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Marchés publics: la "mise au point"

Le Code des marchés publics version 2004 autorisait la mise au point du marché avec le candidat retenu. Celui de 2006 pourrait s’avérer encore plus intéressant: la possibilité de négocier les conventions Loti est à présent écartée par le Conseil d’État.

La décision du Conseil d’État est passée totalement inaperçue ou presque. Elle ne manquera pourtant pas de faire beaucoup de bruit dans les semaines à venir.

Saisi de la légalité du Code des marchés publics de 2006, le Conseil d’État a annulé certaines de ses dispositions, et notamment celles qui assimilaient l’acte par lequel une autorité organisatrice confie l’exploitation de services de transport (lignes régulières, transport à la demande ou de services spéciaux scolaires) à une entreprise (les conventions Loti), aux actes d’exploitation d’un réseau ou de mise à disposition de ce réseau effectués par l’autorité organisatrice elle-même ou via une régie.

Dans les deux cas, le réseau de transport existe bien (depuis 1993, le fait n’est pas contesté par le droit communautaire), mais c’est seulement dans le deuxième cas que la collectivité territoriale agit comme une entité adjudicatrice.

En conséquence, dans ce second cas, le recours à une procédure négociée (quelle que soit l’importance du marché) est autorisée, et le recours à la procédure de l’appel d’offres n’est pas imposé.

Négociation, peau de chagrin

Désormais, en dehors des marchés de faible montant, les procédures négociées sont réservées aux seules entités qui exploitent directement un réseau de transport. Sauvegardée en 1998, la négociation des conventions Loti a disparu du fait d’une interprétation stricte de la directive européenne de 2004 (la directive 2004/17 transposée par la partie 2 du Code 2006) qui est venue remplacer une directive de 1993.

Logiquement, on devrait voir fleurir dans les prochaines semaines des procédures d’appel d’offres – le plus souvent ouvertes – pour sélectionner les titulaires de marchés publics dans les transports conventionnés. Ces procédures ont déjà été expérimentées ici ou là, mais jamais à l’échelle du pays tout entier. La négociation a toujours, à tort ou à raison, été considérée comme nécessaire pour affiner les conventions Loti conclues sous la forme d’un marché public ainsi que leur cahier des charges.

Sur le plan juridique, la nouvelle n’est pas une surprise totale. Ce qui est surprenant, c’est la manière dont elle est reçue par les collectivités. Peut-on parler d’indifférence, ou de résignation? Depuis 1998 (cf. le décret du 27 févier 1998 et la note 3), les autorités organisatrices se sont battues pour défendre la négociation de toutes les conventions Loti, qu’il s’agisse de délégations de service public ou de marchés publics. Il s’agissait de pouvoir procéder aux ajustements nécessaires du cahier des charges et de coller ainsi au plus près des réalités du transport. La pratique a pourtant révélé que les marges de manœuvre des entreprises se sont sensiblement réduites avec le temps. Les négociations engagées avec les candidats ayant essentiellement pour but de leur faire baisser les prix. Que se passera-t-il si on généralise le recours à une procédure non négociée, l’appel d’offres “pur et dur”? Verra-t-on encore baisser les prix?

Fausse bonne nouvelle?

Ce qui inquiète aujourd’hui les entreprises, tient aux conditions dans lesquelles vont se dérouler les futurs appels d’offres. Une inquiétude d’autant plus justifiée que les pratiques contractuelles divergent sensiblement d’un département à l’autre. Dans ces conditions, comment se préparer? Comment se mobiliser, pour obtenir les éclaircissements nécessaires à quelques encablures des premiers avis d’appel public à la concurrence? Tout se passe comme si certains départements envisageaient de ne pas tirer les conclusions de cette décision du 9 juillet, quand d’autres ont déjà pris les devants. Le mythe d’une France jacobine explose sous les coups de butoir des pratiques divergentes des collectivités locales.

Les marges de manœuvre des autocaristes

Quelles sont les marges de manœuvre des autocaristes dans ce contexte budgétaire de plus en plus tendu? La tentation de faire prévaloir le prix, lorsqu’il n’est pas le seul critère d’attribution du marché ou presque, a toujours été très forte. Elle a même dominé la majorité des appels d’offres. Mais si l’ajustement technique de la prestation pouvait être assuré jusque-là par le recours à la négociation, que va-t-il se passer? Une possibilité est mentionnée dans le code de 2006: la collectivité peut, d’une part, demander aux candidats de préciser leur offre au stade de l’ouverture de la deuxième enveloppe. D’autre part, elle peut procéder – avec l’accord formel de l’entreprise retenue – à une mise au point du marché. Le Code des marchés publics prévoyait déjà en 2004 que la collectivité pouvait “en accord avec le candidat retenu, procéder à la mise au point des composantes du marché sans que ces modifications puissent remettre en cause les caractéristiques substantielles, notamment financières, du marché”.

Cette possibilité a été reprise par le code de 2006. La mise au point ne concerne que le candidat retenu, autrement dit l’attributaire du marché. Ensuite, elle peut être à l’initiative de la collectivité et sans doute à celle de l’entreprise, puisque son accord est toujours nécessaire pour qu’une mise au point intervienne. Enfin, elle peut porter sur toutes les composantes du marché à condition de ne pas entraîner, des “modifications (qui) puissent remettre en cause les caractéristiques substantielles de l’offre”. Afin de respecter la concurrence, elle ne doit pas davantage entraîner une modification du “classement des offres”.

En bref, la “mise au point” n’est pas une négociation mais une simple adaptation de l’offre retenue. C’est finalement une rare entorse au principe de l’intangibilité des offres.

Une mise au point possible en deux temps

1 – Après l’attribution du marché à une des entreprises (ou à plusieurs si le marché est attribué par lots séparés), contrairement aux demandes de précisions qui peuvent être adressées à tous les candidats.

2 –  Après la communication par les entreprises choisies, de toutes les pièces exigées pour le dépôt des candidatures ("séance de rattrapage"). La mise au point intervient donc après la notification du rejet des autres offres – les autres candidats ne sont pas appelés à y participer, sinon cela se transformerait en une négociation officieuse – et avant la notification définitive du marché. Après notification, le marché ne peut plus être modifié que par avenant.

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Auteur

  • Éric Ritter
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