Irizar Le carrossier espagnol met un coup d’accélérateur à la commercialisation de sa gamme autoportante. Lassé du manque d’implication de Scania dans l’Hexagone, il s’associe avec GBB pour former Irizar Autocars France, et veut exister en tant que marque à part entière.
LA SÉPARATION de certains couples ne surprend personne, tant il arrive que le torchon brûle de tous les côtés. C’est le cas pour le divorce (non officiel) entre Irizar et Scania. Les deux partenaires industriels avaient donné des premiers signes forts de leur mésentente à Busworld Courtrai en 2009 en faisant stand à part pour présenter chacun de leur côté leur nouvelle idylle. Chez le Suédois, il s’agissait du lancement du Touring réalisé en partenariat avec le Chinois Higer. Irizar dévoilait quant à lui sa nouvelle stratégie en matière de production de véhicules autoportants.
Depuis, la brouille s’est accentuée, Scania intensifie ses efforts avec son partenaire asiatique et Irizar s’est associé avec GBB pour créer Irizar Autocars France et commercialiser en direct ses produits. “La collaboration entre Scania et Higer a été le signe supplémentaire du peu de volonté de Scania de vendre des produits Irizar en France. La faiblesse des chiffres parle d’elle-même. Désormais, si un client veut un autocar Irizar, il pourra s’adresser à Irizar Autocars France. Scania n’a pas l’interdiction de proposer nos produits, mais la motivation leur fait clairement défaut. Nous n’entrons pas dans leurs priorités”, souligne Gotzon Gomez Sarasola, responsable de l’export chez Irizar. La France est un des marchés prioritaires pour Irizar. L’Espagnol compte obtenir avec son partenaire tourangeau la reconnaissance hexagonale qu’il n’a jamais eu avec Scania. Le développement d’Irizar en France devrait se faire dans un réel esprit partenarial. La structure française est codétenue par GBB (65 %) et le carrossier espagnol (35 %). “Il nous paraissait essentiel qu’Irizar s’implique réellement sur le plan capitalistique. Cela nous permet de sortir du cadre des relations importateur/ fournisseur. Nous allons avancer main dans la main pour favoriser le développement de la marque”, assure Guénaël Bonneau, directeur général de GBB.
Irizar a suffisamment attendu, en vain selon l’Espagnol, pour exister au travers de Scania pour ne pas confondre vitesse et précipitation au moment de se faire un nom par ses propres soins. “La manière de travailler avec Scania ne nous a jamais permis d’être en contact direct avec les clients. Aussi, nous sommes parfaitement conscients qu’en France la marque Irizar démarre de zéro. L’année 2011 nous sert à l’établissement de notre structure et à la mise en place des relations avec GBB. Nous ne cherchons pas à réaliser du volume d’immatriculation. Nous allons dans un premier temps montrer que nous disposons d’une gamme cohérente, capable de répondre aux besoins des autocaristes français. Le salon de Courtrai constituera une excellente rampe de lancement”, explique Gotzon Gomez Sarasola. Le duo franco-espagnol affichera plus clairement ses ambitions commerciales à partir de 2012. “D’ici au salon de Courtrai nous devrions compter trois livraisons. Nous avons également enregistré une quinzaine de commandes, ces véhicules devraient être remis aux clients d’ici à mars 2012. Nous comptons totaliser d’autres commandes d’ici à la fin de l’année”, précise Guénaël Bonneau. Pour les objectifs plus ambitieux, c’est l’horizon 2015 qui est visé. “En France, nous souhaiterions atteindre 15 à 20 % du segment du I6 et du PB, ce qui devrait représenter entre 150 et 180 immatriculations par an”, indique Gotzon Gomez Sarasola.
Pour rester dans le registre des dictons, Irizar Autocars France a également souhaité ne pas mettre la charrue avant les bœufs. Ainsi, une bonne part du premier semestre 2011 a été consacrée à la mise en place du service après-vente. “Nous avons enchaîné les réunions avec Daf, qui se montre particulièrement impliqué. L’objectif étant de permettre aux 32 établissements labellisés Bus & Coach Service Dealer d’intervenir sur les véhicules Irizar. En parallèle, nous avons sélectionné dans un premier temps huit sites avec lesquels nous avons signé un contrat de partenariat privilégié. Ces établissements disposeront d’un stock de pièces détachées et leur personnel recevra une formation spécifique de la part de Daf et dans l’usine d’Irizar. Ils auront un système informatique qui permet l’identification des pièces spécifiques à chaque véhicule. Cet outil permet de gagner beaucoup de temps”, assure Guénaël Bonneau. Irizar Autocar France s’est aussi engagé à proposer une garantie usine de deux ans et 200 000 km. Un argument de SAV qui ne manquera pas de rassurer, mais qui est certainement nécessaire pour installer une marque.
