Analyse Revue de détail des dernières évolutions portant sur les conditions d’accès à la profession de transporteur routier de voyageurs.
UNE PART, et c’est l’objet essentiel des textes appelés “paquet routier”, la réalisation du marché intérieur du transport par route avec des conditions loyales de concurrence exige l’application uniforme de règles communes concernant l’accès à la profession de transporteur de voyageurs. Il s’agit tout à la fois d’atteindre un niveau plus élevé de qualification professionnelle pour les transporteurs par route, à rationaliser le marché, à augmenter la qualité de service, dans l’intérêt des transports par route. Une application plus homogène et effective des règles est recherchée, dans l’objectif de lutter contre ce qui nuit à l’image du secteur, par défaut de qualité ou de concurrence non maîtrisée.
D’autre part, l’accès à la profession de transport routier de voyageurs n’est pas libre. Il faut respecter un certain nombre de conditions et de garanties notamment vis-à-vis des voyageurs transportés. Ce n’est pas un sujet nouveau. Depuis les années 30, les transporteurs connaissent une réglementation contraignante d’accès. Et depuis l’adoption de la loi d’orientation des transports intérieurs (aujourd’hui le code des transports), les services réguliers qu’ils étaient amenés à exécuter ont été sortis du champ de la libre concurrence pour être soumis au système de la concurrence régulée (par une procédure de mise en concurrence et le contrat qui la conclue). La concurrence pour le marché, à travers des appels d’offres lancés par les collectivités locales, a remplacé la concurrence sur le marché. Les servitudes qu’ils supportent sont des obligations de service public susceptibles de faire l’objet de compensations publiques. Le règlement sur les obligations de service public en détermine les principes fondamentaux, autour de l’interdiction de surcompenser ou de sous compenser lesdites obligations. Afin de ne pas fausser la concurrence ou de la tuer en ne compensant pas les charges supportées par le transporteur en application du contrat qui le lie à la collectivité locale.
Le paquet routier européen est constitué notamment par le règlement no 1071/2009 du 21 octobre 2009 concernant l’exercice de la profession de transporteur par route
L’exercice de la profession n’est pas libre; il est soumis à des conditions que l’entreprise doit respecter tout au long de son exercice. L’exercice de la profession de transporteur se fait sur la base d’une autorisation, décision administrative qui autorise une entreprise à exercer l’activité de transporteur par route. Elle peut être suspendue ou retirée lorsque l’entreprise ne remplit plus les conditions nécessaires à l’exercice de l’activité de transport. Ces conditions sont de plusieurs ordres. Nous retiendrons le volet fiscal, très important.
En cas de non-transmission des liasses fiscales, il avait été initialement prévu que le préfet, après mise en demeure, prononce le retrait de l’autorisation. Cette mesure allant au-delà du principe de proportionnalité, le Conseil d’État, saisi pour avis, a substitué au retrait de l’autorisation la faculté pour le préfet de suspendre l’autorisation d’exercer la profession de transporteur routier (se référer à l’article 6-1V dans l’article I du décret).
Le règlement no 1071/2009 introduit une nouvelle condition à remplir pour l’accès à la profession, à savoir celle d’établissement, en plus de l’honorabilité professionnelle, de la capacité financière et de la capacité professionnelle. Cette nouvelle condition prévoit l’obligation, pour chaque entreprise de transport routier inscrite au registre des transporteurs tenu par le préfet de la région concernée (Dreal), de disposer en France d’un local administratif contenant l’ensemble des documents devant être présentés lors d’un contrôle en entreprise. L’entreprise doit être établie de façon stable et effective dans un État membre, ce qui signifie notamment qu’elle y dispose d’un établissement dans lequel sont conservés ses documents d’entreprise. Cela impose par conséquent pour chaque entreprise de transport routier inscrite au registre des transporteurs de disposer en France: d’un local administratif contenant l’ensemble des documents devant être présentés lors d’un contrôle en entreprise; des équipements et des installations techniques appropriés. Dans quel détail faut-il rentrer pour établir le caractère effectif de l’établissement? La référence à des possibilités de stationnement en rapport avec le nombre de véhicules utilisés par l’entreprise et des moyens adaptés à leur entretien courant qui avait été imaginé dans un premier temps a été supprimée du projet de texte.
