Interview Pdg du groupe RATP depuis 2006, Pierre Mongin livre les ambitions de sa filiale RATP Dev et des actifs qu’il vient d’intégrer suite à la naissance du groupe Veolia Transdev. Tout un programme.
Comment s’inscrit la stratégie de RATP Dev au sein de celle du groupe RATP?
– Elle s’inscrit à la fois à court, moyen et long terme. La responsabilité de notre groupe est de participer à l’amélioration de la vie quotidienne et économique des régions où nous sommes implantés. Une responsabilité sociale qui impose un niveau d’exigence élevé, en particulier à la veille d’une ouverture à la concurrence du marché du transport public en Île-de-France prévue d’ici à 2024. Dans l’optique où nous savons pertinemment que nous serons “attaqués”’ par certains concurrents, nous avons élaboré un plan d’action méthodique et structuré au sein duquel notre filiale RATP Dev jouera tout son rôle sur l’échiquier national et mondial. Avec un chiffre d’affaires de 4,570 milliards d’euros en 2010, notre groupe a franchi une étape importante dans son développement en sortant du capital de Transdev et en reprenant seize filiales avec leurs 6 500 collaborateurs. En réalité, nous n’avons pas choisi les actifs transférés mais nous avons fait part de notre préférence pour des activités urbaines et interurbaines, ainsi que pour certaines zones géographiques. Veolia et Transdev nous ont donc proposé une liste d’actifs que nous avons acceptée dans sa quasi-totalité. Ces sociétés intègrent aujourd’hui notre filiale RATP Dev et devraient lui permettre de doubler son volume d’activité, déjà de 16 %, au plus tard en 2020. Pour cela, nous souhaitons poursuivre nos efforts d’expansion à l’international où nous nous sommes fixés de réaliser un tiers de notre activité.
Comment comptez-vous atteindre cette proportion?
– En neuf ans d’existence, RATP Dev s’est déployée dans douze pays et quatre continents. Nous ne comptons pas nous arrêter là. Comme bon nombre de nos confrères, nous accordons une attention particulière aux évolutions de plusieurs marchés émergents et nous étudions plusieurs possibilités pour nous y établir. Schématiquement, notre stratégie d’implantation se déroule en trois étapes. D’abord, nous commençons par nous appuyer sur la réputation de la qualité de service de nos réseaux d’Île-de-France. À elle seule, cette vitrine commerciale est le porte-parole de notre savoir-faire technique et de la crédibilité de notre offre en terme d’ingénierie, de maintenance et de technologies. Souvent, nos premiers pas dans un pays commencent par la vente d’une prestation d’ingénierie que nous étoffons ensuite avec des opérations de maîtrise d’ouvrage et de systèmes de transport. Au total, notre groupe compte 1 500 ingénieurs chargés de plancher sur nos futures innovations. En parallèle, nous comptons aussi sur Systra, notre “joint-venture” avec la SNCF, qui réalise 276 millions d’euros de chiffre d’affaires et treize millions d’euros de bénéfice net par an, grâce à des contrats au sein des pays où nous assurons déjà des prestations “clés en main ”. Cette volonté d’expansion à l’international implique également de nouer certains partenariats avec d’autres acteurs du monde industriel. À ce titre, nous travaillons actuellement avec différents interlocuteurs qui possèdent des compétences dans les domaines du transport comme Thales, Siemens, Alstom, Vinci ou Bouygues. Dans le même esprit, nous poursuivons le développement de notre “joint-venture”, VTRA avec Veolia en Asie, destiné à répondre aux besoins en transport en commun des agglomérations de cette zone.
La fusion du groupe Veolia Transdev vous propulse pour la première fois au Royaume-Uni… quelles sont vos ambitions sur ce marché?
– Effectivement, ce rapprochement nous a ouvert les portes du Royaume-Uni où nous sommes devenus propriétaires de l’opérateur London United Busways qui exploite 62 lignes urbaines et transporte 155 millions de passagers chaque année. Par ce biais, nous avons aussi repris le transporteur Bournemouth Transport Ltd., réputé pour ses célèbres Yellow Buses, qui enregistre chaque année treize millions de passagers. Avec aujourd’hui plus de 3 000 collaborateurs et 1 000 véhicules, notre challenge consiste à conquérir un marché qui figure parmi les plus attractifs d’Europe. Par ailleurs, nous aimerions faire notre entrée sur le marché du ferroviaire britannique dès que notre volume d’activité en Grande-Bretagne sera suffisant pour absorber les coûts des investissements nécessaires, notamment en terme de taille des franchises et de coût des offres.
Quel est l’objectif de votre implantation en Suisse?
– Nous rapprocher de la demande transfrontalière. En Suisse, nous avons repris des activités de transport public et de transport touristique à Genève et à Avenches qui totalisent 104 véhicules et 120 salariés. À terme, ces structures devraient nous aider à créer des synergies avec le réseau voisin d’Annemasse (Haute-Savoie), exploité par RATP Dev, mais également avec les prestations réalisées en sous-traitance pour les Transports Publics Genevois.
