Cadre juridique Les services collectifs doivent être rendus accessibles aux transports de personnes handicapées et à mobilité réduite (TPMR) avec une échéance à respecter, au plus tard le 12 février 2015. Ces deux notions sont parfois confondues en raison d’une approche trop peu technicienne. Ou, au contraire, parfois exagérément distinguées, notamment à cause des équipements embarqués. Le point sur cette subtile nuance.
L’ÉCHÉANCE du 12 février 2015 est proche. À l’échelle des investissements à réaliser, elle est inatteignable, on le sait. Dans un rapport rendu sur la décentralisation et les transports, le sénateur Yves Krattinger, l’a d’ailleurs clairement déclaré. Très problématique, l’entre-deux dans lequel se trouvent actuellement bon nombre d’entreprises de transport routier interurbain (TRV) qui, confrontées à des appels d’offres n’exigeant pas du matériel accessible, entraîne ces sociétés dans des distorsions de concurrence, sources d’illégalité des appels d’offres (par défaut de respect de la norme supérieure que constitue la loi de 2005).
Hormis les entreprises concernées (RATP, SNCF…), l’État est silencieux sur le sujet. Certes, le Président de la République a indiqué, lors du dernier Salon des maires, qu’il ne “baissera pas sa vigilance sur le sujet, que les normes, qui pèsent pourtant lourdement sur les collectivités, ne seront pas revues à la baisse, mais l’État est peu pressé d’exiger des collectivités qu’elles respectent la loi.” Seul le ministre des transports, Thierry Mariani, a relancé ces collectivités en leur demandant d’accélérer l’adoption des schémas directeurs d’accessibilité.
La réalisation de l’objectif global pose, on l’a vu, une question préoccupante de financement. Les collectivités locales doivent en effet prévoir des dépenses nouvelles pour la mise aux normes des bâtiments, trottoirs, voiries et transports. La loi impose aux collectivités, aux communes et aux départements notamment de mettre en conformité les transports en commun en vue d’un accès complet aux personnes handicapées et à mobilité réduite en février 2015 au plus tard. Même avec une programmation pluriannuelle d’investissements pour les années à venir, la mise en accessibilité totale des transports en commun pour février 2015 s’avère difficilement concevable sans une aide significative de l’État. Les élus se demandent comment le gouvernement prévoit d’aider les collectivités afin de permettre la réalisation d’ici à février 2015 de l’accessibilité aux transports pour les personnes handicapées et à mobilité réduite. On le sait, sur un plan strictement juridique, le Conseil d’État a considéré que la loi de 2005 ne génère pas de compétence nouvelle, justifiant une compensation financière de la part de l’État. Il n’est donc pas tenu de les aider.
Compte tenu de l’équation financière complexe et de l’impasse budgétaire devant laquelle les collectivités vont se retrouver, une réflexion doit être menée à propos des dérogations au principe de l’accessibilité prévu par la loi en cas d’impossibilité technique avérée. On sait que des jugements sont intervenus, non décisifs, sur l’application de cette notion. Au cœur de la problématique: la notion d’inadéquation entre le service concret rendu et l’exigence de mise en accessibilité qui doit être tranchée par le schéma directeur d’accessibilité. Dans le cas de l’impossibilité technique avérée, il faut tout de même s’orienter vers la mise en place de services de substitution adaptés, dont le coût pour la personne handicapée ne doit pas être supérieur à celui du transport public existant. Dans ce cas, c’est le coût supporté par l’usager qui ne doit pas être supérieur au coût “normal” et non le coût, indiscutablement moindre pour la collectivité qui mettrait le service en œuvre. Il apparaît qu’il appartient donc à chaque autorité organisatrice des transports de définir dans son schéma directeur d’accessibilité les moyens à mettre en œuvre pour satisfaire à l’objectif de la loi tout en prenant en considération les besoins locaux, les contraintes et les difficultés. À cet égard, l’État n’a rien à faire dans cette problématique (hormis le fait que les préfets se sont montrés peu pointilleux pour le moment). Ce sont bien les collectivités territoriales qui doivent élaborer. Toutes ne l’ont pas fait. Le taux d’élaboration augmente sans qu’une étude détaillée ait été menée sur le contenu. Que signifie le taux de 80 % de SDA adoptés si une majorité est illégale par son contenu? Le respect d’une obligation formelle?
