Newsletter S'inscrire à notre newsletter

Magazine

Hausse de la TVA Coup dur pour les transporteurs

Image

Hausse de la TVA Coup dur pour les transporteurs

Crédit photo Xavier Renard

Fiscalité Le 7 novembre, le Premier ministre François Fillon annonçait une série de mesures pour rétablir l’équilibre des finances publiques. L’une d’elles touche les entreprises de transports de voyageurs qui devront s’acquitter d’une TVA à taux réduit en augmentation de 1,5 %. Un coup dur pour une activité à "faible marge".

POLITIQUE de rigueur oblige et volonté de satisfaire aux critères exigeants des agences de notation, la France a un besoin impérieux de faire rentrer de l’argent frais dans ses caisses. C’est dans cette logique que le régime de TVA à taux réduit est passé de 5,5 à 7 %. Malgré cette hausse, la France reste dans la moyenne européenne: au niveau de l’Allemagne, en dessous des taux appliqués en Italie (10 %), en Espagne (10 %) et en Grèce (13 %) – trois pays durement touchés par la crise de la dette – mais au-dessus de la Belgique (6 %) et du Royaume-Uni, qui ne prélève aucune TVA.

Les entreprises de transport public de voyageurs ont espéré, l’espace de quelques jours, profiter de l’effet Grenelle de l’environnement pour échapper à une telle mesure. Il n’en sera rien. Elles seront assujetties au même traitement que les autres. À la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), Éric Ritter, le secrétaire général, regrette que les “débats parlementaires n’aient pu infléchir cette décision brutale qui impactera les transports scolaires et les transports collectifs en général.” À l’unisson avec la FNTV, l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP) a tout orchestré pour faire reculer le gouvernement. Cosigné par le Groupement des autorités responsables des transports (Gart), un courrier a été adressé à François Fillon pour lui demander de faire machine arrière. Car, en définitive, cette mesure va porter atteinte “aux plus modestes”, redoute Bruno Gazeau, son délégué général. Dans le sillage de ces grandes organisations professionnelles, la Fnaut (Fédération nationale des associations d’usagers des transports) a regretté que la mobilité individuelle ait été privilégiée au détriment des transports collectifs.

L’impact de la mesure

Selon le Gart et l’UTP, le coût de cette hausse sera “d’environ 84 millions d’euros au niveau national dans le secteur des transports publics de voyageurs.” Les deux institutions estiment par ailleurs à 33 millions d’euros l’impact financier d’une TVA à 7 % sur les billets de TER, dont la charge sera portée par les conseils régionaux.

Au fond, ce qui dérange la FNTV, c’est que les transports n’ont pas été reconnus comme un “service de première nécessité, comme les cantines scolaires qui ont gardé une TVA à 5,5 %.” Pour Éric Ritter, cette mesure tourne le dos “à une logique de développement durable et social.” C’est d’autant plus incompréhensible – sinon “stupéfiant” – que “la TVA pour les pesticides est maintenue au niveau réduit de 5,5 %.” Tous les réseaux sont concernés – bus, métro, TER, tramway. À Paris, au 1er janvier, le réseau de la RATP a, par exemple, réévalué le prix du billet de 1,5 %, à 1,27 euro. Selon le Syndicat des transports d’Île-de-France (Stif), le gouvernement est le seul responsable “de cette hausse exceptionnelle” qui touche toutes les catégories d’usagers, y compris les chômeurs mais également les bénéficiaires de la CMU.

Une envolée du niveau d’endettement des collectivités locales

Outre le coût social porté par les usagers mais aussi – et surtout – par les contribuables, les autorités organisatrices de transport s’apprêtent à subir un énième transfert de charges. L’UTP considère que ce surcoût va, de fait, “se solder par un transfert du déficit de l’État vers les collectivités locales.” Car il est peu probable que la majorité des collectivités locales répercute cette hausse sur les tarifs en vigueur; les politiques étant résolument axées sur des prix bas (1 ou 2 euros par trajet) pour inciter la population à circuler en transport collectif. Mais si d’aventure, la hausse était totalement intégrée dans le prix de vente, cette nouvelle politique tarifaire viendrait alors “contrecarrer la politique des autorités organisatrices de transport qui devront donc faire appel à d’autres financements, dont l’emprunt.” Du côté du Gart et de l’UTP, la mesure est une très mauvaise nouvelle pour les finances publiques locales. Compte tenu de l’impossibilité d’obtenir l’équilibre financier avec les seules recettes commerciales et le versement transport, cette mesure “va mécaniquement renforcer l’endettement des départements et des régions.” Pour la FNTV, “le coup est d’autant plus rude, que le taux de couverture des dépenses par les recettes ne cesse de diminuer.