En coulisses, nous avons choisi ces entreprises pour la qualité de leurs positions, leur dynamisme et leur potentiel dans les villes, les régions ou les pays où elles opèrent.
En récupérant divers actifs de la holding Transdev Italia, vous devenez l’un des premiers opérateurs urbains étrangers en Italie… comment allez-vous coordonner votre offre?
– Notre ambition est de nous étendre dans cette région où nous sommes déjà présents sur les réseaux de transport public par bus de Toscane et Modène, mais aussi en exploitant la première ligne de tramway de Florence. Il s’agit d’un marché dynamique où nous détenons aussi des participations dans une entreprise de services ferroviaires régionaux en Toscane, la Ferroviaria Italiana, sur laquelle nous nous appuierons pour étoffer notre offre multimodale aux autres régions. Dans le domaine des métros à automatisme intégral, nous avons récemment répondu à l’appel d’offres de la ligne 4 du métro de Milan par le biais du groupement promoteur du projet de Ligne D de Rome auquel nous adhérons depuis quatre ans. Pour compléter ce maillage, la naissance du groupe Veolia-Transdev nous a permis de récupérer 41 % du capital d’AMT (opérateur du réseau de Gênes), une ligne de métro, une ligne ferroviaire Genova-Casella, des funiculaires, une navette maritime et de services à la demande avec une fréquentation de 160 millions de passagers annuels.
Sur le même mécanisme, nous avons acquis 39,5 % du capital de Dolomiti Bus, société spécialisée dans les transports touristiques et scolaires dans la province de Belluno en Vénétie. À la clé: onze millions de passagers annuels.
Qu’en est-il du marché français?
– Dans l’Hexagone, notre principal challenge est de rééquilibrer notre présence au niveau national et de participer à davantage d’appels d’offres au niveau régional. À l’occasion de la reprise des anciens réseaux urbains de Bourges, Moulins, Vienne et Vierzon, nous nous sommes renforcés sur un axe stratégique Centre/Auvergne, Champagne et Rhône-Alpes et travaillons à devenir une alternative pour les collectivités concernées.
Dans cette optique, nous nous reposerons sur une organisation décentralisée attentive aux problématiques locales de nos clients. À titre d’exemple, le rachat, l’an dernier, des Cars Dunois opérant dans le Loiret et le Loir-et-Cher, nous servira de support de travail pour nous déployer dans la région Centre. Si nous ne prévoyons pas de réaliser beaucoup d’opérations de croissance externe cette année, nous sommes néanmoins sur les rangs pour la reprise des quatre sociétés provençales d’Aubagne, Carpentras, Salon et Fréjus, mises en vente par le groupe Veolia-Transdev. Elles nous paraissent à notre portée, y compris en terme de valeur.
Nous sommes également intéressés par des collaborations avec les sociétés d’économie mixte (SEM) dont le cadre juridique est en passe d’évoluer et dont nous connaissons bien la culture.
En revanche, nous ne prévoyons pas de rivaliser avec la SNCF sur le créneau du TER dans la mesure où nos deux entreprises relèvent d’un même actionnaire, l’État, et témoignent ensemble d’une volonté commune de service public.
La récente signature d’un partenariat avec la Fédération des maires des villes moyennes (FMVM) entre-t-elle dans cette logique?
– Absolument. Cette convention signée il y a à peine un mois avec la FMVM vise à consolider notre ancrage au niveau des agglomérations moyennes qui constituent notre principal cœur de cible. Par ce biais, nous pourrons échanger nos expériences respectives liées aux enjeux de mobilité actuels et élaborer un programme sur l’avenir des délégations de service public en France. Enfin, nous prévoyons d’organiser conjointement un séminaire sur les bus à haut niveau de service (BHNS) avec une visite d’une ligne de bus rapide à très forte fréquence, en site propre intégral.
En Île-de-France, certains opérateurs ne digèrent pas l’arbitrage du règlement obligations de service public (OSP) en votre faveur. Quelle est votre position sur ce dossier?
– Schématiquement, la loi relative à l’Organisation et à la régulation des transports ferroviaires du 8 décembre 2009 vise à soumettre peu à peu les transports franciliens à la concurrence. Dans ce cadre, il nous a été accordé des délais de mise en concurrence de trente ans pour le métro et le RER et des échéances plus courtes pour les bus et les tramways. En réalité, nous n’avons fait que négocier la transposition des dispositions légales prévues par le règlement européen sur les OSP. Rien n’empêche les sociétés privées d’en faire de même et je ne serai pas choqué qu’elles y parviennent car le cadre légal le permet.
Le transport touristique fait aussi partie de vos projets?
– Oui. Notre volonté de nous déployer sur ce type d’offres n’est pas nouvelle puisque nous opérons déjà sur les lignes de bus touristiques Open Tour à Paris, les Cars Jacquemard (Eure) que nous avons repris il y a deux ans et les Cars Dunois (Loiret) acquis en décembre 2010. En Grande-Bretagne, nous venons de racheter la Bath Bus Company qui exploite des bus touristiques à Bath. Nous sommes aussi présents sur ce créneau en Suisse.
