Sur le vif Après les vélos en libre-service, voici l’automobile partagée avec Autolib’ et la BlueCar, 100 % électrique, qui roule pour Paris et 45 communes. Un sacré enjeu industriel pour le groupe Bolloré.
ATTENTION, un buzz médiatique peut cacher une stratégie bien plus offensive. C’est le cas d’Autolib’ qui, au-delà d’être un coup de pub génial pour la Ville de Paris, représente un véritable enjeu industriel pour le groupe Bolloré. D’après Julien Varin, directeur de la communication d’Autolib’, “le coût du programme est de 1,5 milliard d’euros!”
Pour le moment, Autolib’ est un succès: “On a plus de clients qu’attendus”, déclare le porte-parole de la filiale du groupe Bolloré et “les points d’étape avec la Ville de Paris concernant la livraison des véhicules avec la mise en place des stations sont respectés.” En janvier 2012, on recense 350 BlueCar en circulation (contre 250 le 5 décembre 2011) et elles devraient être 1 740 en juin avant d’être au nombre de 3000 en décembre 2012. Pour l’usine Pininfarina sise près de Turin (Italie), l’enjeu est également important: “Toute la production de BlueCar, soit 250 à 300 autos par mois, est aujourd’hui réservée à Autolib’”, explique Julien Varin. Quid de la fourniture du composant clé? La fameuse batterie lithium-métal-polymère développée par Bolloré et produite par la filiale Batscap. “Aujourd’hui, il n’y a pas de goulet d’étranglement avec les usines du Canada et de Bretagne”, déclare, rassurant, Julien Varin.
Autolib’ est une carte de visite emblématique pour le groupe Bolloré qui entend bien, à terme, proposer Autolib’ et la BlueCar ailleurs en France mais aussi à l’étranger. “Autolib’ suscite beaucoup d’intérêt. On est énormément regardé depuis l’étranger. On discute avec d’autres collectivités. Dès aujourd’hui, on a les capacités de production pour étendre le concept”, raconte Julien Varin. Avec le montant de l’investissement initial, nul doute qu’il faut impérativement trouver d’autres débouchés en dehors de Paris pour rentabiliser le projet. Pour la Ville de Paris, c’est aussi un pari politique: depuis plus de dix ans maintenant, elle a dissuadé l’usage et la possession d’automobiles par les particuliers sous un angle restrictif et coercitif. Autolib’ est un enjeu médiatique mais aussi une vraie alternative “positive” pour l’usage de l’automobile en ville. L’ampleur du projet est colossale: 46 communes sont concernées. Avec tous les problèmes de mise en place et de répartition des véhicules que cela va induire. Pour l’implantation des stations, ce sont les collectivités qui proposent à Autolib’, délégataire du service, les emplacements. La société se chargeant ensuite de faire son choix et d’appeler ses sous-traitants (Colas, par exemple pour le génie civil). Une station Autolib’ requiert fondamentalement trois choses: de l’espace foncier, de l’énergie électrique et une liaison internet. Pour le foncier, Autolib’ est sous le régime de la concession d’occupation du domaine public pour les stations en surface. Pour les parkings souterrains concédés, Autolib’ paye une redevance en fonction de la superficie. Il existe trois formes de stations: celles avec abri, permettant l’émission des badges; les stations de pose-dépose avec 4 ou 5 places et les parkings souterrains comprenant 10 emplacements. Outre les abris, il existe une agence commerciale Autolib’ située rue Edouard VII dans le IXe arrondissement de Paris. Le temps d’édition d’un badge est compris entre huit et dix minutes. La recharge est exclusivement filaire, et conditionne d’ailleurs le début et la fin de la facturation. Car ici il convient de brancher à chaque fois le véhicule lors de la restitution. Le “plein” est ainsi assuré. Cette méthode exploite une particularité des batteries Batscap LMP: elles sont en mesure de supporter le “biberonnage”, mode de charge habituellement dommageable aux performances des accumulateurs. Des batteries LMP qui équipent aussi les Microbus Gruau. Dans la BlueCar, il n’y a qu’un seul pack contre trois dans le Microbus.