Les entreprises sont pour Michel Seyt, le président de la FNTV, soumises à une “pression des coûts qui va devenir difficile à supporter.” La hausse de la TVA n’est pas le seul motif d’inquiétude de la profession: l’inflation galopante des prix des carburants et des coûts fixes en général pénalise sérieusement un secteur qui présente, a priori, tous les gages requis pour un développement durable.

Unanimité du secteur

Dans cet épineux dossier, les entreprises et les collectivités territoriales parlent d’une seule et même voix. C’est la raison pour laquelle au Parlement, de nombreux élus de tous bords ont été entendus pour dénoncer un projet de loi qui irait à l’encontre de l’esprit du Grenelle de l’environnement. Dès la publication du Projet de loi de finance 2011, la FNTV s’est rapprochée de parlementaires. Charles de Courson (UMP), Philippe Duron (PS), Gilles Carrez (UMP), Nicole Bricq (PS) ont notamment transmis des amendements afin que les transports soient exclus de ce nouveau barème de TVA. Au PS, Najat Belkacem-Vallaud, porte-parole du PS, n’a pas de mots assez durs, dans un contexte de réflexion sur la TVA sociale, contre une inflation galopante sur les produits de première nécessité: “Les derniers chiffres de l’inflation publiés par l’Insee montrent que les prix à la consommation ont encore augmenté de 0,4 % au cours du mois de décembre. Ces chiffres sont d’autant plus inquiétants que l’inflation atteint ainsi son plus haut niveau depuis trois ans, à 2,5 %. Les chiffres dévoilés par l’Insee apportent la preuve formelle que le pouvoir d’achat des classes moyennes se réduit de jour en jour. Tous les secteurs sont touchés – y compris les transports!” Depuis que le texte a été voté, certains élus de terrain, à l’image de Jean-Paul Bachy, président du conseil régional de Champagne-Ardenne, ont indiqué dans la presse qu’ils allaient intervenir auprès de Thierry Mariani, le secrétaire d’État aux transports pour que cette augmentation ne soit pas répercutée dans ce secteur clé des économies locales. À la FNTV, Éric Ritter ne croit “guère que de telles initiatives permettent un retournement de situation”. Chacun semble résigné à devoir trouver d’autres solutions pour que cette mesure soit la “plus indolore” possible. “Le coup est rude mais la profession place désormais son énergie sur d’autres dossiers tout aussi sensibles. Les motifs d’espoir existent”, promet Michel Seyt, qui vient d’être réélu à la tête de la FNTV. En multipliant les préconisations et les propositions en faveur du développement des lignes nationales par autocar, l’UTP et la FNTV – au sein de l’Apam, l’association qui les regroupe –, espèrent qu’une loi sortira bientôt du Parlement. “Nous sommes à l’aube d’une période qui devrait voir l’ouverture des lignes régulières nationales ou interrégionales. Nous allons multiplier les interventions, les communications pour inciter le gouvernement à faire vite”, annonce-t-il. Si la profession obtenait rapidement gain de cause, le mauvais coup porté sur les trésoreries par la hausse de la TVA sera plus facile à encaisser. Quoi qu’on fasse, rappelle-t-il, “l’autocar a de fait toute sa place dans la chaîne des déplacements.

Si la décision semble irrévocable, il demeure quelques points cruciaux à déterminer. Ainsi, par exemple, cette hausse sera-t-elle réellement appliquée aux transports des handicapés? A priori, oui, mais il n’est pas exclu que les associations montent au créneau, ce qui pourrait inciter le gouvernement à faire un geste.