Ne l’oublions pas, la loi de 2005 vise aussi le bâti, les établissements recevant des voyageurs (les fameux ERP). En effet, les personnes en difficulté physique devront pouvoir bénéficier des mêmes droits d’accessibilité que les personnes valides. Le chapitre III du titre IV de la loi 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées s’intitule: cadre bâti, transports et nouvelles technologies.
L’article 41 stipule que les “[…] établissements recevant du public […] doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap […].” L’accessibilité devient enfin aujourd’hui un droit pour tous s’agissant du cadre bâti car il s’agit, là encore, d’un principe égalitaire, tirant son fondement d’une novation juridique sans précédent (un “droit” à un service et un cadre bâti accessibles). C’est pourquoi de nombreuses actions de sensibilisation du grand public s’inscrivent au cœur d’une volonté politique et d’une démarche citoyenne de progrès motivées par l’intérêt universel d’un pays plus accessible à tous, pour tous.
La loi du 11 février 2005 dite loi “handicap” concernant le cadre bâti prévoit:
1. le principe d’accessibilité généralisée sans rupture de la chaîne du déplacement;
2. l’attestation de conformité aux règles d’accessibilité obligatoire;
3. l’obligation d’accessibilité pour les établissements recevant du public (ERP) neufs;
4. des délais: établissements recevant du public existant 11 février 2015 avec diagnostic avant 1er janvier 2011 (proposition de réduction du délai diagnostic au 31 décembre 2008 à suivre);
5. les délais pour les préfectures et universités: 1er janvier 2011;
6. tous les types de handicap pris en compte dans la conception bâtiment;
7. que les règles des établissements recevant du public neuf s’appliquent aux établissements recevant du public existant;
8. modalité particulière (dérogation) si contrainte liée à la solidité bâtiment;
9. sanction en cas de non-respect des règles d’accessibilité.
Les ERP sont des établissements recevant du public, quelle que soit son envergure.
Le champ des institutions publiques et privées concernées est vaste. Elles sont “catégorisées” et réglementées. Ainsi, cinq catégories d’ERP sont clairement identifiées:
– 1re catégorie: au-dessus 1 500 personnes;
– 2e catégorie: de 701 à 1 500 personnes;
– 3e catégorie: de 301 à 700 personnes;
– 4e catégorie: 300 personnes et en dessous excepté les ERP de 5e catégorie;
– 5e catégorie: salle de spectacles de moins de 50 personnes ou moins de 20 personnes en sous-sol. Pour toute autre activité, les structures peuvent accueillir moins de 300 personnes.
La législation définie des normes d’accessibilité auxquelles il est difficile de déroger. Elle prévoit des aménagements spécifiques pour améliorer l’accessibilité et la sécurité des utilisateurs présentant un handicap. Aussi, toutes personnes en fauteuil roulant, malvoyantes ou malentendantes devraient pouvoir accéder aux lieux publics sans difficulté notoire.
La législation se durcit pour les créations de nouveaux établissements et amènera d’ici à 2015 les établissements existants à s’adapter et améliorer leur accessibilité par une remise aux normes, décrites avec précision dans les articles 41, 42, 43, 72 et 73 de la loi 2005-102 du 11 février 2005 et le décret 2006-555 du 17 mai 2006. Il faut distinguer les aménagements extérieurs de ceux intérieurs.
