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Information tous transports en vue!

Progrès Dans deux ans, la France aura son système d’information de transport en temps réel. C’est l’objectif de la toute jeune Agence française d’information multimodale et de billettique (AFIMB). Le chantier est gigantesque mais les usagers poussent. Ils veulent des progrès pour jouer le jeu de l’intermodalité.

Guillaume Lucas, spécialiste du management de la mobilité chez Inddigo, un groupe de conseil et d’ingénierie en développement durable, rêve d’un site Internet qui présenterait l’information nécessaire à l’organisation de déplacements, avec tous les moyens de transport possibles. À l’heure actuelle, pour ses clients, entreprises ou collectivités, qui se fabriquent un PDE (plan de déplacement d’entreprise), il joue de la calculette. Il lui est arrivé, pour les employés d’un bureau de poste, à Nantes, de passer une nuit à dresser une carte de leurs accès par transports publics en fonction des horaires de travail. Toutefois, les choses progressent. Les sites des réseaux de transports, dans les grandes villes, commencent à délivrer ce genre de cartes, à partir d’une simple adresse. “Mais la plupart ne font figurer que le bus, le tram ou le métro. Rares sont ceux qui combinent le panel des moyens de transport existants, c’est-à-dire la marche, la voiture, le covoiturage, le vélo, etc. À Bordeaux où le tramway dessine un triangle, il peut être plus rapide de sauter sur un vélo en libre-service entre deux stations. Mais rien, personne, nulle part, ne l’indique”, remarque Guillaume Lucas. Par bonheur, pour des professionnels comme lui, cette époque touche à sa fin.

Un nouveau monde d’information

Dans quelque temps, tout un chacun se verra proposer le moindre saut de puce possible à vélo ou à pied sur l’écran de son téléphone mobile. Et pas seulement dans des villes comme Rennes – où l’accès aux données de transport (localisation des stations et horaires en temps réels) a été accordé à des informaticiens qui ont développé des logiciels de déplacement sur iPhone – mais partout en France et en prenant en compte à peu près tous les moyens de déplacements, depuis la marche ou la voiture individuelle jusqu’au bateau et l’avion, en passant par l’ensemble des transports publics.

Ce saut créatif va être accompli par l’Agence française pour l’information multimodale et la billettique, une des dernières initiatives de Jean-Louis Borloo en tant que ministre de l’Ecologie. L’AFIMB, “service à compétence nationale, rattaché au directeur général des infrastructures du ministère”, a vu le jour par arrêté du 26 juillet dernier. Elle a pour mission de mettre sur pied un système national d’information multimodale. Plus exactement “un schéma d’organisation des systèmes et services d’information multimodale, à l’intention des usagers et de billettique, permettant d’assurer l’harmonisation et la continuité de ces services”.

Dans le détail, la nouvelle agence doit: encourager le développement de l’information sur le système de transport; définir l’interopérabilité et la mettre en œuvre; mettre les systèmes d’information multimodale en réseau en liaison avec les collectivités territoriales volontaires. Elle dispose pour ce faire d’un budget annuel d’un million d’euros. Dirigéee puis le 13 janvier dernier, par Bernard Schwob, à l’origine ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts, elle a pour chef de mission, Jean-François Janin, spécialiste bien connu des transports intelligents au ministère des Transports.

L’AFIMB s’appuie sur un comité d’orientation comprenant des autorités responsables de transport (AOT), des usagers, des transporteurs “et d’autres acteurs du domaine concerné”. Il se réunit au moins trois fois par an et a déjà posé les principes de son travail.

Sortir de l’époque des pionniers

Premier résultat, la construction et l’exploitation du futur système national d’information multimodale vont être confiées à un groupe privé – choisi sur appel d’offres –, par le biais d’un partenariat public-privé (PPP). La durée du contrat sera de 12 ans. Le chantier devra aller vite: 2011, préparation l’appel d’offres; 2012 choix de l’opérateur; 2013 construction du système d’information multimodale (SIM) dans une première version de base. Des évolutions ultérieures seront prévues au contrat.

Si la participation des systèmes d’information multimodale existants dans une région ou un réseau de transport, n’est pas d’obligatoire, l’AFIMB signale, qu’à l’avenir, le système national pourra les intégrer.

Troisième principe, le nouveau système d’information multimodale agira comme une “plate-forme de back-office” qui prendra le relais, à l’échelle nationale, des systèmes existants. Et ils sont nombreux à fonctionner à l’échelle d’un département ou d’une région. Il ne reste plus, pour le nouveau système, qu’à trouver les normes d’interopérabilité. Un usager breton voulant se rendre à Besançon, pourra alors interroger son site régional, Breizgo, qui le renseignera sur les modes de transport, les horaires, les tarifs jusqu’au centre de Besançon. Sans qu’il le sache, l’information sera fournie par le nouveau système qui aura puisé ses données jusque dans Ginko, la plate-forme multimodale du grand Besançon.

