TGV Trente ans après la ligne à grande vitesse Paris-Lyon, l’inauguration de la LGV Rhin-Rhône marque une nouvelle étape de l’histoire ferroviaire française et européenne. Le point sur la première liaison province-province internationale.
AU-DELA des 140 kilomètres de nouvelles lignes qui constituent le TGV Rhin-Rhône, c’est bien l’ensemble du réseau existant de la moitié Est de la France qui va être réorganisé pour proposer à plusieurs millions de voyageurs une offre composée de liaisons nationales et européennes (on parle de 11 millions de passagers). À partir de ce nouveau tronçon à grande vitesse, entre Dijon et Mulhouse, deux axes vont voir leur desserte impactée: la ligne Paris-Lyon, jusqu’à Montbard, d’une part, et la ligne Lyon-Méditerranée, d’autre part. Qualifié par Barbara Dalibard, directrice générale de SNCF Voyageurs, de “maillon essentiel de l’Europe à grande vitesse”, ce nouveau tronçon va rapprocher les territoires nationaux comme la Bourgogne, la Franche-Comté, l’Alsace, Rhône-Alpes à d’autres territoires européens: l’Allemagne, la Suisse alémanique et romande, en liaison directe, mais aussi l’Espagne, la Grande-Bretagne ou la Belgique, par le jeu des correspondances. Le TGV Rhin-Rhône accélérera l’intégration, notamment d’une ville comme Strasbourg, qui dispose déjà de quatre relations avec Stuttgart et qui verra son rôle se renforcer. La gare de Bâle proposera pratiquement un train toutes les deux heures pour Francfort ainsi que de nombreuses liaisons quotidiennes avec Cologne et Milan. Nul doute que les voyageurs bourguignons et francs-comtois profiteront pleinement des avancées du TGV Rhin-Rhône.
Outre les gains de temps apportés, le lancement des TGV Rhin-Rhône donnera aussi l’occasion pour la SNCF d’introduire de nouveaux matériels, avec des innovations destinées à améliorer de façon significative le confort de sa clientèle. Dès l’ouverture de la ligne, une trentaine de nouvelles rames de dernière génération, les Euroduplex, seront mises en service au fur et à mesure de leur livraison. En 2015, leur nombre devrait atteindre 60. Disposant de 509 sièges, ces rames répondent aux nouvelles exigences d’interopérabilité technique et aux meilleurs standards de confort, tout en proposant des coûts d’exploitation maîtrisés. L’accessibilité aux personnes à mobilité réduite a été sensiblement augmentée avec notamment 50 espaces spécialement aménagés, ainsi que des toilettes et des couloirs plus larges, favorisant la fluidité de la circulation. À cette occasion, la SNCF va encourager le nouveau concept de déplacements faisant appel à plusieurs modes de transport. Des espaces vélos seront par exemple aménagés dans les wagons de seconde classe. Au-delà de cette mise en service, la SNCF compte sur un effet de levier pour accroître les trafics des autres lignes TGV et TER en correspondance. Et même favoriser l’usage de transports écomobiles comme le vélo, l’autopartage, le covoiturage.
La SNCF et la Deutsche Bahn franchiront en mars prochain une étape supplémentaire dans leur coopération avec le lancement, sur la LGV Rhin-Rhône, d’une étape quotidienne par TGV entre Francfort et Marseille. Une façon de relier la façade touristique méditerranéenne aux pôles économiques majeurs des bords du Rhin. Le sud de la France sera donc directement relié à l’Allemagne avec les nouvelles rames interopérables en Europe. C’est la société Alleo GmbH, créée en 2007, à 50/50 entre la SNCF et la Deutsche Bahn, et dont le siège est à Stuttgart, qui exploitera cette relation, avec un double accompagnement franco-allemand. Parallèlement à cette ouverture, sera proposée une nouvelle destination TGV: Baden-Baden. Cette élégante et vénérable station thermale, vieille de 2 000 ans, sera la 10e destination allemande à profiter des services TGV. Avec un départ de Marseille, à 8 h 14, de Lyon à 10 h 04, ou encore de Strasbourg à 13 h 54, le TGV permettra aux voyageurs français d’arriver à Baden-Badsen à 14 h 22. Un retour quotidien est prévu à 15 h 32. À partir de décembre 2012, un TGV supplémentaire sera proposé à la desserte internationale Rhin-Rhône, avec une autre liaison quotidienne Bâle-Mulhouse-Lyon-Méditerranée. Une façon d’illustrer la définition que donne Guillaume Pépy, président de la SNCF, de cette inauguration: “Le TGV Rhin-Rhône est le premier de l’Histoire de l’Europe des régions.”
