Droit des passagers Le 30 novembre dernier, les eurodéputés et les ministres des Transports européens ont approuvé un projet de règlement qui renforce, sous certaines conditions, le droit des passagers voyageant en autobus et autocar, notamment pour les personnes à mobilité réduite. Une harmonisation qui n’est pas sans poser quelques questions.
Il aura fallu deux ans de discussions et de négociations pour aboutir en novembre dernier à un projet de directive européenne destiné à harmoniser les droits des passagers voyageant en autobus et autocars avec ceux, déjà existant, qui s’appliquent dans d’autres modes de transport, notamment l’aérien. Ce texte, pure formalité, sera soumis au vote en session plénière du Parlement en février prochain, et devrait entrer en vigueur dans deux ans, selon la Commission. “L’évolution était inévitable, d’un point de vue européen, explique Éric Ritter, Secrétaire général de la FNTV, qui a rencontré Brian Simpson, Président de la commission Transport et Tourisme du Parlement. Les voyageurs, du point de vue des eurodéputés, ont des droits, leur traduction dans les textes était nécessaire.” Le règlement s’appliquera à tous les services de transport régulier destinés à des catégories non déterminées de passagers lorsque la distance à parcourir est supérieure à 250 km. Une série de règles s’appliquera toutefois également aux services réguliers d’une distance plus courte: application des droits de base sur l’accès au transport des personnes handicapées ou à mobilité réduite, sur la non-discrimination, sur le traitement des plaintes, sur le droit à une indemnisation en cas de perte ou de détérioration de fauteuils roulants ou autre équipement de mobilité, sur les informations à fournir s’agissant des droits des passagers avant et au cours du trajet. Et, enfin, sur l’obligation faite aux transporteurs de veiller à ce que le personnel reçoive une formation relative au handicap.
Les services occasionnels seront soumis aux règles d’indemnisation en cas d’accident et en cas de perte ou de détérioration des équipements de mobilité mais non aux autres dispositions.
Grâce à l’implication de la FNTV et de l’UTP (Union des Transports Publics), les mesures initialement envisagées par le Parlement ont pu être adaptées à la réalité économique des opérateurs qui sont, pour une grande part, des PME. Certes, la limite de 500 kilomètres, initialement envisagée par les représentants de la Profession, n’a finalement pas été retenue, mais il a globalement été tenu compte de différentes remarques. Le train de mesures appliqué aux services dits de longue distance qui, de fait, pourraient donc dans certains cas être des lignes régulières régionales particulièrement longues, résulte donc d’un compromis qui semble aujourd’hui satisfaire l’ensemble des partis. Dans le détail, ces mesures sont les suivantes:
– Perte ou détérioration de bagages
Il est prévu que les passagers dont les bagages auraient été perdus ou fortement détériorés soient indemnisés à une hauteur maximale de 1 200 euros.
– Responsabilité en cas de blessures ou de décès
Les passagers blessés seront en droit de recevoir immédiatement les premiers soins, de la nourriture, des vêtements, un hébergement, et, en cas de décès, le paiement des frais funéraires. Une indemnisation maximale est fixée à 220 000 euros par passager.
– Assistance en cas de retard
Les opérateurs devront renseigner leurs passagers sur tout changement d’horaire ou de parcours et leur fournir repas et boisson lors des temps d’attente prolongés. Si l’interruption de service nécessite un hébergement, deux nuitées (à raison de 80 euros maximum par nuit) seront à la charge de l’opérateur.
– Remboursement et compensations
Lors d’un refus d’embarquement ou d’un départ retardé de plus de deux heures, le passager pourra exiger le remboursement intégral de son billet, ou se voir proposer un autre moyen d’acheminement. Si l’opérateur n’est pas en mesure de proposer ce service, une compensation à hauteur de 50 % du prix du ticket est prévue en supplément. Seules des catastrophes naturelles ou conditions météorologiques extrêmes permettront de déroger à cette obligation.
– L’assistance aux personnes à mobilité réduite
Tous les services en autobus et autocars sont donc désormais concernés par un train de mesures relatif à l’application d’un principe de droit au transport et de non-discrimination des personnes à mobilité réduite. Le texte aboutit à un ensemble de droits qui, en France, vient donc compléter ceux inscrits dans la loi sur l’accessibilité, applicable en 2015.
– Les opérateurs devront fournir une assistance à toute personne handicapée ou à mobilité réduite, à condition que cette dernière informe la compagnie de ces besoins au plus tard 36 heures avant le départ.
