Union Le "mariage du siècle" dans le transport de voyageurs a été officialisé le 3 mars, et présenté à la presse le lendemain par ces "parents": Veolia Environnement et la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Après avoir obtenu toutes les autorisations nécessaires, le nouveau groupe est désormais opérationnel.
Cette union était évidemment attendue. Plus qu’une fastidieuse liste des réseaux et entreprises désormais sous flambeau Veolia Transdev, Bus & Car s’est attaché à recueillir les réactions d’une majorité des acteurs du transport collectif.
“NOUS ALLONS maintenant pouvoir jouer en première division pour faire face à des groupes aussi puissants que la SNCF et sa filiale Keolis, la DB et Arriva ou MTR, l’opérateur de Hong-Kong qui essaie de se développer dans le monde”, a proclamé Antoine Frérot, pdg de Veolia Environnement. Le nouvel ensemble emploie 110 000 salariés dans le monde, réalise actuellement un chiffre d’affaires de l’ordre de 8 milliards d’euros. Implanté dans 28 pays, il se présente comme le numéro un mondial privé des transports publics, avec un objectif clair, celui d’atteindre les 10 milliards de chiffre d’affaires d’ici à 2015.
Augustin de Romanet, le président de la Caisse des Dépôts et Consignations, a affirmé qu’il n’y aurait “aucuns départs forcés, cette fusion étant avant tout une opération de croissance.” La direction générale de Veolia Transdev a été confiée à Jérôme Gallot. Cyrille du Peloux, ex-dg de Veolia Transport, restera au conseil d’administration, contrairement à Joël Lebreton, ancien pdg de Transdev, qui a refusé l’offre.
Si Bruxelles et l’autorité de la concurrence des Pays-Bas (pays où Transdev est fortement majoritaire dans les transports à travers sa filiale Connexxion) n’ont formulé aucunes restrictions à cette union, l’Autorité de la concurrence française a exigé que quatre actifs – des réseaux interurbains – soient mis en vente en Paca avant fin 2011.
Le nouvel ensemble est détenu à parité par Veolia Environnement et la Caisse des Dépôts. L’introduction en Bourse de l’ensemble devrait logiquement être envisagée pour 2012, si le marché semble favorable. Selon Antoine Frérot, “une ouverture de 20 % du capital est un minimum”, ce qui impliquera une baisse parallèle des participations des deux groupes dans Veolia Transdev. La parité étant toujours respectée.
Après le débat parlementaire intervenu lors de l’adoption de la loi du 8 décembre 2009 sur l’organisation et la régulation des transports ferroviaires, le secrétaire d’État aux transports avait confié au Conseil général de l’écologie et du développement durable (CGEDD) une mission destinée à permettre au Parlement d’apprécier les enjeux et l’opportunité de favoriser le développement de services réguliers routiers de moyenne et longue distance. Ce rapport vient seulement d’être publié. Après une longue analyse de l’existant, deux hypothèses d’évolution de la rédaction de l’article 29 de la loi d’orientation sur les transports intérieurs y sont proposées. L’une reconnaîtrait la possibilité aux régions d’organiser par convention l’exploitation d’une liaison régulière concernant au plus trois régions limitrophes. L’autre accorderait cette possibilité sans limitation du nombre de régions. L’un et l’autre cas n’aboutiraient pas, selon la mission, à un transfert de compétence obligatoire, mais resteraient dans le domaine des extensions de compétences facultatives.
La mission s’est ensuite accordée, quel que soit le niveau d’AO retenue, pour que ces services soient assurés dans le cadre de conventions à durée déterminée, avec droits exclusifs. La mission a également retenu le principe qui consisterait à conforter l’existence des liaisons interdépartementales en reconnaissant la capacité aux conseils généraux d’organiser des services réguliers entre départements, à défaut d’inscription d’un tel service à un plan régional de transport, ou de déclaration par l’État de l’intérêt national de la liaison. En ce qui concerne l’opportunité de développer des liaisons régulières à longue distance, deux possibilités ont également été proposées: l’une reposant sur l’initiative de l’État pour lancer un appel à projets ouvert sur un certain nombre de liaisons concernant plus de trois régions; l’autre privilégiant les initiatives des régions et de la profession. Enfin, il a été proposé de mettre en place un dispositif d’évaluation de ces différentes évolutions (cabotage national des services réguliers internationaux, liaisons interdépartementales et liaisons interrégionales, convention des lignes d’équilibre du territoire de la SNCF, autres services à longue distance) dans un dispositif associant État, autorités organisatrices et opérateurs de transport public.
