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Montpellier Le tramway, place de la comédie urbaine

Inauguration Montpellier vient d’ouvrir ses lignes 3 et 4 de tramway. La dernière, circulaire, relie les trois autres. Un effet réseau doit propulser l’usage des transports publics dans une ville en pleine croissance et plus que jamais métamorphosée par le tramway.

QUAND quelqu’un s’étonne que Georges Frêche, le charismatique maire de Montpellier, puis président du Languedoc-Roussillon, décédé l’an dernier, ait attendu vingt ans pour commander un tramway (finalement arrivé en 2000!) alors que bien des villes s’y étaient engagées, on lui répond que le tramway est arrivé bien assez tôt compte tenu du potentiel qu’il représente aujourd’hui pour Montpellier. La double inauguration du 6 avril dernier semble bien le confirmer. Avec une troisième ligne dans le même faisceau est-ouest que la première, qui se rend quasiment jusqu’à la mer selon le vieux rêve montpelliérain de retrouver le petit train de Palavas, et la quatrième ligne qui encercle le centre-ville ouvrant la voie à tous les raccourcis, le transport public s’offre un véritable bond en avant.

Les travaux ont duré trois ans. Ils ont coûté la bagatelle de 530 millions d’euros. Mais le tramway dispose maintenant de 56 km de voie. Il relie sept communes environnantes et pousse partout sur ses flancs à la construction de nouveaux quartiers. “Il faut des grues”, répète à l’envi Mickaël Delafosse, le jeune adjoint à l’urbanisme de Montpellier. Les transports publics jouent au feu d’artifice dans cette ville de 258 000 habitants (412 000 dans l’agglomération et 537 000 dans l’aire urbaine). Bien des métropoles de sa taille ne disposent pas d’un tel équipement en transports publics. N’est-ce pas de cette façon, généralement hardie, que Montpellier est passée de la 20e à la 8e place des villes françaises en vingt ans? D’autant que ce n’est pas fini. Un cinquième tramway doit ouvrir d’ici à la fin 2013, puis un sixième vers les quartiers de haute technologie. Entre-temps, une ligne de CHNS (car à haut niveau de service) arrivera par le nord. Et le rythme annoncé en l’an 2000 d’une nouvelle ligne tous les quatre ans sera tenu. Si la ville a gagné 2 500 habitants par an ces dix dernières années, c’est sans doute, en partie, grâce à ce dynamisme-là. D’autant qu’elle sait le montrer.

Des livrées encore très surprenantes

Une ville à l’audace magnifique”, estime le couturier Christian Lacroix. Il est le concepteur des livrées des deux dernières lignes. Car, à Montpellier, chaque ligne a ses propres rames, toujours signées par de grands artistes. Les hirondelles symbolisant l’air de la première ligne (la bleue, dessinée par Élisabeth Garouste et Maria Bonetti) avaient marqué. Idem pour les fleurs, dont les mêmes artistes ont paré la deuxième ligne. Montpellier s’est bâti-là une notoriété internationale. Le 6 janvier dernier, le New York Times parlait des “tramways les plus sexy d’Europe” en ne retenant que Montpellier, en France (pas seulement à cause des tramways) parmi les 100 sites à visiter absolument dans le monde en 2012. Et quand Jérôme Gallot, directeur général de Veolia Transdev, évoque Montpellier aux ministres des transports du monde entier, ces derniers voient très bien de quelle ville il s’agit.

Le coup de génie de Georges Frêche, qui avait demandé à Alstom de personnaliser son premier tramway, continue d’être payant. Non seulement pour Alstom, qui a revu son système industriel et remporté, depuis, d’autres succès, mais aussi pour Montpellier qui insiste. Le gentil monstre marin de la ligne 3 et la rame d’or architectural de la ligne 4 ont de quoi séduire n’importe qui quand ils se présentent ensemble, en compagnie du bleu ou du fleuri des lignes 1 ou 2 sur l’esplanade de la gare Saint-Roch. Et faire tourner la tête aux touristes du monde entier. C’est d’abord sous cet étendard du “beau pour tous”, que le tramway transforme Montpellier. De plus, les lignes 3 et 4 sont rehaussées par certains “gestes” d’architectes. Le plus grandiose est le Cube bleu, le nouvel hôtel de ville, signé par Jean Nouvel et François Fontès, de Montpellier. Inauguré en novembre dernier et symbole de l’expansion de la ville vers l’est, il possède désormais sa station de tram, sur la ligne 4.

