TGV Est européen Rien n’est trop beau pour le TGV Est européen. Fin mars 2011, le Conseil d’État s’est prononcé en faveur de la construction d’une nouvelle gare TGV à Vandières… à moins de dix kilomètres de la gare de Louvigny inaugurée sur la ligne deux ans plus tôt.
ALORS QUE LES travaux de génie civil de la seconde phase de la ligne à grande vitesse (LGV) Est ont débuté en novembre dernier, le feu vert du Conseil d’État pour la construction de la gare de Vandières n’a pas été une surprise, mais a suscité de nombreuses questions sur l’utilité de proposer deux gares aussi rapprochées. Dernier acte d’un feuilleton commencé près de dix ans plus tôt, la publication le 29 mars dernier au Journal Officiel, du décret no 2011-332, a rendu d’utilité publique et urgents les travaux de construction de la ligne “TGV Est européen” entre Paris et Strasbourg et d’utilité publique les acquisitions et travaux nécessaires à la création de la gare d’interconnexion TGV/TER de la région Lorraine à Vandières. “Nous allons enfin pouvoir engager l’aménagement et le développement de l’espace central métropolitain Metz-Nancy-Lorraine reliant et intégrant les agglomérations de Nancy et de Metz”, prévoyait Michel Dinet, président du conseil général de Meurthe-et-Moselle, qui considère ce chantier comme “un levier de développement pour la Lorraine et l’espace central au cœur de l’Europe”. Des attentes cristallisées par un niveau de fréquentation de la ligne atteignant treize millions de voyageurs l’an dernier, chiffre au-delà des prévisions d’origine de la SNCF qui tablait sur 11,5 millions de voyageurs annuels lors de l’inauguration du premier tronçon. Alors, pour capter ce marché, la Région n’a pas lésiné sur les moyens et s’est dotée de pas moins de deux gares à dix kilomètres de distance. Une initiative qui aura coûté près de 140 millions d’euros.
Rétrospectivement, l’affaire commence dès le 15 mai 1996 avec la publication de la déclaration d’utilité publique relative au projet du TGV Est européen. À l’époque, le projet technique de la gare TGV à Vandières avait été retoqué au profit du site de Louvigny-Cheminot, en Moselle. Trois ans plus tard, le ministre des Transports en fonction, Jean-Claude Gayssot, demandait à Réseau ferré de France (RFF) de réétudier la faisabilité technique de Vandières. Le 7 novembre 2000, le protocole additionnel à la convention de réalisation et de financement du TGV Est européen scellait le sort de Louvigny comme interconnexion avec le réseau TGV français jusqu’à la réalisation de Vandières: “Compte tenu des avantages que présente l’interconnexion TGV-TER pour le développement des transports collectifs en région Lorraine, la gare d’interconnexion sera réalisée à Vandières.” Une décision sur laquelle s’est appuyé le conseil régional de Lorraine lors de l’élaboration de son schéma régional des infrastructures et des transports (SRIT) quatre ans plus tard. Confirmant la réalisation “d’emblée” de la gare de Louvigny, le SRIT anticipait également les modalités de construction de la gare de Vandières en termes de délais, de coûts, de procédures et de financement. “Le conseil régional Lorraine entend assumer ses responsabilités […] et a proposé d’assurer la maîtrise d’ouvrage de ce projet ainsi qu’une participation financière à hauteur de 70 millions d’euros.” Doté d’un modeste budget de trente millions d’euros, la gare transitoire de Louvigny-Cheminot est donc inaugurée en grande pompe en 2007. Seule ombre au tableau, elle n’est pas desservie par le réseau TER. Pire, à l’issue de sa première année de mise en service, sa fréquentation annuelle ne dépasse pas 300 000 usagers, à peine la moitié des 600 000 voyageurs initialement prévus. Doucement mais sûrement, elle franchira néanmoins la barre des 500 000 voyageurs en 2009. Une vaine progression qui n’atténue pas les critiques de ses détracteurs. “La gare TGV de Louvigny est reconnue comme une erreur par tous”, déclarait Christian Poncelet, président du conseil général des Vosges, au cours d’un débat sur les infrastructures de transport le 15 février 2011. Coïncidant avec la mise en service commerciale de la seconde phase de la LGV Est, celle de la gare de Vandières sonnera donc le glas de toute activité voyageurs du site de Louvigny. Certains observateurs murmurent qu’elle pourrait se donner une seconde chance dans le fret, grâce à une connexion directe à l’aéroport Nancy-Metz, à une trentaine de kilomètres de distance.
