Le premier constructeur mondial reste tranquillement sur son trône. Bien qu’il soit faiblement présent en Chine et absent en Inde, Daimler Bus toise toujours ses concurrents. Et la situation ne risque pas de changer car il promet de s’inviter rapidement sur les fertiles terres asiatiques.
Daimler Bus a stagné en 2006 dans un marché en hausse. Comment expliquez-vous cela?
– Nous restons tout de même le premier constructeur au monde avec 16 % de parts de marché sur les véhicules de plus de huit tonnes. C’est presque trois fois plus que l’acteur mondial le plus proche (Ndlr Volvo). Entre nous et ce concurrent, on trouve des constructeurs nationaux, indiens ou chinois, qui profitent de l’importance de leur marché respectif. En 2007, nous devrions atteindre les mêmes chiffres d’immatriculations, soit un peu plus de 36 000 véhicules. Ce n’est pas ce que je qualifierais de stagnation. D’autant plus que la part la plus importante de la croissance mondiale se joue en Chine et en Inde où nous ne sommes jusqu’à présent actifs que sur des segments de niche.
Vous n’avez plus de joint venture en Chine. Comment tentez-vous de vous imposer sur cet incontournable marché?
– Nous avons toujours un partenariat avec Anhui Automobile qui a la possibilité de produire sous licence l’ancienne génération de Setra, le 315 HD. Si ce modèle n’est plus d’actualité en Europe, il reste bien en phase avec les attentes du marché chinois. Technologiquement, il n’y est pas dépassé.
À terme, il est néanmoins indispensable, pour conserver notre position de leader mondial, que nous soyons fortement représentés sur ce marché de près 70 000 véhicules par an. Nous nous exprimerons plus en détail sur la stratégie que nous entendons y poursuivre lorsque le moment sera venu.
Allez-vous enfin essayer d’imposer vos produits sur le marché indien?
– Nous avons conclu avec Sutlej Motors un accord portant sur la production d’autocars de tourisme de luxe. Mais il ne suffit pas de vendre des véhicules pour s’implanter sur un marché. Il faut également être en mesure de développer une offre de service et de mettre en place un réseau pour l’après-vente. Nous avons, par conséquent, commencé les études avec notre partenaire indien en 2006. Les premiers prototypes ont été développés. Nous proposerons des véhicules carrossés par Sutlej Motors reposant sur des châssis Mercedes fabriqués dans notre usine brésilienne.
Quelles sont vos ambitions sur la scène européenne?
– Nous voulons également y conserver notre place de leader contrôlant jusqu’à présent 22 % de parts de marché en 2006, et nous avons pour objectif de renforcer encore plus cette part de marché.
Je pense que nous disposons des atouts suffisants pour y parvenir. Notre offre est particulièrement bien fournie, des véhicules très haut de gamme jusqu’à nos minicars sur base Sprinter.
Nous prétendons aussi à la position de numéro un sur le plan de la sécurité. Qu’il s’agisse des dispositifs actifs ou passifs, je pense que nous fournissons sur ce point la panoplie la plus complète. Enfin, nous visons également le leadership sur le plan des propulsions alternatives. Grâce aux 30 Citaro équipés de piles à combustible qui ont circulé dans dix villes européennes, nous bénéficions d’une expérience incomparable en matière de véhicules dotés de cette technologie.
Comme nous sommes conscients qu’elle appartient encore au futur, nous avons décidé de mettre l’accent sur les autobus hybrides dans une étape intermédiaire. Nous commercialiserons des Citaro dotés de cette propulsion dès 2009. Dans un premier temps, en 2008, nous allons en expérimenter une dizaine sur le réseau de Stuttgart. Cette phase nous semble indispensable, car nous voulons livrer à nos clients des véhicules réellement capables de répondre à leurs contraintes d’exploitation. Ils doivent satisfaire aux exigences environnementales sans sacrifier la question de la rentabilité. Nous pourrions déjà vendre des véhicules à l’état de prototype, mais les critères de qualité particulièrement élevés de Mercedes Benz nous l’interdisent. Nous voulons imposer cette technologie dans la durée comme une solution profitable pour les transporteurs.
Quels pourraient être le coût d’un autobus hybride?
– On l’estime à 30 à 40 % de plus qu’un autobus diesel similaire du fait des composants électriques. Mais sur l’ensemble de la durée de vie d’un véhicule, ce surcoût peut être largement amorti grâce aux économies de carburant que cette technologie permet de réaliser. Par ailleurs, nous espérons que, comme aux États-Unis où nous commercialisons des autobus Orion Hybrid, de tels véhicules donneront droit à une subvention en Europe. Cela accélèrerait leur amortissement. D’une manière générale, si l’Europe et les États-Unis ne parviennent pas toujours à s’accorder sur la question environnementale, les Américains se montrent très novateurs sur le plan des subventions. Aux USA, l’achat d’un Orion VII Hybrid donne ainsi droit à un subside de 150 000 dollars. C’est une incitation claire donnée aux transporteurs pour se tourner vers les véhicules écologiques. Un exemple à méditer en Europe.
Pensez-vous que les pays d’Europe de l’Est récemment entrés dans l’Union européenne offriront de bonnes opportunités de développement?