La gamme proposée en France ne se limitera pas à l’I6 présenté à Nice en octobre 2010 à l’occasion d’Autocars Expo. Ce dernier sera également accompagné du I4 et du PB autoportants. Mais Irizar Autocars France ne laisse pas non plus de côté les véhicules sur châssis. Un accord a été trouvé avec Volvo qui fournira ses bases B7R et B9R. Cela permettra de proposer aux clients français l’ensemble de la gamme I4 sur châssis mais également le Century. “Volvo s’est montré très réactif et nous a rapidement communiqué les tarifs de ses châssis. Nous aurions été ravis de vendre des véhicules sur châssis Scania, mais nous sommes toujours dans l’attente d’une réponse concernant les prix. Scania garde parfaitement le droit de vendre l’ensemble de notre gamme. Encore faut-il que la volonté soit au rendez-vous”, signale Gotzon Gomez Sarasola. Si la production sur châssis reste à ce jour largement majoritaire chez Irizar, elle semble condamnée à perdre du terrain face aux véhicules autoportant. Le carrossier estime que d’ici à 2015, plus de la moitié de sa production européenne sera composée de la gamme autoportante. “Euro 6 va poser un problème de poids. Les véhicules sur châssis devront supporter une surcharge de l’ordre de 300 kg sur l’essieu arrière. Elle sera divisée par deux pour les autocars autoportants”, souligne Gotzon Gomez Sarasola. À plus long terme, Irizar souhaiterait concentrer sa production de véhicules autoportants en Europe et celle des modèles sur châssis dans son usine marocaine.
Irizar ne va pas se contenter des créneaux du mixte et du tourisme. Il n’abordera pas pour autant celui du scolaire. “Ce n’est pas notre vocation, même en nous appuyant sur l’usine marocaine. À chaque fois que nous avons voulu faire du low cost, nous avons perdu de l’argent”, concède Gotzon Gomez Sarasola. La future nouveauté concerdivinera l’urbain. Irizar propose déjà l’Iria, un véhicule de conception assez basique, emprunté à Castrosua, et que le Basque ne peut proposer que dans les pays en voie de développement jusqu’en 2014. “Mais sa technologie nous paraît trop désuète pour le marché européen. Aussi, nous travaillons au développement d’un véhicule inédit”, assure Gotzon Gomez Sarasola. Cet autobus sera proposé sur châssis comme dans une version autoportante. La priorité ira au véhicule carrossé, qui devrait entrer en production de série en 2013. Irizar promet une version autoportante 100 % électrique pour 2014. “Un prototype pourrait circuler à San Sebastián”, espère Gotzon Gomez Sarasola. Irizar ne s’invite pas sur le créneau de l’urbain électrique par hasard. Depuis 2009, le carrossier est devenu l’actionnaire majoritaire de Jema, une entreprise spécialisée dans l’électronique de puissance. “Avec cette filiale, nous nous donnons les moyens et les compétences technologiques nécessaires pour mener à bien nos ambitions”, souligne Gotzon Gomez Sarasola. Le futur autobus d’Irizar ne laisse pas son partenaire GBB indifférent. Le Tourangeau est déjà présent dans le domaine de l’urbain avec le mini électrique Zeus de Bredamenarini. Avec l’offre d’Irizar, il aura de quoi coller aux basques toutes les tendances du marché.
SUCCÈS NEW-YORKAIS
Ça roule pour l’équipementier dans la ville qui ne dort jamais. New York a récemment passé commande de 328 autobus articulés, tous armés de la boîte de vitesses Ecolife et d’essieux ZF. Ils équiperont des véhicules de Nova Bus, une filiale du groupe Volvo. Les boîtes de vitesses Ecolife automatiques à six rapports utilisent le système de reconnaissance de la topographie TopoDyn qui permet d’optimiser le choix des rapports.
DOLCEVITA POUR LES MINIS
Le constructeur néerlandais ne se contente pas de gagner les trophées avec son Citea et son Futura 2 (voir Bus & Car no 886). Il s’offre également des succès commerciaux avec sa gamme de minibus. L’un des plus importants opérateurs de transport public transalpin, ARST, a commandé 29 MidCitys. Réalisés sur base Mercedes Sprinter, ils offriront la possibilité d’accueillir 11 passagers assis, une personne en fauteuil roulant et jusqu’à 11 personnes debout. ARST prévoit d’exploiter ces véhicules sur des lignes interurbaines de l’île de Sardaigne à partir du mois prochain.
Le Griffon ne semble pas décidé à tourner définitivement la page Irizar. Sur le plan international, cela aurait peu de sens, tant le carrossier espagnol est un bon client du Suédois. Près de 40 % des véhicules Irizar immatriculés dans le monde chaque année reposent sur une base Scania. Et, même en France, Scania souhaiterait continuer à faire un bout de chemin avec l’industriel basque. "L’arrivée de Higer n’a jamais été conjuguée avec une volonté de mettre un terme à notre travail avec Irizar. Le A30 n’a pas d’équivalent dans leur gamme, et le Touring vient, selon nous, compléter l’offre. En revanche, nous ne souhaitons pas vendre de châssis nus afin que le véhicule fini soit commercialisé par GBB. Cela n’aurait de sens ni pour notre réseau, ni pour nos clients. Depuis toujours, nous leur affirmons que les modèles Scania/Irizar sont des produits complets, nous irions à l’inverse de notre logique", assure Stéphane Gloppe, directeur commercial autocars chez Scania France. Les deux partenaires se seraient rencontrés durant l’été afin mettre à plat leurs différends. Il est encore trop tôt pour savoir si ce travail de conciliation permettra d’éviter le divorce.
