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“Nous avons créé un cercle vertueux sur la question de l’avenir du bus”

Interview Lancé en 2008, le projet EBSF(1) avait pour ambition de donner un nouvel élan à l’autobus. Quatre ans plus tard et à quelques mois de la fin de l’aventure, le projet a prouvé sur bien des plans que l’autobus offrait de grandes perspectives et n’avait rien à envier aux modes lourds. Entrevue bilan avec Umberto Guida, directeur du projet au sein de l’UITP(2).

Bus & Car: Le projet EBSF touche à sa fin, quel bilan général en tirez-vous?

Umberto Guida: Il nous a permis de mieux définir à quoi ressemblera le bus du futur, notamment avec Smart Bus, l’architecture de système d’information intégrée standardisée (Bus & Car no 893, ndlr). À côté de cet élément primordial, mais peu spectaculaire, les industriels ont développé des prototypes qui donnaient eux aussi un aperçu intéressant du bus de demain, cela fait d’EBSF un projet des plus concrets. Mais, au-delà, et c’est sans doute le plus important, EBSF a fait prendre conscience aux acteurs du secteur de l’importance d’unir les forces en matière de recherche sur l’autobus. Les enjeux sont d’autant plus importants qu’il faut rappeler que 60 % des clients du transport public à travers le monde utilisent l’autobus comme principal mode. Enfin, la grande satisfaction a été la manière dont les participants du projet se sont investis dans cette opération. L’émulation a été réelle et a participé à la réussite d’EBSF.

Différentes expériences ont été mises en place. Lesquelles ont été les plus concluantes?

→ Le fait de sélectionner quelques exemples ne retire rien à la qualité de l’ensemble. Toutes les pierres apportées participent à l’édifice de la constitution de l’autobus du futur. Je désignerais néanmoins le Smart Bus comme un des éléments fondateurs, car cette architecture peut s’apparenter à la colonne vertébrale du projet. Il ne s’agit certainement pas de l’élément le plus visible du grand public mais, du point de vue des opérateurs de transports, la pertinence et l’utilité sont criantes. Et, aujourd’hui, le Smart Bus dépasse le stade du projet. Les spécifications sont à la disposition de tous, téléchargeables sur le site internet d’EBSF. Smart Bus va faire son entrée sur le marché.

L’expérimentation de Göteborg, avec le bus développé par Volvo, est également une des plus significatives. Ce véhicule au design proche de celui du tramway, avec son poste de conduite central et ses portes d’accès très larges, ne se contentait pas de jouer la carte du spectaculaire. Il nous a notamment permis de mettre en évidence l’importance de la fluidité du trafic des passagers dans le véhicule. Son amélioration permet de limiter les temps d’arrêt et joue directement sur l’amélioration de la vitesse commerciale. Or, nous avons calculé que le passage de celle-ci de 12 km/h à 17 km/h a, en matière d’émissions, un impact similaire du passage d’Euro 4 à Euro 5. Sans oublier que cela améliore l’attractivité et, de ce fait, le transfert modal. Cela montre aussi qu’en travaillant à l’amélioration du système autobus dans sa globalité, on arrive à générer un cercle vertueux. Cela traduit bien l’esprit du projet EBSF qui souhaitait traiter la question de l’autobus dans son ensemble.

Avez-vous réalisé des études pour estimer le niveau d’appréciation des diverses expériences par les usagers?

→ Nous sommes en train de collecter ces études et dévoilerons leurs résultats en octobre lors de la clôture du projet. Nous avons notamment demandé aux participants et aux usagers quelles évolutions ils attendaient sur les autobus, qu’est-ce qui était positif, quels points pourraient être améliorés… Nous avions déjà mené ce type d’études en amont du projet, cela avait été très profitable et source d’inspiration. Mais, au quotidien, nous avons pu constater l’intérêt que suscitaient les expériences. Certaines sont devenues des attractions sur les réseaux sociaux et plus largement sur le net. Cette diffusion d’une image positive de l’autobus était la bienvenue. Nous avons également eu des remontées positives de la part des opérateurs. À Brunoy notamment où le télédiagnostic a été expérimenté, les premiers résultats sont particulièrement bons et permettent presque de valider le concept.

