieu et de Génas.

Une solution pour encadrer les moins de 21 ans?

Le président Alain-Jean Berthelet voit un mérite essentiel au tutorat: fidéliser les conducteurs à une époque de pénurie. “Il y a 20 ans, les conducteurs faisaient ce métier par choix, mais aujourd’hui l’image du métier est dévalorisée”, déplore-t-il. Pour lui, il faudrait permettre aux jeunes de moins de 21 ans d’entrer dans le métier, quitte à les faire encadrer par des tuteurs et à limiter à 50 km la longueur de leurs circuits. “Aujourd’hui, affirme Alain- Jean Berthelet, le transport de voyageurs récupère des candidats dont l’expérience est peu probante, ou qui sont en situation d’échec”. De fait, de nombreuses candidatures émanent de demandeurs d’emploi inscrits aux Assedic. Berthelet leur fait passer une “évaluation en milieu de travail” pendant une semaine sous statut de stagiaire de la formation professionnelle. Ils subissent une épreuve écrite permettant de vérifier leurs connaissances générales, leur logique spatiale, et s’ils savent lire, écrire et compter. Puis une épreuve de conduite sur un véhicule de neuf places. “Durant cette semaine, précise Eugénie Jacob, ils rencontrent d’autres conducteurs et sont confrontés à la réalité du métier, souvent différente de la représentation qu’ils en avaient”. Certains renoncent face à des horaires de travail ne leur permettant pas de concilier vie professionnelle et vie personnelle.

Le parcours du débutant

Ceux qui sont sélectionnés reçoivent une promesse d’embauche valable six mois et conditionnée à la réussite de leur examen après la formation de deux ou trois mois à l’AFT, Form abus ou Promotrans. Une fois leur permis D, leur Fimo et, éventuellement, leur titre voyages en poche, les candidats reviennent chez Berthelet où ils passent un entretien et un test de conduite. “Le test permet de voir le nombre d’heures de conduite encadrée encore nécessaires avant que le débutant ne soit mis entre les mains d’un tuteur et à la disposition du service exploitation qui gère les plannings”, indique Martine Claret. La convention collective prévoit 14 heures de conduite pendant la formation mais Berthelet complète, selon les besoins, par deux heures à deux semaines supplémentaires. “Entre les formations individuelles et collectives, il faut compter en moyenne 36 heures pour former un conducteur par an”, indique Hamid Djoudi, responsable formation, lui-même entré chez Berthelet comme conducteur voici une vingtaine d’années.

La formation individuelle de base est assurée par le responsable ou l’un des deux autres formateurs. Elle se déroule sur 12 h 30 et partiellement sur car à double commande. Au programme: le test de conduite (30 minutes), la formation à la conduite en et hors agglomération, les vérifications courantes, les dispositifs de sécurité, le tableau de bord, les particularités du véhicule (7 heures). L’accueil des personnes à mobilité réduite et la prise en charge des bagages (1 heure) font aussi l’objet d’un test, comme la conduite sur un véhicule à boîte mécanique et un à boîte automatique (1 heure), ou la présentation des différents modèles de véhicules (3 heures). Une évaluation est faite à la fin de la formation et six mois après. S’ajoute un module sur le fonctionnement de l’entreprise avec la présentation du rôle du tuteur, les obligations professionnelles, la procédure en cas de panne.

Des formations spécifiques à foison

D’autres formations se déroulent pendant les coupures ou pendant les vacances scolaires afin de ne pas pénaliser l’exploitation”, indique Hamid Djoudi. Parmi les thèmes récurrents: la réglementation (5 heures), la sécurité dans les transports scolaires (4 heures), le tachygraphe électronique (3 heures), l’assurance et la billetterie (8 heures), la conduite professionnelle économique (14 heures), le grand tourisme (35 heures) et la conduite en montagne (38 heures). “Pour la montagne, les chauffeurs partent quatre jours et nous leur apprenons à chaîner en pleine nuit pour rouler sur les routes enneigées, précise le responsable formation. Depuis 1999, 90 conducteurs ont suivi la formation et ils n’ont jamais eu de souci”.

Des CDroms permettent d’aborder le comportement, notamment pour réduire le stress. Pendant l’été, le service formation prévoit l’édition d’un manuel pour chacun des 27 types d’autocar du parc en omettant “les informations du constructeur qui ne servent à rien”. Deux nouvelles sessions sont prévues sur la prévention des risques et sur les gestes et postures sur le poste de conduite. Une formation “gestion des conflits”, externalisée jusqu’à ce jour, doit être prochainement réalisée en interne. En revanche, pour la sécurité, un intervenant de la Sécurité routière devrait venir chez Berthelet.

Les tutrices donnent l’exemple

En 2006, 99 % des conducteurs ont suivi une session, généralement en interne, souvent sur le conseil de leur tuteur. Alain-Jean Berthelet signale que “l’entreprise a consacré 175 000 euros à la formation en 2006”. Essentiellement pour les conducteurs et à hauteur de 6,77 % de sa masse salariale. Pour les formations à la fonction de tuteur, l’OPCA-Transports a financé à hauteur de 15 euros de l’heure les sessions à l’AFTIftim. En qualité de conducteur, les tuteurs sont amenés à suivre toutes les formations. Ils vont ainsi consacrer à l’automne deux fois deux jours à la sécurité sur un programme établi par la caisse régionale d’assurance maladie.

Mais d’ores et déjà, les tuteurs, et surtout les tutrices, montrent l’exemple. “Elles se sont distinguées par leur conduite souple et économe ainsi que par leurs connaissances sur la réglementation lors du challenge des conducteurs organisé en 2006 par Berthelet”, souligne Alice Rossillon, assistante RH. La gagnante a été Marie- Laure Courand et la troisième Nathalie Giner. L’entreprise compte aujourd’hui 5 femmes parmi ses 15 tuteurs . Une proportion qui pourrait augmenter car, confie Martine Claret, “nous envisageons d’étendre le tutorat aux fonctions administratives, largement féminisées”.

Identité

– L’entreprise Autocars Berthelet a été fondée en 1985.

– Le capital appartient à 99,99 % à la famille Berthelet.

– Alain-Jean Berthelet préside la société installée à Crémieu dans l’Isère.

– 176 salariés.

– 130 autocars.

Retour au sommaire

Auteur

  • Martine Rossard
Div qui contient le message d'alerte

Envoyer l'article par mail

Mauvais format Mauvais format

captcha
Recopiez ci-dessous le texte apparaissant dans l'image
Mauvais format

Div qui contient le message d'alerte

Contacter la rédaction

Mauvais format Texte obligatoire

Nombre de caractères restant à saisir :

captcha
Recopiez ci-dessous le texte apparaissant dans l'image
Mauvais format