– Ces pays vont essayer de mettre rapidement leur parc roulant au niveau de celui de nos marchés, notamment sur le plan des normes anti-pollution. Cela présente des avantages et des inconvénients. Côté positif, nous allons pouvoir y commercialiser nos gammes les plus récentes, comme nous le faisons dans les autres pays de l’Union. Mais il faudra également composer avec le parc roulant actuel. Bien souvent, il sera difficile de le reprendre pour le remettre sur le circuit des ventes de véhicules d’occasion. Nous sommes néanmoins déjà bien implantés. Nous avons notamment livré 450 Citaro à la ville de Bucarest et nous avons reçu une commande supplémentaire de 500 unités.
À ces pays d’Europe, j’ajouterais la Turquie, qui est également en phase de renouvellement de son parc. En 2005, nous avions livré 500 Citaro à Istanbul. Nous y avons également vendu notre CapaCity qui y circule sur une ligne en site propre.
Dans quelle mesure la Russie pourrait-elle contribuer au développement international de Daimler Buses?
– Ce marché s’inscrit dans notre plan de croissance mondiale au même titre que la Chine ou l’Inde. Pour s’y développer efficacement, il est indispensable d’être présent sur place. Aujourd’hui nous y vendons surtout des véhicules orientés vers les commandes de grande envergure. Nous avons notamment livré cette année 500 Inturo à Moscou. Mais nous ne voudrions pas nous contenter de ces opérations ponctuelles. Nous disposons en Russie d’une filiale d’autobus qui doit étendre de manière significative ses activités sur cet immense territoire. Ce grand pays ne peut néanmoins être abordé qu’avec nos collègues de la branche camions en ce qui concerne le service après-vente et le réseau de points de service.
Vous avez plus de 50 % du marché mexicain et près de la moitié de celui d’Amérique du Sud.
Pensez-vous pouvoir encore y progresser?
– En Amérique du Sud, nous occupons une position de leader sur les deux plus importants marchés que sont le Brésil et l’Argentine. Dans les deux cas, il ne nous reste plus trop de marges de croissance. Mais il ne faut pas limiter le potentiel sud-américain à ces deux pays. D’autres portes s’ouvrent à nos ambitions, notamment le Chili qui offre de très intéressantes perspectives. Au Mexique, un énorme marché d’environ 10 000 immatriculations par an, nous dépassons les 50 % de parts de marché. Notre principale ambition est d’y défendre notre position, notamment face à l’arrivée de nouveaux concurrents.
Le Bus Rapid Transit (BRT), très populaire en Amérique du Sud, pourrait-il constituer de nouvelles opportunités, notamment avec votre CapaCity?
– Nous avons constitué une équipe chargée de la commercialisation du CapaCity à l’échelon mondial. Aujourd’hui, le BRT sud-américain privilégie les véhicules articulés de conception assez basique, que nous nous pouvons également proposer sur la base de nos autobus articulés. C’est pour cela que, dans ces pays, nous proposons tout autant notre CapaCity que des systèmes de véhicules de transport de grand volume sur la base de nos autobus articulés classiques. Nous devons gagner des parts de marché.
Vous êtes présents en Amérique du Nord au travers des marques Orion, Thomas Built et Setra. L’autobus à pile à combustible ne permettrait-il pas d’y faire entrer Mercedes?
– Sur le principe, la technologie de la pile à combustible pourrait très bien intéresser certains États comme la Californie, très investis sur la question écologique. Mais les véhicules introduits sur le marché américain doivent répondre à un nombre important de spécificités. Cela rend difficile de transposer tels quels des produits développés pour les marchés européens comme le Citaro à pile à combustible. Quand nous travaillerons à la prochaine génération de véhicules, il nous faudra par conséquent développer des concepts de véhicules pouvant trouver une utilisation plus large dans le monde afin de pouvoir réaliser des économies d’échelle pour les nouvelles technologies.
Votre pénétration sur ce marché répond-elle à vos attentes?
– Pas pour le moment. Nous devons y croître davantage. Les États-Unis sont un très important marché qui ressemble assez à ce que l’on connaît en Europe. Nous devons nous imposer dans d’autres segments que l’urbain et le scolaire pour répondre à cette ambition.
Dans cette optique, le développement de Setra est très important. Cette marque forge l’image de notre groupe et prouve notre savoir-faire en matière d’autocars haut de gamme.
Le Moyen-Orient, notamment l’Iran, attise la convoitise de certains de vos concurrents. Qu’en est-il pour vous?
– Au Moyen-Orient, nous avons depuis plusieurs années une position intéressante. Nous avons une coopération très fructueuse avec le carrossier Ghabour, installé en Égypte. Il produit des véhicules sur nos châssis. Dans ce secteur, nous vendons en moyenne 2 500 véhicules par an avec ce partenaire.
Il est essentiel que nous soyons bien présents dans cette région du monde. Notamment car c’est le premier théâtre international de la concurrence frontale avec les constructeurs chinois. C’est par ailleurs un argument supplémentaire pour nous imposer en Chine.
– Parts de marché en France: 16,8 %
– Sites de production: 14
– Production mondiale (véhicules et châssis): 37 111
– Pays où le constructeur est commercialisé: plus de 110