Au-delà des résultats concrets, peut-on dire qu’une dynamique nouvelle est née autour de la question du bus?

→ Cela se joue à plusieurs niveaux. Auprès du grand public, la médiatisation, au-delà de l’habituelle presse spécialisée, peut certainement contribuer à changer le regard sur l’autobus. Au niveau des institutions, j’ai le sentiment que nous avons ouvert une brèche en faveur d’une meilleure sensibilisation aux questions des transports publics en général, et du bus en particulier. L’idée de voir plus loin et plus grand pour la recherche et développement en faveur du bus fait son chemin. L’Union européenne se montre très enthousiaste sur le sujet, c’est encourageant. À la fin du mois de mai, nous devrions présenter(3) les avancées du projet à la Commission européenne, au Parlement… Cela va nous permettre d’être entendu à un haut niveau des institutions européennes. Le projet a parfaitement joué son rôle fédérateur, cela nous apporte un crédit important.

Selon vous, le projet EBSF va-t-il inciter les divers participants à retravailler ensemble sur des enjeux transversaux de ce type?

→ Traditionnellement, l’UITP a toujours constitué un lieu de rencontre pour élaborer des projets transversaux. La large visibilité d’EBSF va apporter une motivation supplémentaire, cela constitue un encouragement fort et prouve, plus que jamais, que l’union fait la force. Cela est vraiment le fait de l’excellente bonne volonté des différents acteurs du projet. Sur le papier, rien n’était gagné d’avance. L’approche a toujours été positive, collective et participative. C’est une grande satisfaction, presqu’une victoire en soi.

Qu’allez-vous faire pour que les avancées constatées, les progrès initiés ne restent pas lettre morte?

→ On sait déjà que ce ne sera pas le cas. Le Smart Bus est promis à se développer. Mais la mise en application des expérimentations, leur développement sur le marché a toujours été au cœur d’EBSF. Cela est d’autant plus important pour les industriels qui ne se seraient sans doute pas investis dans le projet si les perspectives de production n’étaient pas envisageables. Au final, ils bénéficient de développements inédits en ayant partagé les risques. Ces développements profiteront également aux opérateurs et aux autres acteurs du projet. Tout le monde ressort gagnant. Mais, attention, il ne faut pas voir dans l’intérêt des industriels un esprit vénal, le risque financier existait, ils ont pris le parti de miser sur l’autobus.

Quelle suite pourrait être donnée au projet dans son ensemble?

→ Nous travaillons actuellement à ce sujet. Nous sommes en train d’établir une feuille de route qui nous permettrait de nous projeter vers un horizon à 2020. Nous devrions une nouvelle fois bénéficier du soutien de l’Union européenne. Au 15 octobre prochain, le projet EBSF sera achevé, et nous devrions dans le même temps lancer un programme EBSF 2.

En quoi consiste cette nouvelle feuille de route?

→ Elle doit nous permettre d’approfondir certains aspects abordés dans le cadre d’EBSF. En nous projetant vers 2020 nous allons être en mesure d’aller plus loin sur certains thèmes comme l’approche environnementale ou l’accessibilité. Par ailleurs, nous voulons franchir un cap supplémentaire en ce qui concerne la fédération de différents partenaires et notamment voir ce qui se passe hors de l’Europe et partager nos expériences. Tout ce qui se fait en Amérique du Sud par exemple, et notamment en matière de Bus Rapid Transit, mérite d’être intégré à une réflexion sur le bus du futur. Nous ne devrions pas éprouver de difficulté à augmenter le nombre de participants autour de la table. Les demandes sont déjà là.

Certaines des expériences pourraient-elles être poursuivies ou étendues pour sortir du cadre expérimental?