EXPRESS

Nouvelle-Calédonie

CARSUD SIGNE UN ACCORD DE PRÉVENTION DES CONFLITS

Après une recrudescence des conflits sociaux au cours des cinq dernières années, la direction de Carsud et les trois syndicats les plus représentatifs de l’entreprise, l’Usoenc, l’USTKE et la CFE-CGC, ont signé un accord-cadre sur la prévention des conflits le 3 janvier 2012. Objectif: instaurer une procédure de prévention des conflits encourageant un dialogue social permanent. Dans les faits, cet accord institue la primauté de la négociation et de la médiation en cas de troubles, l’instauration d’un service minimum en cas de grève, un système de primes d’intéressement et des objectifs de performances. En parallèle, il réitère la garantie du droit de grève tout en considérant son recours comme un constat d’échec des discussions en amont. Enfin, ce nouveau dispositif prévoit la mise en place d’un système de "veille sociale" dont le rôle est de détecter les malaises des 96 salariés suffisamment tôt.

WEB

UN SITE POUR LES TRANSPORTS FRANCILIENS

Concurrençant la RATP et son site ratp.fr, le Syndicat des transports en Île-de-France (Stif) a lancé Vianavigo, un site d’information dédié aux déplacements franciliens. Regroupant les informations de 74 entreprises de transports d’Île-de-France, Vianavigo a fait son apparition sur la toile fin décembre sous l’impulsion du Stif. Application concrète des orientations majeures du Schéma directeur de l’information voyageur (SDIV), adopté par le Conseil du Stif en 2007, ce site remplace donc Transport-idf.com qui n’est pas parvenu à tirer son épingle du jeu face au site de la RATP. Pour marquer la différence, les informations délivrées aux internautes seront actualisées au fur et à mesure de la révision du Plan de déplacements urbains (PDU) régional. Autre spécificité de ce site: une recherche d’itinéraire qui s’appuie sur un nouveau plan des transports en commun réalisé par le Stif et réunissant tous les modes de transport (train, bus Mobilien, bus Express, TZen, tramway, métro, RER). Ce nouveau plan sera déployé progressivement et affiché sur l’ensemble du réseau.

Nantes et Le Mans, vers un prix du ticket en hausse

Si toutes les autorités organisatrices des transports ne répercutent pas cette augmentation de la TVA de manière uniforme, dans les Pays de la Loire, les réseaux du Mans et de Nantes ont déjà pris la décision de revoir leurs prix. A Nantes, c’est chose faite depuis le 1er janvier, au Mans ce sera le cas au 1er février.

À Nantes, par exemple, le ticket à l’unité, à 1,50 euro, le plus cher dans la région, n’augmente pas.

Mais les abonnements mensuels et annuels tiennent compte de cette augmentation.

Au Mans, les abonnements scolaires seront moins touchés que les abonnements travail.

Pour les réseaux voisins qui ont fait le choix de ne pas appliquer l’augmentation de la TVA, ce sont les contribuables qui mettront la main à la poche.

Le taux de recouvrement, c’est-à-dire le rapport entre le coût réel du transport et la part payée par le voyageur va baisser: de 40 % pour le réseau d’Angers, 17 % pour celui de Laval, par exemple.

Un guide méthodologique édité par la FNTV

La FNTV a créé un outil pédagogique pour aider ses adhérents. D’après Éric Ritter, le secrétaire général de la fédération, "ce support d’aide à la négociation poursuit deux objectifs: détailler les conséquences engendrées par l’entrée en vigueur de la hausse du régime de TVA à taux réduit selon les types de contrats signés, et fournir les bases juridiques nécessaires pour les futures négociations avec les AOT." Un support pratique qui apporte des réponses à chaque forme de contractualisation (lire l’interview ci-contre).

"Une mesure difficile à accepter

Jean-Pierre Philibert (notre photo) est le directeur du Pôle Alpes Dauphiné de Veolia Transdev. Avec 1 500 salariés et un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros, cet opérateur de transport pourrait avoir des difficultés à supporter seul la nouvelle mesure gouvernementale concernant la hausse de la TVA.