Aménagements extérieurs:
Parking, allées et bordures, passages, escaliers, sols dénivelés, ascenseurs, bordures des allées avec reconnaissance tactile, largeur des portes et accès…
Aménagements intérieurs:
Escaliers, sols, guichet ou comptoir d’accueil, mobilier de bureau, sièges ergonomiques, alarme sonore…
Les sanctions en cas de “non-accessibilité” des ERP en 2015. Le non-respect de la réglementation de l’aménagement des locaux pour l’accès aux personnes présentant un handicap prévoit:
– la fermeture de la structure qui ne respecte pas les délais de la mise en conformité;
– le remboursement complet des subventions publiques;
– une amende de 45 000 euros pour les entrepreneurs, les architectes ou toute personne ayant la responsabilité des locaux;
– l’interdiction d’exercer peut être envisagée;
– la récidive est sanctionnée de six mois d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Certains établissements sont liés à la conservation du patrimoine architectural et peuvent avoir une dérogation ERP, délivrée par le CCDSA, Commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité. Ces dérogations s’accompagnent de mesures de substitution remplissant une mission de service public. En matière d’accessibilité, l’infrastructure et les équipements devraient en imposer aux services. On ne peut en effet imaginer des services, en l’occurrence des véhicules, et la prestation rendue accessible alors que les cheminements et les points d’arrêt, les gares, les lieux d’intermodalités, les pôles d’échanges, interfaces entre les infrastructures et les services ne le seraient pas.
Dans le cas du bâti ou du cheminement, comme dans le cas des services, que l’on va examiner maintenant, les schémas directeurs constituent des outils de planification. Ils définissent les modalités de prise en compte des règles d’accessibilité pour chaque type et catégorie de services de transports, ainsi que les conditions de maintenance qui en découlent. Ce dernier aspect est particulièrement important pour l’effectivité, dans la durée, des mesures d’accessibilité adoptées. Mais au préalable, c’est ce document, programmatique, qui devrait aussi jouer le rôle de document prescriptif.
Les services réguliers de transport et les services à la demande doivent être rendus accessibles. L’obligation s’applique aux différents échelons compétents et aux services qu’ils mettent en place: communes (ou intercommunalités), départements et régions. Il en est de même pour tout matériel roulant acquis lors du renouvellement ou de l’extension d’un réseau, comme les autobus, autocars ou tous véhicules automobiles (sans parler de l’ensemble des dispositifs mis en œuvre dans les transports publics urbains et ferroviaires). Les transporteurs ne peuvent se dédouaner de leur obligation. Leur difficulté provient du fait qu’ils répondent à des appels d’offres et que ces documents obligatoires contraignent leurs investissements. Le principe de l’accessibilité prend en compte toutes les catégories de handicaps – c’est une des raisons pour lesquelles, alors qu’ils sont peu nombreux, les usagers en fauteuil roulant qui posent des problèmes spécifiques d’accès aux véhicules sont aussi visés par la loi. Cette définition est issue de la directive européenne du 20 novembre 2001, relative aux transports de voyageurs et de l’article 45-1 de la loi de 2005.
Cependant, il convient de souligner, dans un premier temps, que les règles d’accessibilité appliquées aux moyens de transport ont une portée générale et ne remplacent pas les mesures prévues au titre de transport spécialisé pour les personnes handicapées. Ce n’est pas l’un ou l’autre, c’est l’un ET l’autre. Cette logique se trouve d’ailleurs au niveau départemental avec des collectivités qui effectuaient (et effectueront) des services de transport spécifiques sans pouvoir renoncer à la mise en accessibilité générale.
Reste le grand oublié du débat: le problème de la perturbation au départ ou le long du trajet. Quel que soit le handicap de la personne et malgré les mesures relatives à l’accessibilité, une difficulté survient lors de l’utilisation des transports s’effectuant en cas de perturbations importantes.
De telles situations doivent être prises en charge par les autorités organisatrices, avec une attention particulière, notamment au regard des besoins spécifiques de certains voyageurs, comme les personnes âgées ou déficientes mentalement qui peuvent éprouver de réelles difficultés dans des circonstances exceptionnelles comme des perturbations climatiques, des pannes ou des incidents graves.