"Le fait que deux de nos adhérents fusionnent n’amène finalement aucuns commentaires. Cette fusion mène en réalité à l’arrivée d’un nouvel acteur de poids dans le paysage interurbain: RATP Développement. Ce nouvel opérateur souhaite déjà adhérer à notre fédération et, conformément à nos statuts, RATP Dev disposant de plus de 1 000 autocars, il devrait obtenir un poste au 3e collège de la FNTV. En terme d’équilibre au sein de nos instances, il n’y aura guère de changement, nous avons toujours trois groupes d’importance: Veolia Transdev, Keolis et RATP Dev. J’ai toujours souhaité, et œuvré pour qu’un équilibre entre groupes et PME soit respecté au Bureau, ce sera toujours le cas. La FNTV travaille pour le bien de l’ensemble de la profession, et nous ne sommes pas confrontés à des pressions, qu’elles proviennent des groupes ou des PME, cette union ne changera pas cet équilibre."
P.C.
"Dès le début du projet de fusion des groupes Veolia Transport et Transdev, nous avons fait part de certaines inquiétudes, en particulier sur la pérennité des valeurs de proximité véhiculées par Transdev. En comparaison, l’approche de Veolia se voulait plus technique du fait de la diversité de son panel d’activités. En amont, nous avions rencontré les différents acteurs impliqués dans cette fusion et certaines assurances nous avaient été données, notamment sur la présence de Joël Le Breton à la direction de la holding. Plusieurs semaines plus tard, nous avons appris par voie de presse la nomination de Jérôme Gallo, un interlocuteur inconnu dans le secteur. Aujourd’hui, je suis inquiet de l’avenir de la qualité des rapports que nous pourrons lier avec cette nouvelle structure. D’autant que la perspective d’une introduction en Bourse prévue, en théorie, l’an prochain laisse présager de méthodes de travail liées à un certain niveau de rentabilité. J’espère seulement que cela ne se fera pas au détriment de la qualité de service."
D.I.L.
"Les conditions n’étaient déjà pas réunies pour que la concurrence régule le marché du transport public de voyageurs et on essaie de nous faire croire qu’en limitant le nombre d’opérateurs, il pourrait y avoir plus de concurrence. En réalité, sous couvert de créer un groupe compétitif à l’international, on condamne le marché français. Pour se donner bonne conscience, on enrobe le tout par des "mesurettes" qui ne sont en fait que de la poudre aux yeux. Les élus ne sont pas naïfs: le manque de concurrence fera inéluctablement diminuer la qualité des offres et augmenter les prix dans un contexte déjà difficile pour les collectivités locales.
Il y a, certes, la RATP qui va prendre de l’ampleur en province, mais je ne suis pas certain que cela suffise à développer la concurrence, d’autant plus que la priorité sera visiblement donnée à l’international. Même si l’on peut se réjouir qu’il s’agisse d’une entreprise publique, il ne faut pas oublier qu’en dehors de l’Île-de-France, elle aura le souci de réaliser du profit. Les autorités organisatrices auront tout intérêt à se tourner vers des PME indépendantes ou plus que jamais à effectuer un réel choix politique en constituant une régie ou une SPL. Il ne faut pas se laisser berner par les discours des grands groupes qui affirment que "la régie, c’est l’isolement, que devant la complexification des enjeux du transport, il est plus utile de faire appel à leur expertise." Avec Agir Transport, les élus qui feraient le choix de la régie ou de la SPL ont l’assurance de ne pas se retrouver isolés. Nous apportons une assistance technique, une mutualisation des expériences, un lieu d’échange parfaitement propice à la mise en place d’innovation dans les transports. Je suis également opposé au discours qui prétend que la gestion en régie serait au final plus coûteuse pour le contribuable. Au sein d’Agir Transport, nous allons même permettre à nos adhérents de réaliser plus d’économie avec la mise en place d’une centrale d’achat. Je ne suis pas un ayatollah de la régie, mais il est important de préciser que cette alternative face au manque de concurrence du secteur privé, ce choix politique, n’est pas un acte insensé et qu’Agir Transport est une structure capable d’accompagner les élus dans cette démarche".
D.R.
* Le 10 mars 2011, Gilles Bourdouleix a été réélu pour trois ans à la présidence d’Agir.
