Plus de 6 000 véhicules de transports en commun de personnes ont été immatriculés en 2007. Un nouveau record spectaculaire qui pourrait surprendre dans la morosité économique actuelle. Contrairement à celui du reste des Français, le moral des vendeurs de cars et bus est au beau fixe.
En ce début 2008, tout baisse: la Bourse de Paris, le moral des Français, leur pouvoir d’achat et même, la cote de popularité de Nicolas Sarkozy! C’est dire si l’année commence mal. Dans ce marasme, les constructeurs d’autocars et d’autobus présents sur le marché hexagonal sont sans doute les seuls à ne pas faire grise mine. Ils ont trouvé dans les résultats de l’année 2007 un parfait euphorisant.
Contre toute attente, un nouveau record d’immatriculations a été battu et toutes les catégories de véhicules présentent une courbe positive. Après une année 2006 déjà record – et pensait-on, artificiellement boostée par la fin de l’Euro 3 et l’arrivée du chronotachygraphe électronique – tout le monde pariait pourtant sur un cru 2007 moins fameux. Il n’en est rien. Toutes catégories confondues, pas moins de 6 161 véhicules ont été immatriculés, soit une progression globale de 5,44 %. Cette tendance à la hausse est d’autant plus surprenante que nombre d’observateurs craignaient que l’année 2007 ne soit placée sous le sceau des retards de livraisons, en raison de la difficulté des motoristes à fournir des moteurs Euro 4, également réclamés par les camions. La plus belle progression est à mettre au crédit des autobus. Ils franchissent la barre symbolique des 1 500 immatriculations, pour une hausse de plus de 16 % par rapport à 2006.
Quelles explications donner à ce bond en avant? Avant les précédentes élections municipales de 2002, le marché avait également connu un regain de forme. Les maires en place, conscients de l’enjeu que représentent les transports, avaient joué la carte du renouvellement du parc. Le phénomène aurait-il été anticipé en 2007?
Jean-Claude Chauvel, directeur commercial d’Irisbus en France voit des raisons plus profondes: “Depuis plusieurs années, nous assistons à une politique volontariste en faveur des déplacements en centres urbains. Cela génère une augmentation des achats. Les réseaux ne se contentent plus de renouveler de leur parc. Ils créent une offre de service plus riche, et cela demande plus de matériel”.
Les créations de nouvelles lignes, les extensions d’horaires sont autant de points positifs en faveur de l’amélioration des statistiques du marché. Mais selon Jean Averland, président d’Evobus France, il faut également prendre en compte l’augmentation des immatriculations attribuées à la RATP: “Si l’on déduit ces livraisons, on constate que le marché est en très légère diminution”. Il n’empêche qu’en ôtant les 259 autobus réceptionnés par la régie parisienne (dont 75 Scania et 14 Man), le marché flirte toujours avec les 1 300 unités. Un chiffre qui reste remarquable.
Dans ce tableau ensoleillé, tout le monde ou presque a pris des couleurs. Mais la qualité du bronzage est inégale, selon que l’on parle de volume ou de parts de marché. Honneur au leader. Sur ce plan, pas de changement. Irisbus reste très loin devant avec 1 015 immatriculations. Mais le Dauphin a moins profité de la tendance positive que ses concurrents. Il perd ainsi 8 points de pénétration pour totaliser 66,1 % des immatriculations hexagonales. Cette érosion de sa domination n’inquiète pas Jean-Claude Chauvel: “Il faut réaliser qu’en 2006, nous trustions les trois quarts du marché. Cela reste exceptionnel. Nous affichions une pénétration similaire il y a quatre ans. Les grosses affaires ont aujourd’hui tendance à être partagées en lots attribués à différents constructeurs. Par ailleurs, nous avons facturé beaucoup d’autobus dans la dernière semaine de décembre. Ils n’ont naturellement pas été immatriculés”.
Mercedes suit, en deuxième position avec 15,6 % de parts de marché. Le constructeur affiche dans le même temps une belle progression en volume avec 240 immatriculations (+ 29 %). “Nous avons maintenu notre niveau de pénétration sans bénéficier des commandes de la RATP. Et notre progression en volume est plus importante que celle du marché. C’est très satisfaisant”, se réjouit Jean Averland. Les constructeurs qui ont pris les plus belles couleurs sont Scania et Man. Le Suédois récolte les premiers fruits de son appel d’offres gagné auprès de la RATP. “C’est surtout la concrétisation d’un travail de longue haleine, mené depuis trois ans en multipliant les réponses aux appels d’offres. Et le fait d’être entré à la RATP plaide en notre faveur lorsque nous présentons un dossier en province”, assure Stéphane Boidin, directeur des ventes cars et bus chez Scania France.
Même discours chez Man, tant sur la carte de visite offerte par la régie parisienne, que sur le travail à long terme, mais Rudy Kuchta, gérant de Neoman France, insiste sur d’autres points: “La RATP ne représente que 15,5 % de nos immatriculations d’autobus. Nous nous affirmons également en province. Cela doit nous permettre de continuer à progresser dans les années à venir et de ne plus connaître d’années noires comme en 2006 (11 immatriculations seulement, Ndlr). Par ailleurs, le passage à Euro 4 nous a été profitable. Certains réseaux ont été séduits par notre système EGR, qui leur permet de ne pas s’encombrer de l’Adblue”.