LA CONCURRENCE MOTIVE LES FRANÇAIS
70 % des Français se déclarent prêts à voir arriver de nouveaux opérateurs sur le marché français. C’est du moins ce que révèle une étude remise début décembre par le CSA à l’Association française du rail (Afra). Si 60 % des personnes interrogées paraissent satisfaites de l’offre proposée, 81 % d’entre elles restent agacées par les retards et les grèves, tandis que le prix des billets exaspère 74 % des sondés. Conclusion: 20 % des personnes interrogées attendent de pied ferme la concurrence étrangère.
LA LGV EN BONNE VOIE
Après la ligne Nice-Moscou, ouverte en septembre 2010, ce sont les capitales russe, allemande et française qui seront reliées par un TGV. Signés début décembre, des accords de coopération ont été entérinés par les Chemins de fer Russes (RZD) et la SNCF afin de mettre sur pied une ligne reliant Moscou-Berlin-Paris, inaugurée le 13 décembre 2011. Dôtée de matériels russes, cette ligne de 3 177 km traverse cinq pays: Russie, Biélorussie, Pologne, Allemagne et France, en environ 39 heures. À terme, 18 itinéraires doivent recevoir des services passagers à grande vitesse, dont les grandes villes telles que Saint-Pétersbourg, Moscou, Krasnodar, Samara et Novossibirsk. D’ici à 2030, Russian Railways prévoit d’investir environ 300 milliards d’euros en nouveaux matériels roulants, et de créer plus de 20 000 km de nouvelles voies ferroviaires. Un service à grande vitesse entre Saint-Pétersbourg et Helsinki est l’autre projet phare de l’entreprise qui souhaite réduire le temps de voyage d’au moins deux heures contre plusde cinq heures actuellement.
LA BEI FINANCE LA LGV EST
Le 5 décembre 2011, une première tranche de 40 millions d’euros du programme d’emprunt à long terme de 130 millions d’euros a été signé entre la Banque européenne d’investissement (BEI) et le ministère des Collectivités territoriales et le conseil régional d’Alsace. Objectif: couvrir les besoins financiers de la région Alsace, durant les trois prochaines années, pour la réalisation des travaux du projet “LGV Est-Européenne phase 2” et des aménagements du réseau au nord de Strasbourg. Fruit d’une négociation qui a duré trois mois, ce prêt permet à la région Alsace de sécuriser ses sources de financement jusqu’en 2013, dans un contexte européen de raréfaction des financements à long terme. Pour la BEI, cette signature s’inscrit dans le prolongement de la phase 1 du projet “LGV Est-Européenne” et témoigne d’une volonté de promouvoir le développement économique alsacien.
– 140 kilomètres de ligne à grande vitesse
– 11 millions de voyageurs attendus par an
– 2 routes: Paris-Mulhouse et Strasbourg-Méditerranée
– 2,5 milliards d’euros investis pour l’infrastructure par l’État, les collectivités territoriales et RFF
– 1,2 milliard d’euros pour l’achat du matériel roulant, la construction de deux nouvelles gares, la rénovation de dix autres, la construction d’un atelier de maintenance à Lyon et d’installations d’entretien à Mulhouse et Strasbourg
– 42 circulations quotidiennes à partir du 11 décembre
– 1 million de nouveaux voyageurs attendus dans les deux nouvelles gares TGV
– 1re ligne affichant un bilan carbone global
– zéro empreinte carbone, dès la douzième année d’exploitation
– Tri sélectif à bord
– Service de restauration bio/équitable
– Offres multimodales: bus, vélo, covoiturage…
Lyon Alors que le TGV Rhin-Rhône va augmenter le trafic à compter du 11 décembre, les solutions tardent à voir le jour pour régler la question de la saturation de la première gare lyonnaise.
EN INAUGURANT il y a un peu plus d’un an, le nouveau centre d’aiguillage lyonnais de la SNCF, en présence des dirigeants de RFF et de la SNCF, le secrétaire d’État aux Transports de l’époque, Dominique Bussereau, annonçait le lancement d’une mission d’études, pour proposer des solutions à même de régler la congestion croissante de la gare de La Part Dieu. Confiée à Marie-Line Meaux, cette étude, un temps annoncée pour début 2011, n’a en fait jamais abouti. L’arrivée de Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’Ecologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement, en visite à Lyon, le 25 octobre dernier, pour l’anniversaire du Grenelle de l’environnement, n’a rien amené de nouveau.