Des stations de vélos dans les quartiers sensibles

Au-delà du beau, les deux nouvelles lignes ont fait évoluer la circulation dans la ville. D’abord, pour le tramway lui-même. La première ligne transporte 130 000 voyageurs par jour. La deuxième 60 000. Les transports publics dans leur ensemble, avec une trentaine de lignes de bus, 280 000. Les responsables des Transports de l’agglomération de Montpellier (Tam) tablent sur 77 000 voyageurs supplémentaires par jour sur la 3, 14 000 sur la 4. Ils espèrent une quinzaine de millions de voyageurs en plus par an pour un réseau qui en est déjà à 67.

Deux lignes de bus ont été supprimées, beaucoup ont été modifiées, une a été créée, une autre le sera d’ici l’été. Les deux nouvelles lignes sont “accompagnées” de pistes cyclables sur toute leur longueur. Six nouveaux vélo-parcs ont été édifiés sur le parcours, ce qui porte leur nombre total à 18. Les nouvelles stations de tramway sont équipées de parcs de stationnement. Le réseau joue plus que jamais sur l’intermodalité.

Le vélo en libre-service, Vélomagg’, lancé en 2077, est un succès avec 160 000 utilisateurs. “C’est aussi une réussite du côté de l’exploitation: 2 500 euros seulement de frais d’entretien par vélo et par an”, indique Céline Beausse, directrice marketing de la TAM. Le nombre de stations est porté de 41 à 50. Elles sont totalement automatisées, alors qu’elles nécessitaient précédemment du personnel. Certaines sont installées dans des quartiers dits “sensibles” ou en bout de ligne, par exemple la 3, pour rejoindre la plage.

Un réseau de tramway retricoté

De la même façon, six nouvelles stations de l’autopartage Modulauto seront aménagées d’ici à la fin de l’année, ce qui va porter leur nombre à 25. Elles sont installées à proximité du réseau de transport en commun. “Je vais surveiller de très près l’effet réseau de tout l’ensemble. En particulier la manière dont les gens vont utiliser les raccourcis offerts par la ligne circulaire, la 4”, indique Georges Lescuyer, le directeur des transports de Montpellier Agglomération. Ils doivent gagner jusqu’à dix minutes.

Les Montpelliérains ont à se familiariser avec ces changements. Même le tracé des deux premières lignes a changé. Le réseau a été “retricoté”. Les quatre lignes multiplient les points de correspondances entre elles. Les deux petites nouvelles empruntent les voies des anciennes. À tel point que gare Saint-Roch, là où elles passent toutes, les conducteurs ne circulent plus qu’à vue. Si, sur chaque ligne, les rames se succèdent toutes les 6, 7,5 ou 8 minutes aux heures de pointe, à la gare, une rame peut surgir toutes les trente-cinq secondes. Un rythme bien trop rapide pour les systèmes de signalisation ferroviaire habituels. Les Tam se sont donc équipés d’un simulateur de conduite unique en son genre pour entraîner les conducteurs au passage de la gare Saint-Roch, à vue.

C’est ainsi depuis qu’il est né, le réseau ne privilégie pas les liaisons directes. Il “va chercher” ses passagers. Il a été conçu pour relier les quartiers périphériques au centre-ville, en particulier les quartiers “sensibles”. Grâce à la première ligne, les 30 000 habitants de la Paillade, grand ensemble HLM, ont pu “descendre” en ville. Cette vocation sociale est encore vraie avec la ligne 3 qui traverse quatre quartiers “sensibles”. L’État a participé au financement à ce titre.

