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Grève des “59 minutes”

La loi remet les pendules à l’heure

Amendements Dans une loi publiée le 20 mars au Journal officiel, relative à la mise en place d’un service minimum dans le transport aérien en cas de grève, deux amendements modifiant ce droit des salariés s’appliquent désormais aux transports terrestres. Le point sur un texte passé (presque) inaperçu.

“C’EST une nouvelle attaque contre le droit de grève!”, scande Gérard Fortin, du service juridique de la CGT, qui ne mâche pas ses mots pour dénoncer la nouvelle loi “relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien et à diverses dispositions dans le domaine des transports.” Loi publiée le 20 mars au Journal officiel.

Et pour cause. Le texte initialement prévu pour éviter qu’un mouvement social ne bloque les aéroports – comme en février dernier chez Air France suite à une grève des pilotes – ne concerne pas uniquement le transport aérien. Deux amendements glissés incognito modifient également le droit de grève dans les transports terrestres. Ainsi, l’article L. 1324-7 prévoit désormais que “le salarié qui a déclaré son intention de participer à la grève et qui renonce à y participer en informe son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l’heure prévue de sa participation. Même chose lorsque le salarié gréviste décide de mettre fin à sa participation au mouvement social, cela afin que ce dernier (l’employeur, ndlr) puisse l’affecter dans le cadre du plan de transport.” Une sanction disciplinaire peut alors être prise par la direction si le salarié “n’a pas informé son employeur de son intention de renoncer à participer à la grève ou de reprendre le service”, et ce, “de façon répétée”, précise l’article L. 1324-8.

Répondre à une urgence sociétale

Avec cet amendement, Yannick Paternotte, député de la IXe circonscription du Val-d’Oise, est très clair: “Il s’agissait avant tout de répondre à une urgence sociétale, notamment vis-à-vis du transport ferroviaire”, indique-t-il. En cause, la nécessité de mettre en place un appareil législatif visant à interdire les grèves dites “de 59 minutes”, lesquelles avaient notamment sévi pendant près de trois mois à Saint-Étienne, fin 2011. Inventées par le syndicat ferroviaire Sud-Rail, ces véritables bombes à retardement sont en fait des minigrèves exercées par roulement. En clair: un cheminot se déclare gréviste “59 minutes”, ce qui contraint la SNCF à annuler un train. Puis, le même cheminot reprend son service, sans pour autant perdre une journée de salaire sur sa fiche de paie. L’heure d’après, un autre cheminot prend la relève, puis un autre… et ainsi de suite.

À la va-vite…

Pour que ces deux amendements aient une chance d’être adoptés rapidement, Yannick Paternotte explique: “Nous devions mettre les amendements dans la loi sur la consommation, mais celle-ci s’étant perdue dans les méandres du Sénat, j’ai imaginé de les glisser dans celle concernant l’aérien.” Pour ce faire, le député a modifié le titre de la loi, mise en application sur le champ, puisqu’elle est entrée en vigueur le 20 mars, soit à peine deux semaines après avoir été adoptée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Cette précipitation, dénoncée unanimement par la CGT Cheminots et Sud-Rail, est d’ailleurs, selon Alain Cambi, secrétaire fédéral de Sud-Rail et Gérard Fortin, “la cause principale de nombreuses imprécisions rendant le texte difficilement applicable.

Flou artistique

Au palmarès des critiques, c’est le manque de clarté au niveau des sanctions possibles qui arrive en tête. Et pour cause. Dans l’état actuel de la loi, si une mesure disciplinaire peut être prise à l’encontre du salarié lorsqu’il transgresse les règles de manière répétée, rien n’est précisé, ni sur la nature des actions possibles ni sur le nombre d’infractions nécessaires avant que les fameuses mesures ne soient appliquées. Bruno Gazeau, délégué général de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP), dont certains adhérents, comme la SNCF, désiraient qu’une législation soit établie à ce niveau, reste pourtant perplexe: “Nous n’avons pas grand-chose à dire, si ce n’est que le texte n’est pas très précis […]. Cela semble plutôt représenter un progrès, mais il reste de nombreuses questions en suspens”, indique-t-il en pointant également le fait que “l’amendement est passé rapidement” et que celui-ci “nécessite un examen juridique.

Au final, cet amendement sera-t-il réellement efficace? Selon Alain Cambi, “la réponse est non.” Car si cette mesure a pour but de dissuader des agents de participer à un mouvement social, “cela ne va pas empêcher les grèves”, indique-t-il. Pire, cela se fera davantage au détriment de l’usager. “Maintenant, si, en assemblée générale, l’arrêt du mouvement est voté, il faudra attendre vingt-quatre heures avant de reprendre le travail. Ce qui veut dire que les usagers devront subir une journée supplémentaire de grève avant un retour du trafic à la normale!”, s’insurge Alain Cambi.

Un seul gréviste suffit à paralyser le système

Le problème principal ne réside pas dans les grèves de “59 minutes”, mais bien dans l’organisation de certaines structures, notamment de la SNCF, dont le système est paralysé dès lors qu’un petit nombre de personnes fait grève. “Il y a une dizaine d’années, quand un cheminot arrêtait la grève, il pouvait repartir seul sur un train. Mais aujourd’hui, tout est bloqué, en raison de l’éclatement de l’entreprise. Au fil du temps, une multitude d’interfaces qui dépendent les unes des autres ont été ajoutées”, poursuit Alain Cambi. Résultat, si une personne fait grève, c’est tout un pan de l’organisation qui est paralysé.

Au final, ces amendements décriés par certains, en laissant d’autres perplexes, n’ont sans doute pas fini de faire couler de l’encre. Seule certitude aujourd’hui. Pour les représentations syndicales, qu’il s’agisse de CGT Cheminots, Sud-Rail ou de l’UTP, seul le temps permettra de bien analyser les forces, les faiblesses ou les limites de ces textes. “Il faut laisser les choses vivre”, conseille même Bruno Gazeau.

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Auteur

  • Shahinez Benabed
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