– Si l’opérateur n’est pas en mesure d’apporter une assistance adéquate, le passager à mobilité réduite pourra être accompagné, sans frais supplémentaire, par une personne de son choix.
– La perte ou la détérioration de fauteuils roulants, de tout autre équipement de mobilité ou d’appareils d’assistance devra être indemnisée par le transporteur.
L’ensemble de ces nouvelles mesures aura des implications évidentes en termes d’organisation comme d’économies de certains services. Plusieurs questions se posent donc: les obligations d’indemnisation (bagages, blessure, décès, retard, etc.) auront une incidence quelconque sur les polices d’assurances?
Peut-être plus problématiques – en matière d’organisation – que dire des nouvelles obligations d’assistance en cas de dysfonctionnement des services (repas, boissons, hébergement…)?
Enfin, les nouveaux droits des personnes à mobilité réduite, outre la nécessité impérative de mettre rapidement à niveau les parcs de véhicules, impliquent aussi la nécessité d’apporter une assistance.
On le voit, ce projet de Directive, considéré par la majorité des partis comme un compromis “acceptable”, aura un impact certain sur les entreprises. Un élément de plus dont les autocaristes doivent tenir compte dans leur stratégie pour les années à venir
Selon Marc Baraton, du cabinet Ouest Assureurs Associés, ce projet de règlement devrait peu influencer l’évolution des contrats d’assurance.
"Les compagnies françaises sont déjà en illimité pour ce qui est des dégâts, précise-t-il, elles sont donc d’ores et déjà couvertes. Pour ce qui est des bagages, les cas de perte ou de vol sont déjà si rares que, dans la majorité des cas, les autocaristes sont leurs propres assureurs. Une chose ne trompe pas quant aux implications de cette directive sur l’assurance des autocaristes, il n‘est prévu aucune majoration chez les grands assureurs…"
En première ligne face à au projet de règlement sur les droits des passagers, Eurolignes se montre plutôt confiant, ayant depuis longtemps anticipé une bonne partie des points envisagés dans le texte.
Quelle est aujourd’hui votre politique en matière de retard et d’annulation?
Le trajet le plus court sur nos lignes est aujourd’hui de l’ordre de 4 heures. Il est clair que nous sommes toujours tributaires de l’état de la circulation et de la météo, c’est pourquoi, si nous garantissons les heures de départ, nos horaires d’arrivée sont toujours donnés à titre indicatif. Par ailleurs, nous avons déjà un service clientèle qui répond, au cas par cas, aux réclamations qui nous sont faites.
Les garanties en cas de perte de bagages qui sont inscrites dans le texte poseront-elles un problème?
Non, nous avons déjà un contrat avec Mondial Assistance à ce sujet. Nous proposons à nos clients de souscrire une assurance bagages pour la durée du trajet et pour un montant de 4 euros. La perte ou le vol sont déjà couverts à hauteur de 1 200 euros.
Quel est votre politique en matière de transport des personnes à mobilité réduite?
Nous les accueillons bien entendu sur nos lignes et nous prenons en charge l’accompagnateur à hauteur de 50 % du prix du billet, à condition d’avoir été prévenus lors de la réservation du billet. Nous verrons en quoi cette directive fera évoluer nos obligations en la matière.
Si la logique européenne veut que le transport en autocar soit désormais soumis à un droit des passagers, au même titre que les autres modes de transport, il n’est pas inutile de rappeler que le car est aussi régulièrement mis au service de ces mêmes droits, lorsque les liaisons aériennes ou ferroviaires sont défaillantes. Le cas du vol EasyJet Roissy-Toulouse du 2 janvier dernier est exemplaire. Les passagers sont en effet arrivés à destination avec une dizaine d’heures de retard après que l’avion ait été détourné sur Montpellier pour cause d’intempéries à l’aéroport de Toulouse, et l’organisation d’un transfert en autocar vers la Ville Rose. EasyJet souhaite d’ailleurs aujourd’hui se décharger du remboursement des billets liés à un retard de plus de cinq heures, tel que l’impose le droit des passagers dans l’aérien. Ses arguments sont simples: la conjonction d’ennuis n’est pas de son fait, le retard au départ de Roissy est trop faible pour être indemnisable (2 h 10), et les passagers ont finalement été emmenés à bon port, en autocar. On le voit, pour faire face à leurs obligations légales d’acheminement, compagnies aériennes ou ferroviaires – rappelons par exemple la dernière période de grève SNCF, lors de l’irruption du volcan islandais – ont presque toujours recours à cette alternative incontournable qu’est l’autocar.