Le système national d’information multimodale s’exprimera donc d’abord par un calculateur d’itinéraire en fonction des données fournies par les systèmes locaux et par la SNCF.

La version de base comprendra, outre les différents modes de transport public, du transport en commun à celui à la demande ou pour personnes à mobilité réduite, sans oublier la marche à pied, le vélo en libre-service, le déplacement en voiture particulière avec possibilités de parkings-relais, bateaux et avions ou covoiturage. Elle suggérera des alternatives, si aucune solution de transport public n’apparaît de prime abord, en renvoyant, par exemple, vers les fiches horaires. Elle indiquera des bilans carbone. L’international, l’intégration d’autres modes (taxis, voitures en libre-service) ne verront le jour que dans une phase ultérieure.

Faire tomber les barrières

De cette façon, l’État s’attaque en accéléré (avec l’aide du futur opérateur) aux difficultés de la généralisation de l’information multimodale. “Nous sommes très heureux que l’État ait enfin pris la décision de s’impliquer dans ce sujet. C’est notre seule chance d’aboutir à une solution partagée. Il faut sortir de l’époque des pionniers pour se doter d’un système plus élaboré. Le climat de travail est très positif. C’est pourquoi le GART s’y engage complètement. Je suis serein quant à notre capacité de construire un écosystème satisfaisant”, indique Yves Krattinger, sénateur socialiste de Haute-Saône, qui préside au nom du GART (Groupement des autorités responsables de transport), le comité d’orientation de l’AFIMB. Il juge le système français d’information multimodale “sur sa rampe de lancement” et perçoit les difficultés à venir. La France compte plus de 400 autorités organisatrices de transport (AOT) de premier rang. Toutes devront s’y retrouver, y compris celles de second rang ainsi que les pionnières déjà à la tête de leur propre système. Les échanges de données devront être normalisés. Heureusement, à l’initiative de l’Europe (programme Trident), des formats ont déjà été trouvés (Neptune décliné dans le logiciel Chouette). Le secteur privé (opérateurs de transport, de service informatique ou de téléphonie) devra lui aussi trouver un intérêt au projet. Le but étant un meilleur service à l’usager qui soit en même temps plus économique pour les collectivités. “La meilleure connaissance de l’information multimodale servira aux organisateurs de transports eux-mêmes, pour mieux coordonner les différents modes de transport. Ils optimiseront les investissements bien plus lourds dans les infrastructures”, souligne Yannick Denis, expert en intermodalité au Certu.

La SNCF en attente d’une décision publique

Parmi les freins au chantier, l’un des principaux tient à la réticence concernant le partage des données de transport en temps réel. “Les AOT aiment bien maîtriser la gestion de leurs informations”, fait remarquer Yves Krattinger. La SNCF fait partie de ceux qui le déplorent, notamment quand il s’agit des régions. Quoi qu’il en soit, l’entreprise ferroviaire n’est pas la plus mal lotie. En effet, elle vend ses informations et leur mise à jour à la plupart des départements et des régions qui ont bâti leur propre système d’information multimodale et ont, en outre, adopté son calculateur, Navitia, vendu par sa filiale Canal TP pour la recherche d’itinéraires. Cityway, le concurrent du groupe Véolia, utilisé par exemple en Isère, ne pèse pas lourd. Mais pour ses gares, la SNCF réclame plus. Elle a besoin d’informations en correspondance avec l’arrivée de ses trains. Là où la loi permet à un acteur public de réutiliser des données publiques, un acteur industriel et commercial comme la SNCF n’y a pas automatiquement accès. Qu’arrivera-t-il quand il s’agira de données privées issues, par exemple, de l’autopartage? “Nous sommes en attente d’une décision publique sur l’accessibilité des données de transport. Pour le moment c’est ce qui nous freine un peu”, explique Jean-Christophe Caillou, responsable du département information voyageurs de la branche Gares et Connexions de la SNCF.

Les gares SNCF, premières équipées

Pour le moment, la SNCF met les bouchées doubles pour équiper ses gares. Si 200 d’entre elles sont déjà équipées d’écrans et de bornes d’information multimodale en temps réel, 1 000 au total le seront à la fin de l’année. Jean-Christophe Caillou juge qu’en gare, deux écrans, l’un pour les trains relevant de la SNCF, l’autre pour les autres transports “n’est pas, à terme, la solution”.