Certaines sanctions pouvant priver l’exploitant de son autorisation sont laissées à l’appréciation du préfet de région après discussion dans une commission. Il ne s’agit pas de refaire un procès mais il est important de respecter le principe du contradictoire. Dans ce cadre, on imagine mal que l’exploitant ne soit pas entendu par cette commission. Par ailleurs, il faudrait établir les critères permettant de guider la réflexion de la commission ou du préfet. Enfin, pour les infractions les moins graves, la mesure ne devrait être possible qu’à partir de la récidive, privilégiant de ce fait des mesures éducatives. Le projet de circulaire prévoyait que les procédures d’interdiction ou de sanction reposent sur un “ciblage” des entreprises commettant les infractions. Or cela pouvait donner lieu à des interprétations aléatoires ou non objectives. Les services du ministère ont modifié la rédaction de la circulaire: “Il convient donc de se concentrer sur les entreprises dont le comportement infractionniste est récurrent et qui, de ce fait, exercent une concurrence déloyale au détriment de celles qui sont respectueuses des réglementations relatives au transport.”
Il existe déjà des règles pour l’obtention de marchés publics, si elles n’aggravent pas les possibilités d’accès à la profession, on devrait s’en tenir. Il est à noter que le coût de la certification des comptes par un expert comptable risque de grever le budget de très petites entreprises. Après débat et saisine du Conseil d’État, la garantie bancaire est maintenue à 50 % de la capacité financière exigible.
Les éléments pris en compte pour la détermination du montant de la capacité financière exigible étant les titres de transport demandés par l’entreprise, ainsi que le nombre de copies conformes et non plus le nombre de véhicules. À cette fin, une fiche de renseignements (fiche no 10 figurant dans la circulaire) a été créée par le ministère, laquelle devrait permettre d’actualiser les données. Il serait souhaitable que la profession obtienne des précisions quant à l’organe qui sera chargé de ce suivi et la méthode de comptabilisation qui sera employée.
La professionnalisation est une garantie majeure pour le voyageur. Il n’est donc pas étonnant que des dispositions aient été prises en la matière, en concertation avec la profession. Par rapport au projet d’arrêté relatif à la délivrance des attestations de capacité professionnelle permettant l’exercice de la profession de transporteur public routier, il avait été souligné auprès de l’État que le rythme “annuel” des examens relatifs à l’obtention de l’attestation de capacité professionnelle n’était pas suffisant, compte tenu de l’importance de l’activité des transporteurs et de la nécessité de pouvoir opérer dans les meilleurs délais auprès des clients. Il avait été également demandé à ce que les autorités ministérielles s’engagent sur un nombre plus important de sessions d’examen.
La référence à un rythme “annuel” des examens a été supprimée (article 4 du projet d’arrêté). À l’article 7 du même projet d’arrêté et dans la circulaire, il convient de remplacer les 140 h et 105 h de formation par 136 h pour le TRV et 101 h pour le TRM et ne pas oublier l’examen de 4 h. En outre, la modification faite à l’article 7 II revient à ne plus autoriser le candidat à passer l’examen, dès la première fois, dans un centre autre que celui au sein duquel il a suivi sa formation.
Le projet d’arrêté prévoit également les diplômes, titres et certificats permettant la délivrance directe des attestations de capacité professionnelle en vue d’exercer la profession de transporteur public routier.
Le règlement no 1071/2009 impose que chaque entreprise emploie un gestionnaire de transport, c’est-à-dire une personne physique titulaire de l’attestation de capacité professionnelle qui assume la direction permanente et effective de l’activité de transport de l’entreprise. La dérogation concernant les attestataires de capacité dans les groupes d’entreprises sera donc supprimée. En conséquence, l’ensemble des filiales de transport d’une entreprise devront satisfaire à la condition de capacité professionnelle en ayant au sein de leur personnel ou de leur direction un gestionnaire de transport. Il ne sera plus possible d’admettre qu’un attestataire de capacité de la maison mère soit en même temps attestataire de capacité dans chacune des filiales.