→ C’est déjà le cas, notamment avec le télédiagnostic qui continue d’être opérationnel chez Veolia Transdev en Île-de-France. Volvo a prévu de mettre son prototype à poste de conduite central sur différents réseaux européens, il en va de même pour le bus de Man qui circulait à Budapest. La dynamique initiée par EBSF ne retombe pas.

Dans le contexte économique actuel, pensez-vous qu’il y aura encore des ressources pour mettre en place un projet d’une telle envergure? Dans quelle mesure, estimez-vous cela indispensable?

→ Nous avons initié EBSF alors que la crise économique avait déjà éclaté. Quand bien même nous avons été en mesure de mettre en œuvre toutes les expérimentations qui avaient été inscrites au programme, nous avons dû parfois revoir certains détails à la marge, mais les objectifs fixés ont tous été respectés. C’est notamment dû à la motivation des partenaires et des équipes qui ont toujours gardé à l’esprit que la réussite serait au bout. Par ailleurs, ce type de projets est d’autant plus essentiel dans un contexte mondialisé. Le marché des transports publics, à tous les niveaux, fait face à une concurrence extra-européenne. Ce genre de projet est également une manière de préserver le leadership de l’Europe sur l’industrie de l’autobus. Les difficultés économiques ne devraient pas, dans notre secteur, pousser au repli sur soi. J’en veux pour preuve que dans le cadre du futur projet, le nombre de partenaire industriel est déjà en hausse.

Le salon Transports Publics 2012 va-t-il constituer un moment fort pour EBSF?

→ Nous allons profiter du salon pour présenter les différentes réalisations. Paris nous offre une fantastique vitrine devant un public qualitatif. Nous allons insister sur le fait que le projet a constitué un moteur pour l’innovation en faveur de l’autobus et qu’il contribue au succès du transport public dans son ensemble.

European bus system of the future

Union internationale des transports publics

L’interview a été réalisée début mai

L’avenir du bus se joue en quatre lettres

Les amateurs d’acronymes vont être servis. Le succès du programme EBSF pourrait bien lui donner une bonne place dans le langage courant… des professionnels du transport public, entendons-nous bien. Mais que signifient au juste ces quatre lettres? La réponse se dicte dans la langue de Shakespeare: European Bus System of the Future, ce qui pourrait se traduire par l’autobus européen de demain. Lancé en septembre 2008 par la Commission européenne et programmé sur quatre ans, EBSF est l’un des plus grands projets de recherche et développement en matière de transport routier de voyageurs. EBSF doit participer de façon concrète à l’amélioration de l’image et du pouvoir d’attractivité de l’autobus. Aux yeux des usagers, il doit devenir séduisant, moderne et performant, sans jamais s’éloigner des exigences économiques des collectivités locales. Sur le plus long terme, EBSF compte être la pierre fondatrice de la refonte complète du système de bus en Europe. Doté d’un budget de 26 millions d’euros (dont plus de 60 % sont versés par la Commission européenne), et placé sous la coordination de l’UITP, il implique 11 pays et 49 partenaires, dont les cinq principaux constructeurs de bus (Irisbus, Man, Mercedes, Volvo et Scania), des opérateurs de transports publics (Veolia Transdev, RATP, TEC, RATB) et des associations nationales de transport, des autorités organisatrices (Nantes, Madrid, Göteborg…), l’industrie des services, ainsi que des centres de recherche et des universités. EBSF ne limite pas son étude à la question du véhicule. Le projet met en avant une approche globale et cible les besoins de tous les acteurs de la chaîne de la mobilité en bus, des passagers aux opérateurs en passant par les autorités organisatrices et les constructeurs. Les objectifs d’EBSF sont de créer et tester des standards européens en termes d’information voyageurs, de qualité de service, d’écomobilité, de maintenance et d’accessibilité, et de les faire adopter par l’ensemble de l’industrie.

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Auteur

  • David Reibenberg
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