Côté financement, les instigateurs de ce projet ont aussi vu large.?En effet, implantée à la croisée des lignes TER et TGV, la gare de Vandières proposera une interconnexion directe entre le réseau à grande vitesse et l’ensemble du réseau Métrolor, et intégrera une approche de haute qualité environnementale (HQE) à sa conception, y compris en termes d’accessibilité. Si le cahier des charges de ce chantier se voulait exigeant, puisqu’il prévoyait, par exemple, des voies TER et TGV sur deux niveaux ou des quais aménagés sur un ouvrage d’art, son coût de 110 millions d’euros sera supporté par deux acteurs: l’État à hauteur de 30 millions d’euros et la Région qui apporte 80 millions d’euros supplémentaires. Un duo qui rompt avec l’esprit du montage financier global de la LGV Est, première ligne dont l’investissement associe l’État, RFF, la SNCF, les collectivités territoriales traversées, le grand-duché de Luxembourg et l’Union européenne. Reste à croiser les doigts pour que les 270 000 voyageurs TER et 600 000 voyageurs TGV attendus sur le site de Vandières soient au rendez-vous et légitiment tous ces efforts…
Saisie en décembre 2010 par la Commission intergouvernementale au tunnel sous la Manche pour un avis technique sur une évolution des règles de sécurité liées à l’utilisation des trains Siemens envisagée par Eurostar et la Deutsche Bahn, l’Agence ferroviaire européenne (ERA) a estimé, mi-mars, que "les exigences qui s’appliquent actuellement à l’autorisation de véhicules pour le tunnel sous la Manche n’interdisent pas explicitement la motorisation répartie pourvu qu’un niveau de sécurité équivalent à celui de la référence soit démontré". Un rebondissement qui devrait faire hurler l’État français et Alstom, fournisseur des seuls trains autorisés à franchir la Manche, déjà intervenus en justice à l’automne dernier pour faire annuler le contrat, considérant que cette motorisation présente des risques plus importants d’incendie. Quelques jours après cette annonce, la Commission européenne s’est félicitée d’une concurrence accrue évoquant "une étape importante qui va dans la bonne direction".
Fin mars, l’Autorité de régulation des activités ferroviaire (ARAF) s’est exprimée en faveur d’un rapprochement "physique et opérationnel" urgent entre Réseau ferré de France (RFF) et la SNCF. Une démarche qui pourrait s’inscrire dans le cadre d’un projet de décret relatif au fonctionnement de la direction des circulations ferroviaires (DCF), service gestionnaire du trafic et des circulations sur le réseau français, intégré à la SNCF, où il serait "essentiel de conforter RFF dans son rôle de donneur d’ordres pour le compte de la DCF et d’assurer une réelle autonomie de celle-ci par rapport à la SNCF". Une initiative qui aboutirait à une "impasse financière" selon Guillaume Pépy, interrogé par Le Monde quelques jours plus tard.
Dans son plan d’actions 2011 présenté fin mars, Réseau ferré de France a précisé le calendrier des études relatives à la LGV PACA. Effective en 2023, cette LGV qui reliera Nice à Marseille en une heure, anticipe déjà un doublement voire un triplement du trafic des TER en 2040. À moins long terme, une première phase d’études, qui s’étendra jusqu’en 2012, définira des zones de passage d’une largeur d’un kilomètre pour la voie nouvelle et évaluera les aménagements à réaliser sur les lignes classiques. En parallèle, la variante choisie prendra en compte la partie raccordant Nice à la frontière italienne et fera l’objet d’un dossier d’enquête d’utilité publique pour 2014.
Présentant ses résultats financiers annuels le 30 mars dernier, la Deutsche Bahn s’est félicitée d’un chiffre d’affaires en augmentation de 17,3 % par rapport à l’exercice précédent avec 34,41 milliards d’euros. Une hausse qui se traduit malgré tout par une baisse de 0,4 % de son chiffre d’affaires passagers, en particulier sur les lignes régionales, et une progression de 4,6 % du CA de ses lignes à grande vitesse. Conscient de ne pas pouvoir forcément tenir ce rythme cette année "après l’effet de rattrapage d’après-crise en 2010, nous n’aurons pas en 2011 des taux de croissance similaires", analysait pour l’occasion Richard Lutz, directeur financier du groupe.