L’entreprise doit désigner un gestionnaire de transport qui satisfait aux conditions d’honorabilité et de capacité professionnelle, et qui a la charge de diriger de façon effective et permanente l’activité de transport de l’entreprise. Dans sa dernière version, le projet d’arrêté mentionne que la personne qui est gestionnaire de transport est mentionnée au registre électronique national des entreprises de transport par route prévu par l’article 3 des décrets du 16 août 1985 et 30 août 1999 (article 1). À l’article 2 du projet d’arrêté, une précision a été apportée par rapport à l’ancienne version concernant le gestionnaire dans une entreprise individuelle. Le projet d’arrêté prend en considération les entreprises à caractère familial précisant que lorsque ces dernières utilisent au maximum cinq véhicules, la direction permanente et effective de l’entreprise est considérée comme satisfaite par un gestionnaire de transport conjoint ou ayant un lien de parenté direct avec le responsable légal, lequel peut ne pas travailler à plein temps dans celle-ci. Le paragraphe sur le gestionnaire de transport non salarié de l’entreprise a été réécrit (article 2 c).
On s’interroge sur l’article 3 par rapport au responsable légal qui confie à une personne physique les missions de gestionnaire de transport. À l’article 4, la version initiale prévoyait: “lorsque le gestionnaire de transport ne réside pas sur le lieu de l’entreprise” a été remplacée par une rédaction plus générale et contraignante pour l’ensemble des entreprises: “Chaque entreprise fournit tous les éléments relatifs à son organisation et aux outils informatiques dont elle dispose qui permettent à l’administration de vérifier que le gestionnaire qui lui est affecté, en particulier eu égard à son lieu de résidence, possède les moyens d’intervenir à tout moment et d’assurer réellement et en permanence les missions prévues à l’article 1er du présent arrêté, malgré son éloignement.” Cette obligation ne devrait, pourtant, trouver à s’appliquer que lorsque le gestionnaire ne réside pas à proximité de l’entreprise (hors département ou département limitrophe, par exemple).
Le gestionnaire salarié à mi-temps a été remplacé par le gestionnaire salarié à temps partiel (article 2 du projet d’arrêté). Il n’est plus fait référence uniquement au nombre de véhicules dans l’entreprise qui dans la précédente version était de dix véhicules, mais au caractère familial de l’entreprise et à l’utilisation au maximum cinq véhicules (lire la circulaire).
Bien qu’une partie de la circulaire se rapporte aux groupes et filiales d’entreprises, le paragraphe relatif aux entreprises structurées juridiquement comme un groupe a également été maintenu à la demande du secteur des marchandises. En outre, un nouveau paragraphe a aussi été inséré. Il concerne le gestionnaire de transport dans les coopératives d’entreprises de transport.
Trois règlements constituant le “paquet routier” ont été publiés au Journal officiel de l’Union européenne du 14 novembre 2009:
Règlement (CE) no 1071/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes sur les conditions à respecter pour exercer la profession de transporteur par route, et abrogeant la directive 96/26/CE du Conseil. Règlement (CE) no 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l’accès au marché du transport international de marchandises par route (ce texte est applicable à partir du 4 décembre 2011, à l’exception des articles 8 et 9 (cabotage) qui sont applicables à partir du 14 mai 2010). Règlement (CE) no 1073/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l’accès au marché international des services de transport par autocars et autobus, et modifiant le règlement (CE) no 561/2006: ce texte est applicable à partir du 4 décembre 2011, à l’exception de l’article 29 (modification du règlement (CE) no 561/2006) qui est applicable à partir du 4 juin 2010.
L’article L 3113-2 du Code des transports (Créé par la loi no 2011-12 du 5 janvier 2011 – art. 10) prévoit que: un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du règlement (CE) no 1071/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes sur les conditions à respecter pour exercer la profession de transporteur par route, et abrogeant la directive 96/26/CE du Conseil.
L’article 13 du règlement no 1071/2009 prévoit que les entreprises ont un délai de six mois pour régulariser leur situation lorsque l’une des conditions d’exercice de la profession n’est plus remplie.
En conséquence, les entreprises inscrites au registre des transporteurs le 4 décembre 2011 disposent d’un délai expirant le 3 juin 2012 pour se mettre en conformité avec la nouvelle réglementation, en particulier pour ce qui concerne la condition d’établissement et celle relative au gestionnaire de transport. Des informations complémentaires sur l’application du paquet routier peuvent être obtenues sur le site du ministère chargé des transports en vous connectant sur: www.developpement-durable.gouv.fr/-Paquet-routier-.html