"Dès 2009, lorsque l’opération de rapprochement entre Veolia et Trandev avait été annoncée, nous avions exprimé notre inquiétude à propos de la diminution de la concurrence. Le principal risque portait sur une augmentation du prix du transport, nous restons sur cette position. Le Gart est néanmoins conscient de l’utilité de la constitution d’un grand groupe de transport pour permettre à cette nouvelle entité de rester dans la première division du secteur face à SNCF/Keolis, DB/Arriva ou encore le Hong-Kongais MTR. Aujourd’hui, dans la mesure du possible, nous serons particulièrement vigilants à ce que la constitution de groupes aussi puissants ne handicape pas les autorités organisatrices au moment de procéder à leurs choix en matière de transport. On remarque déjà que sur de nombreux appels d’offres, on se retrouve avec une seule réponse, généralement celle du sortant. L’Autorité de la concurrence a posé quelques conditions à la fusion. Notamment la constitution d’un fonds d’animation de la concurrence qui avait, si je ne m’abuse, été proposée par Veolia et Transdev. Cette manne d’indemnisation des perdants est censée motiver les candidats à se présenter sur les appels d’offres. La philosophie générale est louable mais je reste très sceptique sur son utilité. Je crains que ce fonds ne suffise pas à motiver la concurrence. Le renforcement de la RATP via sa filiale RATP Développement me donne un sentiment mitigé. D’un côté, je me réjouis qu’un acteur de poids puisse venir animer la concurrence, bien que je déplore le fait que la RATP ne souhaite pas se positionner sur les plus grandes villes où la compétition fait le plus défaut. De l’autre, je trouve que ce renforcement de la RATP et la possibilité qui lui est offerte de se positionner en province sont en contradiction totale avec le règlement OSP. Car, même si le compte à rebours a commencé, l’opérateur parisien est encore tranquille sur son fief historique. Reste à savoir quelle sera l’attitude des grands opérateurs internationaux. Je ne pense pas qu’ils regarderont passivement Veolia Transdev se développer à l’international. Ils viendront certainement contre-attaquer dans l’Hexagone. Cela peut-être bon pour la concurrence, mais certainement moins appréciable pour les opérateurs français. S’ils perdent à domicile ce qu’ils gagnent à l’étranger, ils auront au final réalisé une opération blanche."
D.R.
"Nous avions été conviés par l’Autorité de la concurrence afin d’être consultés sur le dossier. À l’époque, je leur avais déclaré que, quitte à créer un champion du monde du transport, autant qu’il soit Français. J’ai également fait remarquer qu’il valait mieux essayer de limiter la croissance des agglomérations, qui atteignent une taille telle que leurs besoins en transport ne peuvent être satisfaits que par des grands groupes, ce qui transforme les PME en simple sous-traitantes. Cela doit nécessairement amener l’ensemble des acteurs du transport à réfléchir à l’avenir de ce secteur qui impose d’importants investissements pour une rentabilité relativement faible. On peut juger vaines les exigences de l’Autorité de la concurrence, mais il faut aussi garder à l’esprit que dans d’autres pays, la fusion a été validée sans que rien ne soit demandé aux mariés. Quelques interrogations subsistent. Les 6,54 millions d’euros prévus dans le fonds d’animation de la concurrence seront-ils suffisants? Est-il renouvelable? Si tel n’est pas le cas, le montant me semble un peu juste pour jouer un rôle réellement efficace de stimulation de la concurrence. On peut remarquer que le nombre de candidats en lice sur les gros réseaux n’est jamais très important, alors que les agglomérations importantes proposent déjà un système d’indemnisation des perdants. Sur le plan de l’interurbain, il y aura certainement des opportunités à saisir, bien que le texte prévoie une obligation de mise en vente. Je ne sais pas si cela signifie un devoir effectif de vendre? Fondamentalement, la naissance du géant Veolia Transdev ne change pas la donne sur le front de l’interurbain. Les deux acteurs sont déjà bien en place et je ne pense pas qu’ils bénéficieront de synergies susceptibles de changer les rapports de force dans l’Hexagone. Je suis plus soucieux du renforcement de RATP Développement. La croissance provinciale de la RATP est d’autant plus préoccupante que l’opérateur conserve son statut particulier en Île-de-France avec une assurance de tranquillité jusqu’en 2035. Ainsi, la RATP va pouvoir mobiliser toute son énergie pour son développement dans l’interurbain. De notre côté, chez Réunir nous allons mobiliser plus que jamais les services du siège afin de permettre à nos adhérents de gagner en performance. Et nous présenterons sans cesse les PME aux Autorités organisatrices comme une alternative plus que crédible aux géants du transport. L’animation de la concurrence devra passer par les PME et Réunir assumera son rôle de lobbyiste pour que le message passe auprès des Autorités organisatrices."
D.R.
