Nantes Dans cette région, le BHNS n’est pas nouveau. Après trois lignes de tramway, la ville a installé son Busway en 2006 sur une ancienne 2 × 2 voies, sans contraintes particulières d’espace.
CETTE fois-ci, le programme de Chronobus nantais est plus complexe à mettre en œuvre au milieu de rues souvent étroites, mais avec un plan de circulation déjà bien adapté à la “ville apaisée”: suppression des sens uniques, minigiratoires, arrêts accessibles, trottoirs confortables, bandes cyclables, limitation des véhicules particuliers… “Le concept Chronobus est intermédiaire entre le Busway et le bus classique”, explique Sébastien Rabuel, directeur des investissements transports collectifs à la communauté urbaine Nantes Métropole. Sept lignes seront installées dans un premier temps (puis trois lignes supplémentaires envisagées pour le prochain mandat), dans une optique de maillage avec le tramway et de désaturation du réseau structurant. Le projet de 7 lignes et 70 km est évalué à 56,8 millions d’euros (hors matériel roulant). Chaque ligne a une capacité attendue de 10 000 passagers.
En site contraint, les Chronobus nantais bénéficieront de plusieurs types de solutions: des “stations apaisées” avec une modération de la circulation automobile, une sécurisation des traversées piétonnes et une mise en accessibilité des stations; des “zones à trafic limité” (chaussées réservées aux chronobus, aux modes doux et aux ayants droit); la “voie unique”, avec priorité au premier bus qui arrive ou en circulation alternée selon les flux en heure de pointe matin ou soir; le “site propre virtuel” (géré par des feux); le Sas (étudié pour la ligne C6) où, lorsque deux bus ne peuvent se croiser, un feu arrête l’un des deux pour traverser un point noir de quelques dizaines de mètres. Sur 70 km de lignes, 32 km bénéficieront de couloirs de bus ou de site propre bidirectionnel. Les chaussées seront élargies par une transformation de stationnements en épis en stationnement longitudinal ou de suppressions.
“Les solutions de Nantes avec le Chronobus nous intéressent car elles nous amènent à faire le constat de solutions dans la dentelle, la haute-couture, et la nécessité de travailler sur la voirie et les plans de circulation”, a souligné Vincent Georjon de Tisséo-SMTC.
“C’est beaucoup de temps passé par les élus pour de la concertation fine. Cela se joue au centimètre à chaque fois, précise le Nantais. Et ce n’est pas plus simple à mettre en œuvre qu’un tramway…” D’ailleurs, une ligne Chronobus peut être transformée en tram si la fréquentation l’oblige.
Le Dr Ahmet Bagis, du réseau de transports d’Istanbul, est venu présenter le projet de BRT (Bus Rapid Transit, équivalent de notre BHNS) de la capitale turque, dans le cadre du projet européen Mobilis. Ses auditeurs français sont restés bouche bée devant les chiffres! Ce projet de 42 km, venu s’inscrire dans une situation de congestion urbaine intense, est le premier bus intercontinental, puisqu’il traverse le pont sur le Bosphore et relie l’Europe à l’Asie. La mise en œuvre de ce réseau de bus rapides sur voies en site propre bidirectionnel a été réalisée en un temps record: quatre ans, entre 2007 et 2011, pour 42 km, dont 12 km construits en soixante-dix-sept jours en 2008. Le coût? 8,9 millions de dollars par kilomètre. Ce BRT transporte 600 000 passagers par jour (c’est le deuxième en termes de fréquentation quotidienne derrière Bogotá). Avec 40 km de vitesse commerciale (le plus rapide du monde), il permet à ses passagers de gagner cinquante-deux minutes par jour.
Georges Amar, directeur de la prospective à la RATP et auteur du livre Homo Mobilis, a baptisé son intervention sur le BHNS d’un titre iconoclaste: "Ceci n’est pas un bus!" Soulignant qu’on innove de plus en plus par métissage, l’ingénieur prospectiviste a voulu séparer le hardware du software pour le transport (devenu mobilité) comme pour l’informatique. Citant en exemple le Transmilenio de Bogotá qui, "avec des gênes de métro et des gênes de bus", transporte 36 000 voyageurs par heure et par sens, ou le BRT (Bus Rapid Transit) américain, il affirme que la station est une composante innovante majeure du BHNS. "Il faut inventer la station urbaine, a-t-il lancé. Une station biface avec une face transports pour faciliter le flux, l’information dynamique, la vente de billets. Et une face ville, qui ouvre la station sur les commerces, l’information, le travail avec les acteurs locaux." L’optimisme de cet ingénieur des Mines pour le bus est total: "Le BRT/BHNS a relancé le bus qui a un formidable potentiel de développement, estime-t-il. On est en phase de réenchanter, de réinventer le bus. Longtemps mal-aimé, pis-aller face au métro et au tramway, le bus est en train de gagner car avec les technologies de l’information, sa souplesse prend toute sa valeur."