Avec l’extension géographique du service, et l’augmentation du nombre d’autos, la répartition va devenir alors un enjeu opérationnel important. Julien Varin en est conscient. “On apprend en continu”, avoue-t-il. Pour la répartition des autos sur les stations, cela se fait la nuit avec nos ambassadeurs (le personnel d’accueil qui peut aussi avoir un rôle de jockey, ndlr). C’est une réponse individuelle.” Aujourd’hui, il y a 350 personnes chargées d’informer et de guider les utilisateurs mais aussi d’assurer l’entretien, le nettoyage courant des autos voire leur répartition. “À terme, c’est 800 personnes sur le terrain pour un effectif global de 1 200 salariés pour Autolib”, se réjouit Julien Varin. Tout le suivi commercial, la gestion de la facturation, l’assistance client et l’entretien des autos sont effectués à Vaucresson (92). Les stations, mais aussi les autos sont en liaison avec ce centre d’appel et de suivi. Les autos sont elle-même suivies par GPS. Car elles n’ont pas le droit, dans le cadre du service, de sortir du périmètre de l’Île-de-France. La communication radio est bidirectionnelle puisque le client peut aussi appeler le centre de Vaucresson, par exemple pour se renseigner sur l’utilisation de certaines fonctionnalités de l’auto ou pour signaler tout problème (nettoyage, incident). Ce centre de Vaucresson fonctionne avec, en permanence, 30 personnes pour la “relation client” (l’effectif total est de 50 personnes pour ce service).
Avec l’engouement des quotidiens et de la télévision pour ce projet révolutionnaire, Autolib’ n’a pas eu besoin de faire de la publicité. La Mairie de Paris assure de son côté le relais via l’affichage et les journaux municipaux. Le lancement commercial s’est donc fait sans aucun achat d’espace. Le bouche à oreille et le site internet dédié sont les seuls autres outils de communication utilisés.
Nul doute que les vraies épreuves du feu seront lorsque les 1 100 stations seront opérationnelles fin juin 2012 et qu’il y aura une grève à la RATP! On verra alors de quoi sont capables les serveurs d’Autolib’. N’oublions pas que c’est lors des grèves aux TCL ou lors d’évènements festifs comme la Fête des lumières que le service Vélov’ de Lyon est le plus sollicité!
EXIT LE TRAMWAY SUR PNEUS
Le temps de Twisto, le tramway sur pneus de Caen, sera bientôt révolu. En effet, Viacités, le syndicat mixte des transports de l’agglomération de Caen, a voté fin décembre 2011 l’arrêt anticipé de ce type de Transport sur voie réservée (TVR) pour 2016. Initialement, celui-ci, qui avait été mis en service en 2002, devait circuler jusqu’en 2032. À la place, un tramway sur fer le remplacera dès 2018 pour un coût de 170 millions d’euros. La raison d’un tel abandon? Twisto, conçu par la compagnie Bombardier Crespin, n’a semble-t-il pas rempli ses engagements. Les pannes à répétition (entraînant des coûts importants de maintenance) et la fréquentation en baisse des usagers (43 000 en 2009 contre 40 000 en 2011), ont eu raison de ce procédé innovant.
UN NOUVEL OUTIL PARTICIPATIF
Si l’application FixMyStreet a permis de résoudre 25 000 problèmes de dysfonctionnements rencontrés dans l’espace public et compte déjà plusieurs dérivés à son actif, dont l’application Léon adoptée il y a un an dans les villes de Paris et Mérignac, c’est au tour des transports de passer entre les griffes de l’open source participative. Face au succès rencontré par cette première initiative, l’association a décidé de s’attaquer au transport. En effet, depuis plusieurs semaines, FixMyStreet permet de signaler, via une simple page web, tous les problèmes qui affecteraient une gare, une ligne ou plus généralement la circulation sur le réseau. Objectif: donner de la visibilité à divers désagréments comme des horaires non respectés, des distributeurs de tickets en panne, des abris de bus dégradés ou des sièges de métro sales afin d’en accélérer leur résolution.
KEOLIS VA EXPLOITER LE RESEAU DE METZ
Depuis le 1er janvier, c’est Keolis qui gère le réseau de transport urbain de l’agglomération de Metz. Le groupe a en effet signé le 23 décembre 2011 le contrat de délégation de service public qui lui permettra d’exploiter le réseau pour douze ans et de générer un chiffre d’affaires de 520 millions d’euros. La gestion des services se fera par le biais d’une société d’économie mixte.
Le contrat, conclu dans le cadre du projet Mettis destiné à faire face à l’extension de l’agglomération messine, consiste notamment en la mise en œuvre de deux lignes de transport en commun en site propre (TCSP), la réorganisation du réseau de bus actuel autour du TCSP, ainsi que la création d’un nouveau centre de maintenance. Pour être choisi, le groupe s’est entre autres “engagé à augmenter le trafic (+ 55 % sur douze ans) via une politique commerciale dynamique” et à partir à “la conquête de nouveaux clients”, précise un communiqué.