Jusqu’à 150000 voyageurs par jour
Or, aujourd’hui, les aménagements de détail ne peuvent suffire. Construite en 1983 pour accueillir 30 000 voyageurs par jour, avec l’arrivée du TGV, la gare de La Part Dieu est aujourd’hui saturée. Sa fréquentation moyenne par jour avoisine les 100 000 voyageurs avec des pointes les jours de grands départs, autour de 135 000 à 150 000 passagers. Une étude, qui date de 2006, mettait déjà en évidence une expansion croissante des flux et sonnait déjà comme une mise en garde: “Nous frôlons la catastrophe! Il y aura un jour une bousculade qui précipitera des gens sur les voies!”, concède souvent Gérard Collomb, le sénateur maire de Lyon. Peu à peu, cette gare s’est transformée en pôle d’échanges multimodal offrant la possibilité d’utiliser d’autres modes de déplacement: les transports en commun urbains, la gare routière, les taxis, les parkings, les modes doux… Ce qui fait que la gare de La Part Dieu est aussi devenue un véritable carrefour. 20 000 personnes par jour fouleraient le sol de cette gare sans compter celles qui empruntent les moyens de transport. La gare routière, qui lui est contiguë, n’est pas à la hauteur du projet, elle non plus. En tout cas pas au niveau d’une gare de banlieue, et surtout pas en regard du rang que défend Lyon La Part Dieu comme première gare européenne de correspondances. Les opérateurs routiers s’en plaignent mais, là aussi, les solutions se font attendre. Pourtant, dans le domaine de l’intermodalité, Marseille Saint-Charles ou même Saint-Étienne ont réussi à présenter des solutions bien plus favorables. Et Lyon-Perrache aussi. Ce lieu, qui fut dès le milieu du XIXe siècle la première gare lyonnaise, dispose dans le centre d’échanges d’une véritable gare routière urbaine, régionale et internationale. Sauf que depuis 1983, c’est La Part Dieu qui lui a damé le leadership, à Lyon, réduisant Perrache à un rôle secondaire, puisqu’aujourd’hui cette gare n’est plus que majoritairement fréquentée par des relations TER, avec un trafic global qui se situe autour des 30 000 voyageurs quotidiens.
Des aménagements mineurs
Considérant qu’à certaines heures de la journée, la circulation des voyageurs et de leurs accompagnants est difficile en raison des attroupements devant les deux grands panneaux d’information des départs situés sur chacune des deux entrées, Vivier Merle et Villette, de la gare La Part Dieu, certains aménagements ont été décidés. Depuis peu, l’installation de 288 écrans d’information et d’orientation a été déployée à l’intérieur de la gare et sur les quais, pour pallier à la dépose du panneau “côté Villette”. Pour remédier au plus pressé, l’augmentation du nombre de TER (trois liaisons quotidiennes supplémentaires de et vers Saint-Étienne, fréquences accrues sur d’autres destinations…), au lancement des liaisons du TGV Rhin-Rhône, à partir du 11 décembre, il a été décidé l’ouverture d’un onzième quai, la voie K, qui était jusqu’alors utilisée par les trains de marchandise en transit. Une situation prenant en compte la circulation au quotidien d’environ 500 trains de voyageurs qui empruntent l’une des dix voies de la gare La Part Dieu. À ce chiffre, il convient d’ajouter le trafic des trains de marchandises qui y transitent. Ce nouveau quai aura une longueur de 400 mètres et une largeur de près de 8 mètres. Cette largeur sera réduite à 5,5 mètres aux extrémités et au niveau du franchissement de l’avenue Georges Pompidou. Le projet inclut aussi la construction de six accès, depuis le hall voyageurs (deux escaliers, un ascenseur, deux escalators et une rampe ainsi que divers aménagements habituels des quais SNCF): éclairage, marquise, équipements d’information, panneaux publicitaires, pour un budget global de 12 millions d’euros supportés par la SNCF, RFF, la région Rhône-Alpes, le Grand Lyon, le Sytral…
Des aménagements qui améliorent l’image de modernité de cette gare, la qualité de l’information, l’accessibilité des personnes à mobilité réduite mais qui ne règlent en rien le devenir de ce lieu appelé à connaître, dès le 11 décembre, une nouvelle étape dans son développement. Les réponses évoquées ici et là tournent autour de plusieurs scénarios: le délestage de trafic voyageurs vers Lyon Saint-Exupéry, la création d’une gare souterraine et d’un nouvel espace en surface… des projets lourds pour lesquels chacun apporte son lot de contestation, ce qui explique sans doute le manque de précipitation sur ce sujet qui risque de devenir bientôt brûlant.