L’objectif de la SNCF est de rendre incontournable en gare son propre système et, pour cela, elle a besoin d’un certain niveau d’information. “Quand un voyageur débarque d’un de nos trains, nous voulons lui indiquer les correspondances possibles avec l’ensemble des autres moyens de déplacement à sa disposition: transports urbains, stations vélos, voitures en location… Dans les prochains mois, nous allons annoncer les sites de covoiturage. Nous voulons aussi donner des listes d’hôtels, de restaurants aux abords de la gare, cotés par le public à la façon des réseaux sociaux, du genre « Tripadvisor », ce forum d’étalonnage des services touristiques sur Internet. Mais pas question pour Gares et Connexions de proposer des calculateurs d’itinéraires en gare. Cela, c’est pour le site Voyages SNCF, accessible de n’importe quel ordinateur.”, explique Jean-Christophe Caillou.

Et de Rochefort à Exeter, Angleterre?

Au-delà du partage des données de transport existantes, il va aussi falloir innover dans le domaine des “nouveaux services à la mobilité”: le vélo en libre-service, l’autopartage, voire même le piéton. Tous les sites d’information multimodale les intègrent peu à peu. À Rouen, mandaté par quinze AOT de Haute-Normandie, Pierre Lascabettes, directeur des transports de Seine-Maritime annonce le lancement, début 2012, d’un portail d’information multimodale régional. Le covoiturage y sera présent. “Nous disposions déjà une base unique de covoiturage pour nos deux départements, l’Eure et la Seine-Maritime. Le problème, à l’échelle nationale, est que l’on fractionne pour le moment sans cesse les adeptes du covoiturage selon les fédérations de sites privés”, explique-t-il. L’AFIMB travaillera aussi sur le sujet.

L’interopérabilité des systèmes d’information sera à vérifier à l’échelle européenne. Pour qu’un habitant de Rochefort sache, de son téléphone portable, comment rejoindre Glasgow, sans encombre et à un coût déterminé. L’Europe a travaillé la question à travers des programmes d’expérimentation pour collectivités publiques comme Civitas ou Start. Un de ces produits, le portail Integra, sera lancé en fin d’année à Lisbonne. Une petite dizaine de villes et de régions de l’Atlantique y délivrera une information basique: quels sont les moyens de transports entre et dans chacune d’elles. Pour une information plus fouillée, ce portail renverra sur le site de chaque transporteur. Integra deviendra également un label, la garantie d’une information de qualité pour les voyageurs à leur arrivée dans chaque ville. Le réseau Integra se connectera, lui aussi, au nouveau système national d’information multimodale pour aider les Français dans leurs voyages. “Tous les jours, des concitoyens nous interpellent. Ils n’ont pas trouvé comment utiliser les transports publics entre deux régions. Ils réclament des solutions”, insiste Yves Krattinger. Auprès des salariés, dans les entreprises, Guillaume Lucas, conseiller en mobilité, fait état des mêmes besoins et du même degré d’urgence. “On demande aux gens de laisser leur voiture aux parkings-relais, de combiner les transports en commun avec d’autres modes de déplacement, mais ils n’ont même pas l’information nécessaire pour calculer leur temps de parcours et savoir s’ils peuvent être à l’heure au travail!” C’est apparemment ce qui va changer.

Réactions

"À Bordeaux où le tramway dessine un triangle, il peut être plus rapide de sauter sur un vélo en libre-service entre deux stations. Mais rien, personne, nulle part, ne l’indique."

Guillaume Lucas

Un nouveau monde d’information

Dans quelque temps, tout un chacun se verra proposer le moindre saut de puce possible à vélo ou à pied sur l’écran de son téléphone mobile.

EXPRESS

STIF-RATP

Les modalités de transferts d’actifs précisées

Redistribuant les cartes entre les deux acteurs, les modalités de transferts d’actifs entre le Syndicat des transports d’Île-de-France (Stif) et la Régie autonome des transports parisiens (RATP) ont été publiées fin mars par décret. D’abord, ce texte prévoit, qu’en sa qualité de gestionnaire d’infrastructure, la RATP assure "la surveillance et l’entretien régulier de l’infrastructure", ainsi que les "réparations, dépannages et mesures nécessaires au fonctionnement du réseau et à la sécurité de l’ensemble des plates-formes, ouvrages d’art, voies, quais, réseaux, installations et bâtiments techniques s’y rattachant". Elle définit également les objectifs liés à la gestion du trafic et des circulations. En parallèle, le décret introduit aussi le principe de rémunération de la régie par le Stif dans le cadre d’une convention pluriannuelle couvrant "l’ensemble des coûts de détention, de mise à disposition, d’utilisation et de renouvellement des biens supportés par elle à ce titre". Enfin, ce décret fixe les conditions de transfert ou de reprise des biens exploités par la RATP au 1er janvier 2010, et, le cas échéant, d’estimation de leur valeur. Pour cela, le Stif, la RATP et l’État disposent de six mois à compter de la publication du décret pour lister les différents biens en leur possession.

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Auteur

  • Hubert Heulot
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