Le tram passe et Montpellier respire

Le tramway longe aussi nombre d’équipements administratifs, culturels, sportifs et de loisirs, autre façon d’être utile et de bien “remplir” ses rames. “Les transports publics desservent 83 % des emplois publics sur le territoire”, précise Jean-Pierre Moure, le président de Montpellier Agglomération.

Mais le tramway de Montpellier a, depuis l’origine, aussi pour vocation de “faire pousser” de la ville. Il traverse des zones à urbaniser. La ligne 1 l’avait fait vers l’est, provoquant l’essor de la vaste zone commerciale et de loisirs Odysseum. Depuis 2006, la ligne 2 a vu naître bien des constructions au nord-est en traversant la commune de Castelnau-le-Lez. La ligne 3 a pour ambition de relier Montpellier à la mer, projet de trente ans quand Georges Frêche avait pris la ville en main. Cette fois, c’est en cours, à coup de Zac (Zones à aménagement concerté) et de grands projets. Le tramway donne un nouveau visage à la bien nommée avenue de la mer, axe central du futur Montpellier des années 2030 ou 2040, entre centre historique et mer: autour du tramway, un espace largement libéré pour le piéton. Cet axe sert d’artère à une écocité à venir sous l’appellation, De Montpellier à la Mer: 2 500 hectares à aménager pour prolonger la ville vers l’est. Et des quartiers déjà dessinés par des architectes et identifiés: entre autres, l’écoquartier rive gauche (8 000 logements), les Jardins de la Lironde (2 000 logements, des bureaux, en pleine nature). La nouvelle ville se construit là, avec une proportion de 20 % de logements sociaux. Le tramway roule déjà. C’est le cas en bien des endroits le long des deux nouvelles lignes. Michaël Delafosse, l’adjoint à l’urbanisme, en est à se concentrer sur les “coutures urbaines” entre les nouveaux espaces de la ville. “Que la ville reste fluide, cultive les transparences d’un quartier à l’autre”, explique-t-il.

Doubler l’autoroute et la voie ferrée

Le tramway apaise aussi la ville. Montpellier accompagne ses deux nouvelles lignes d’un plan de réduction des vitesses pour les voitures (cinq niveaux de ralentissement). Elle étend son centre piétonnier bien au-delà de son centre historique. Moins 10 % de voiture, moins 23 % d’émissions de gaz à effets de serre. C’est son objectif d’ici à 2020 même si elle devait compter alors 6 000 habitants de plus. En 2003, lors des dernières enquêtes chiffrées, la ville accusait un bon retard sur l’utilisation des transports publics: 11 % des déplacements dans le centre-ville; 8 % dans le reste de l’agglomération. C’est davantage aujourd’hui. Les Montpelliérains aiment leur tramway et l’utilisent beaucoup. Dans les 500 m autour des lignes, il accapare 30 % des déplacements. Les transports publics, c’est encore le principal levier sur lequel Montpellier veut agir, grâce à son réseau de transports revu et augmenté. D’autant que dans les années qui viennent, la ville va bénéficier d’autres améliorations d’infrastructures très sensibles.

D’ici à cinq ans, l’A9, cette autoroute qui lui sert de ceinture-est, sera doublée. Montpellier disposera de l’actuelle A9 comme d’un périphérique. La ville sera ainsi bordée de voies de contournements de tous les côtés. Ce qui lui épargnera des circulations de transit dont elle souffre aujourd’hui encore. Autre amélioration, en 2017, le contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier. La ville y aura sa gare TGV. La ligne 1 de tramway sera d’ailleurs prolongée jusqu’à elle. Paris sera à 2 h 50 et Lyon à 1 h 30. Le centre de Montpellier se verra épargner les trafics vers le TGV, la gare centrale Saint-Roch ne conservant plus que les liaisons TER. Le réseau de tramway se sera encore densifié (ligne 5, 6). Les bus n’iront plus jusqu’à la gare Saint-Roch. Ils resteront plus en lisière du centre de la ville, qui devrait alors réellement mieux respirer.

Avec le tramway, c’est

− 10 % de voitures

− 23 % d’émissions de gaz

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Auteur

  • Hubert Heulot
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