Néanmoins, 88 % des autobus immatriculés utilisent le SCR et donc l’additif. Il semble donc que l’écrasante majorité des réseaux ne soit pas dérangée par l’Adblue.
En dehors des couloirs de l’autobus, on peut difficilement expliquer la continuelle progression du marché par le contexte électoral. Cependant, la légère embellie des immatriculations d’autocars (+ 1,9 % à 3 533 unités) n’est pas exempte de considérations politiques. Il semblerait que les autorités organisatrices soient également incitatrices dans le renouvellement du parc des transporteurs. “Elles ont poursuivi l’effort engagé depuis plusieurs années. Les AO mettent de plus en plus l’accent sur l’importance d’assurer les services avec du matériel récent”, explique Xavier Ringeard, Pdg de Fast Concept Car. Or, avec un marché du véhicule d’occasion réduit à peau de chagrin, les autocaristes n’ont guère d’autres alternatives que de se tourner vers les véhicules neufs.
Cette tendance est confirmée par le poids toujours plus important des véhicules scolaires et de ligne sur le marché. Ils totalisent les deux tiers des immatriculations, cela sans prendre en compte les véhicules mixtes souvent exploités sur des services réguliers. Il est également important de noter la part plus importante prise par les autocars scolaires sur ceux de ligne. Ils représentent à eux seuls plus de 40 % des immatriculations, contre 31,7 % en 2006. Alors que les “lignards” ne pèsent plus que 26,5 %, contre 34,1 % un an plus tôt.
On peut se demander si cette évolution est positive ou négative. La ruée vers le scolaire peut faire craindre un appauvrissement qualitatif des parcs des transporteurs. Il est vrai que cela serait nier l’importante évolution des autocars scolaires qui, dans les versions Euro 4, ont gagné en qualité et empiètent sur le terrain de la ligne.
L’exemple du Récréo et du Crossway d’Irisbus est assez révélateur. La carrosserie est identique, les différences se font dans l’aménagement. Même discours pour l’Intouro qui, selon les variantes, endossera un rôle de transport d’élèves ou de passagers réguliers. “Les différentes versions de l’Intouro ont été vendues à parité”, affirme Jean Averland. Quant au classement par constructeur, le trio de tête de l’année 2007 a été chamboulé. Irisbus reste toujours accroché à sa première place avec 43,3 % de parts de marché.
Mais c’est Mercedes qui signe une grande année avec un retour à la deuxième place.
Avec 131 immatriculations de plus qu’en 2006, la marque à l’étoile passe à 12,9 % de parts de marché (18,8 % pour Evobus), alors que 2006 avait été marqué par un passage sous la barre des 10 % (9,3 %). “Nous proposons une gamme complète et cohérente qui répond bien aux besoins du marché. Les leviers de cette croissance ont été l’Intouro, le Tourismo ou le Tourino”, raconte Jean Averland. La troisième position revient au couple Temsa-Dietrich Carebus, qui chute d’une place et perd un point de pénétration (9,7 %). Dans un contexte globalement positif, ce recul contraste d’autant plus avec les ambitions affichées de l’importateur alsacien qui vise les 15 % de pénétration. “Nous avons été orphelins d’un vendeur sur le secteur ouest pendant six mois. Nous avons aussi subi du retard sur le lancement du Tourmalin et du Métropol. Ces deux facteurs expliquent le ralentissement. Pour 2008, nous devrions dépasser les 400 unités, ce qui collera mieux à nos ambitions”, promet Lionel Poch, directeur commercial de Dietrich Carebus.
Fast Concept Car a, de son côté, quitté le podium. Ses immatriculations sont en baisse (277 unités, soit − 17 %). “La transition vers Euro 4 nous a contraint à stopper la production pendant un mois. Cela nous a pénalisés. De plus, nous avons connu une excellente année dans les dom-tom, et ces livraisons n’apparaissent pas dans les statistiques. Mais les véhicules prennent de la place sur les chaînes de montage”, tempère Xavier Ringeard.
Si dans l’automobile le constructeur allemand a marqué son époque avec la Coccinelle, il pourrait faire de même dans les minis avec son Krafter. Son look à la Mad Max n’a pas effrayé les transporteurs. Dans un marché en hausse (+ 3,4 %), Volkswagen voit sa pénétration passer de 11,8 % à 24,1 % avec 264 immatriculations. Il devient ainsi le dauphin d’Irisbus, également leader sur ce marché avec 28,7 % (− 3 points). Renault et Mercedes semblent faire le plus les frais de la vague Krafter. Cette année marque également la belle progression d’Otokar (importé par Fast Concept Car) qui, avec le seul Navigo, réalise 4,5 % des immatriculations. Et l’arrivée du Vectio en 2008 pourrait lui permettre de prendre plus de poids.
