Les premières Assises européennes du tourisme en autocar (AETA) ont brossé un tableau particulièrement sombre de la situation du secteur. La liste des problèmes est impressionnante, celle des solutions beaucoup moins.
“Les Français parlent beaucoup, mais je pense qu’il faut aujourd’hui passer à l’action. Je propose une grève européenne des autocaristes, pendant laquelle chaque fédération bloquera la capitale de son pays”. Accueillie par les rires des autocaristes français présents aux première Assises européennes du tourisme en autocar le 10 octobre, ces propos de René Léonard, président de la FBAA belge, sont peut-être à prendre au sérieux. Ces rencontres, initiées par la FNTV dans la foulée de son congrès, ont essentiellement mis en lumière les difficultés réglementaires du métier. Une liste à la Prévert qui a progressivement brisé tous les espoirs des étudiants des différentes écoles de tourisme qui avaient répondu présents à l’appel du syndicat.
Clouée au pilori des “assassins” du tourisme en autocar, la Commission européenne arrive largement en tête avec sa réglementation qui impose une journée de repos après six jours de conduite, contre douze précédemment. “La clientèle est totalement désorientée, constate par exemple Francesco Pacifico, vice-président de l’IRU, elle ne comprend pas cette journée d’interruption. Et puis, nous avons aussi perdu toute flexibilité au niveau des pauses quotidiennes”.
Le manque à gagner engendré par cette nouvelle donne est difficile à chiffrer, même si quelques-uns l’estiment à 25 % du CA tourisme des entreprises. “Nous voulons un nouveau règlement spécifique aux autocaristes, tempête Michel Seyt, vice-président de la FNTV et architecte de cette journée. Nous ne sommes pas des transporteurs de marchandises”. La Commission va commander une étude sur l’impact de cette mesure, l’appel d’offres pour le choix de l’organisme qui en sera chargé a été lancé le 9 octobre. Le processus risque donc de traîner en longueur, et stigmatise la difficulté à faire coïncider le temps de l’administration, lent, et celui de l’entreprise, rapide et réactif pour des raisons de survie.
Face à cette situation, les réactions sont diverses: combatives, comme celle de René Léonard, “lobbyistes”, comme celle de Francesco Pacifico, qui demande à chaque syndicat de travailler son ministère au corps. Le plus souvent, elles resteront fatalistes, à l’image du Britannique Graham Smith: “Il faut pour l’instant nous débrouiller avec ce problème”.
La FNTV voulait aussi mobiliser ses adhérents sur le problème du manque d’harmonisation européenne des contrôles et des sanctions. Après une longue litanie des déboires rencontrés par chaque fédération européenne présente, notamment dans la traversée du territoire français. Murielle Bouldhuyre, chef du bureau d’organisation des contrôles au ministère des Transports, se sent un peu seule lorsqu’elle doit expliquer le bien-fondé des politiques de contrôles menées en France. La salle abonde finalement dans son sens, mais réclame une harmonisation à l’échelle du continent. Pour toute réponse, on apprend que Bruxelles y travaille, et que pour les sanctions, il faudra d’abord harmoniser les différents systèmes juridiques. “Vaste programme” auraient dit certains. En aparté, avec plus ou moins de discrétion, les étudiants commencent à quitter les lieux.
Le mouvement va en s’accélérant lorsque le dernier thème de la matinée est abordé: celui de l’accès à la profession. Après un tour de table européen qui consacre les différences qui font la richesse de l’Union, Michel Seyt annonce que la FNTV “milite pour que l’accès au métier se fasse sans dérogation, et avec une garantie financière montée à 35 000 euros pour le premier véhicule”. C’en est sans doute trop pour les étudiants, qui quittent la salle de plus en plus nombreux, convaincus qu’ils leur faut chercher une autre voie.
En préambule de ces premières assises, Serge Fouquet, président de la FNTV, avait précisé que les adhérents de la fédération réalisaient entre 15 et 25 % de leur chiffre d’affaires dans le tourisme. Michel Seyt renchérissait en rappelant que “l’autocar est un maillon essentiel de la grande chaîne du tourisme”. Peut-être aurait-il fallu insister ensuite un peu plus sur les réalisations et les développements possibles de cette activité. Les freins réglementaires européens ou français, pour importants qu’ils soient, ont occupé tous les débats, donnant l’image négative d’un secteur condamné. Et si tel est le message que la FNTV a voulu faire passer, c’est René Léonard qui a raison, et il n’est plus temps d’en rire.