Dans le cadre de votre expansion, allez-vous adhérer à la FNTV?
– Nous adhérons déjà à la FNTV par le biais de nos filiales comme les Cars Jacquemard et mettons en place des représentants tant au niveau national que régional.
→ 680 millions d’euros
→ 9 500 collaborateurs
→ Présent dans 30 villes ou départements en France
→ Présent dans 12 pays
TVM (Transport de l’agglomération de Mantes)
Giraux Val-d’Oise Céobus
CTVIM (Mantes-la-Jolie)
TimBus (Magny-en-Vexin)
Sqybus (St-Quentin-en-Yvelines)
Les Cars Perriers Île-de-France (St-Quentin-en-Yvelines)
Stivo (Val-d’Oise-Cergy Pontoise)
OrlyVal (aéroport d’Orly)
Cars Jacquemard (Eure)
Moulins mobilité (Moulins)
STI Centre (Indre, Cher et Vienne)
STU Bourges (Bourges)
STU Vierzon (Vierzon)
STU Allier (Allier, Saône-et-Loire)
Dunois Voyages (Loiret, Indre-et-Loire et Eure-et-Loir)
TPAA (Annemasse)
Dupraz Bus (Genève)
Gem’Bus (Haute-Savoie)
STI Haute-Savoie
Société des Voyages Desbiolles (Savoie)
Alpbus Fournier (Haute-Savoie)
Vienne Mobilités
STY (La Roche-sur-Yon)
Champagne Mobilités (Marne) VT
Société des transports départementaux de la Marne VT
London United Busways (Londres-Royaume-Uni)
NSL (Londres-Royaume-Uni)
Bournemouth Transport (Royaume-Uni)
Bathbus Company (Royaume-Uni)
McDonald Transit Associates (gestionnaire de réseaux de transport urbain présents dans 15 États)
Fullington Bus Company (Pennsylvanie)
Florence (L1 du tramway, L2 et L3)
Autolinee (Toscane)
La Ferroviaria Italiana (Arezzo), ferroviaire régional et bus (37 % du capital)
ATCM (Modène)
AMT (Gênes)
Dolomoti Bus (Vénétie)
Dans le cadre de VTRA, joint-venture à 50 % avec Veolia Transport:
Tramway de Hong-Kong (Chine)
Nanjing Zhongbei (Nanjing-Chine)
Reolian (Macao-Chine)
Ligne 9 du métro de Séoul
(Corée du Sud)
Futur exploitant de la ligne 1 du métro de Bombay (Inde)
Membre du consortium pour la construction et exploitation de la ligne 4 du métro de São Paulo
RATP El Djazaïr: exploitation de la ligne 1 du métro d’Alger mise en service en 2011 (Algérie)
Bombela Operating Company: exploitation liaison ferroviaire
Gautrain entre Pretoria et Johannesburg (Afrique du Sud)
M’dina Bus (Casablanca-Maroc)
En rouge: les actifs ayant fait l’objet d’un échange dans le cadre de la fusion Veolia Transdev. La RATP détenait précédemment 25 % du capital de la filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations.
Même s’il a fallu attendre le mois de mars 2011 pour récolter les fruits de la fusion Veolia Transport-Transdev, l’année 2010 de la RATP restera une bonne récolte. Tous les indicateurs du groupe sont dans le vert. Le chiffre d’affaires consolidé gagne 3 % à 4,57 milliards d’euros pour un résultat net de 186 millions d’euros (+ 2 %). Au chapitre investissements, l’opérateur n’a pas été en reste avec une enveloppe de 1,25 milliard d’euros. Le nombre de voyages opérés en Île-de-France est également en progression de 1,3 % à 3,058 milliards. L’Epic (la régie parisienne proprement dite) a généré, à elle seule, 4,147 milliards de chiffre d’affaires. Ainsi, les filiales ont considérablement accru leur activité et ont réalisé 9,2 % du total. Ce chiffre ne tient bien entendu pas compte des actifs effectivement transférés en mars. En les incluant, la part du chiffre d’affaires réalisé par les filiales aurait représenté plus de 15 %.
À nouvelle réalité, nouvelle organisation. Pour accompagner son développement, RATP Dev a également fait évoluer sa gouvernance, avec notamment la mise en place d’un conseil de surveillance, présidé par Pierre Mongin.
Le directoire est, lui, présidé par Jean-Marc Janaillac, directeur général développement groupe de la RATP, accompagné de Thierry Ossent, directeur général de RATP Dev. La business unit France couvre également le marché Suisse. La business unit Europe du Nord a la responsabilité de l’opérationnel et du développement au Royaume-Uni, en Irlande, aux Pays-Bas, en Norvège, en Suède, en Finlande et au Danemark. De son côté, la business unit international prend en main les États-Unis, l’Italie, l’Algérie, le Maroc, l’Afrique du Sud, le Brésil et l’Asie. Le reste du globe sera traité par la direction du développement. Enfin, la direction technique et innovation est notamment en charge du pilotage et de la définition des offres, de l’innovation et du marketing en matière de produits et services, ainsi que de l’assistance technique aux filiales.