Les taxis font la moue devant ce qu’ils estiment être une nouvelle forme de concurrence. L’air est connu et a déjà été entendu lors de la création du service Vélov’ à Lyon. C’est vrai que le coût de location d’Autolib’ est compétitif face à une course de taxi. Julien Varin désamorce immédiatement la polémique: "Aujourd’hui, la relation avec les taxis est aussi un enjeu. Notre service n’est pas concurrent, il est complémentaire", tout en ajoutant quand même "mais si cela amène les taxis à reconsidérer leurs pratiques commerciales, leur notion de l’accueil, cela ne peut être que bien pour les touristes et les clients." Dans les faits et avec le recul du temps, les vélos en libre-service n’ont pas détrôné les taxis. Mais l’arrivée d’Autolib’ peut justifier une réflexion sur leur rôle et leur intégration dans l’offre de transport public en centre-ville. La balle est dans le camp des autorités organisatrices et des municipalités.
Outre l’intendance et l’appui de la Ville de Paris, il est un autre élément clé du programme Autolib’: la voiture électrique BlueCar. Ce véhicule compact de 3,65 m de long fait d’aluminium et de matériaux composites (donc insensible à la corrosion), également développé par Bolloré avec l’aide de l’italien Pininfarina, est une exclusivité. Rappelons que Pininfarina avait repris en 2002 nombre d’anciens ingénieurs de Matra Automobiles lors du sabordage de la firme par Lagardère. Matra Automobiles avait étudié nombre de véhicules électriques et urbains. Si Autolib’ est prévu pour une délégation de service public de douze ans, la durée de vie des autos sera plus courte. Elle n’est pas encore vraiment connue ni même estimée. Ce qu’Autolib’ affirme aujourd’hui c’est que les BlueCar qui auront effectué le service pour la Mairie de Paris ne seront pas revendues d’occasion. Seules les batteries sont vraiment maîtrisées: l’autonomie de l’auto va de 150 à 250 km suivant l’usage et la durabilité des accumulateurs est de 2000 cycles sur leur première vie (traction automobile). Les batteries LMP peuvent ensuite être reconditionnées pour des usages stationnaires (stockage d’énergie).
Dans le monde de l’auto en libre-service, deux prestataires affichent de grandes ambitions. Car2Go a l’avantage de l’antériorité, Autolib’ celui de l’innovation conceptuelle. Parmi les points communs signalons que Car2Go et Autolib’ sont des filiales à 100 % de leurs maisons mères respectives (Daimler pour Car2Co, Bolloré pour Autolib’). Autre point commun: l’idée de mettre en libre-service des automobiles avec juste comme documents une pièce d’identité, un permis de conduire et une carte bancaire. Mais les similitudes s’arrêtent là. Pour Autolib’ le système repose sur des stations de pose-dépose des autos alors que Car2Go laisse les autos sur des emplacements libres (matérialisés ou non). Une vraie souplesse pour l’utilisateur mais un vrai problème pour certains cas de figure tels que les parkings d’aéroports ou de gares. "Pour les parkings concédés, il faut des accords cadre", explique Olivier Amélineau chargé de la communication institutionnelle de Mercedes-Benz France. À moins qu’un accord soit trouvé avec Europcar, partenaire opérationnel du programme Car2Go… La localisation des autos se fait ici soit par internet, soit via des applications iPhone ou iPad. Ici l’inscription ne requiert pas d’abonnement contre 132 à 144 euros pour la carte Premium Autolib’ valable un an ou 10 à 15 euros pour les cartes 1 jour et 7 jours d’Autolib’. Seule l’émission de la carte à puce RFID est payante (19 euros). On ne paye donc que le temps d’utilisation (pour ULM en Allemagne, le tarif est de 3,9 euros/h ou 39 euros la journée) et les kilomètres (24 centimes/km au-delà des 20 km inclus dans l’offre de la ville allemande). Le tarif horaire est également assez différent: chez Autolib’, il va de quatre à huit euros les trente minutes suivant les abonnements et les tranches horaires d’utilisation. Lyon est la première ville de France a avoir accepté l’implantation du service Car2Go, la politique tarifaire n’est pas encore connue. La mise en service est attendue fin 2012. Le service a déjà connu plus d’un million de locations en trente mois à ULM avec un parc de 350 Smart à moteur thermique. Est-ce parce que Paris se revendique comme branchée qu’elle a fait le choix de l’électrique? "À terme, il y aura une solution électrique en Europe", déclare-t-on chez Mercedes-Benz France. Car2Go pourrait ainsi être un des premiers, et plus importants, clients des futures Smart électriques!