Comprenez-vous que le gouvernement soit contraint de procéder à de tels ajustements?

Cela est compréhensible au sens de l’intérêt général. En revanche, pour notre secteur, cette mesure est difficile à accepter. Au titre de la politique de développement durable et de la promotion des transports publics, nous aurions pu attendre que le taux de la TVA dans notre secteur ait été maintenu à 5,5 %. Nous n’avons pas été entendus. Pas plus que les élus locaux qui sont montés au créneau. C’est regrettable parce que la mesure a été prise précipitamment. Il s’agit maintenant de traiter les conséquences.

Qu’est-ce que la hausse de la TVA va changer pour les entreprises comme la vôtre?

C’est un sujet complexe notamment dans le transport interurbain. Pour nos clients privés, ce sera relativement simple au plan administratif et financier. Il suffira de changer le taux de TVA sur la facture finale. Nos clients ont été avertis comme il se doit. Reste à savoir si chaque entreprise de transport répercutera cette hausse. De ce point de vue, nous serons très attentifs au comportement de nos concurrents. Quant à nous, nous appliquerons cette augmentation. Nous sommes sur des métiers où les marges sont très faibles (entre 2 et 5 %). Or, avec l’envolée des prix du carburant, nous ne pouvons nous permettre de faire autrement. Concernant les contrats avec les autorités organisatrices de transport, il faut faire la distinction entre les marchés publics et les délégations de service public (DSP). Dans le premier cas, les factures de prestation pour le transport scolaire ou les lignes régulières intégreront le nouveau montant de la TVA. C’est assez simple même s’il y aura des difficultés ici ou là selon les types de contrat. Cela se complique avec les DSP. Notre rémunération dépend d’une contribution forfaitaire, seule, ou couplée avec des recettes directes. C’est là que le problème devient beaucoup plus complexe. L’opérateur de transport n’est pas maître des tarifs. Ce sont les autorités organisatrices de transport qui fixent les prix. Si elles décidaient de ne pas changer les prix – ce qui est le cas dans beaucoup d’endroits –, alors nous serions pénalisés. En gros, nous subissons – l’expression est à peine exagérée – une sorte de double peine. Les opérateurs de transport supportent la hausse de la TVA sans avoir le pouvoir d’agir sur les prix. Des négociations ont déjà été ouvertes là où le problème se pose.

Concrètement, pour vous, qu’est-ce que cela a changé?

En Isère, nous n’aurons pas de problème particulier puisque nous sommes en marché public. De fait, nous allons réajuster nos tarifs sur la facture adressée à l’autorité organisatrice de transport. En Savoie et en Haute-Savoie, nous avons entamé des discussions qui vont reprendre fin janvier. Une part de notre rémunération dépend des recettes directes. Nous attendons donc du département une prise en compte de l’écart de la TVA. Le manque à gagner se chiffre à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Avec un taux de marge de 2,5 %, cette hausse de 1,42 %, si elle n’était pas compensée, serait difficile à supporter. Ce ne sera pas neutre même si, soyons honnêtes, cela ne concerne qu’une part de notre activité.

Est-ce que cette mesure peut avoir des conséquences indirectes sur les négociations salariales à moyen terme voire sur l’emploi?

Sur l’emploi, la réponse est non. Sur le reste, cela peut jouer mais il n’y aura pas d’effets prégnants sur les aspects d’évolution salariale. Cette mesure est un élément de pression supplémentaire pour tout le monde: les entreprises, les collectivités territoriales et donc les citoyens. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que ce ne sera pas uniquement le consommateur final qui va être touché; le contribuable le sera aussi.

Propos recueillis par Xavier Renard

Retour au sommaire

Auteur

  • Xavier Renard
Div qui contient le message d'alerte

Envoyer l'article par mail

Mauvais format Mauvais format

captcha
Recopiez ci-dessous le texte apparaissant dans l'image
Mauvais format

Div qui contient le message d'alerte

Contacter la rédaction

Mauvais format Texte obligatoire

Nombre de caractères restant à saisir :

captcha
Recopiez ci-dessous le texte apparaissant dans l'image
Mauvais format