Modes doux Lors des Rencontres annuelles de l’écomobilité, qui ont eu lieu le 25 juin dernier, les principaux acteurs du secteur ont planché sur l’évolution de plans de déplacements des entreprises et les établissements scolaires franciliens. Écologiquement séduisant, le concept gagne du terrain… non sans mal.
POUR cette édition des Rencontres annuelles de l’écomobilité le 25 juin 2012 au Centre de recherches et d’innovation de L’Oréal à Saint-Ouen (92), il s’agissait de plancher sur les plans de déplacements des entreprises (PDE) et interentreprises (PDIE). Ayant choisi les sociétés, les administrations et les établissements scolaires comme périmètre d’études, les échanges ont identifié deux freins à la montée en puissance de l’écomobilité: des difficultés latentes à faire perdurer les initiatives sur le long terme et une quasi-absence de retour d’expériences liée aux démarches encore trop récentes.
Avec 235 démarches de PDE et 33 projets de PDIE recensés en Île-de-France sur l’année 20012, il semblerait que ces dispositifs aient le vent en poupe. “Chaque année, nous investissons jusqu’à trois millions d’euros dans l’écomobilité”, revendique Pierre Serne, vice-président du conseil régional d’Île-de-France et vice-président du Syndicat des transports d’Île-de-France (Stif). Pour orchestrer ces démarches, il existe actuellement 369 structures impliquées dans un PDE: 233 entreprises privées, 53 opérateurs publics, 43 collectivités locales, 32 organismes médico-sociaux, neuf gestionnaires de zones d’activités et neuf établissements sous la tutelle de l’État. Enfin, à ce jour, douze chargés de mission PDE “coachent” les entreprises et administrations de la région. Parmi leurs pistes de travail: la promotion du vélo, l’encouragement à l’utilisation des transports en commun, l’aménagement des horaires professionnels, l’accompagnement à habiter à proximité du lieu de travail, la garantie du retour à domicile lors de situations exceptionnelles, la mise en place d’un service d’autopartage ou l’incitation au covoiturage. La raison de leur présence aux côtés des instigateurs de projets d’écomobilité s’explique notamment par leur capacité à proposer des leviers d’amélioration destinés à répondre à des problématiques d’accès aux transports, de réduction d’émission de CO2, d’économies dans l’assiette des déplacements, de sécurité, d’obligations légales, etc. Des challenges relativement stratégiques puisque l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’Énergie (Ademe) a constaté que les déplacements quotidiens des salariés représentaient jusqu’à 50 % de la consommation énergétique d’un site, et qu’un PDE bien conçu permettait de réduire de 15 % sur trois ans le nombre de déplacements en voiture des collaborateurs. Face à ce constat, il n’est pas étonnant de voir ce thème prendre une tournure plus politique. “Dans le cadre de la révision du Schéma directeur de la région Île-de-France (Sdrif) comme du Plan de déplacements urbains d’Île-de-France (PDUIF), nous avons choisi d’intégrer l’écomobilité à nos réflexions et projetons de lancer l’an prochain une double enquête publique qui posera la question de son intégration dans nos projets”, poursuit Pierre Serne.
Pour mener à bien sa révolution culturelle, l’écomobilité a choisi de “recruter” dès le plus jeune âge. “En quinze ans, notre offre de transport scolaire a considérablement évolué car nos préoccupations environnementales se sont renforcées”, explique Nicole Delporte, maire de Bois-le-Roi (77), qui a initié un système de bus partagés encadré par une quarantaine de bénévoles depuis cinq ans. “Lors de son lancement, ce service était assuré par deux autobus contre cinq aujourd’hui”, compare Nicole Delporte. Parmi les participants, un parent d’élève témoigne de la difficulté à faire perdurer ce genre d’initiative en prenant l’exemple d’une offre de transport scolaire mutualisée, stoppée faute de bénévoles pour reprendre le flambeau.
Autre cas de figure: celui d’une administration. “Avec 50 000 agents répartis sur 1 800 sites, nous devons gérer plusieurs sociétés au sein d’une même entité”, résume François Prochasson, responsable du pôle mobilité durable de la direction de la voirie et des déplacements de la Ville de Paris. Un exercice pris très au sérieux pas la Ville qui a pris soin de se doter d’indicateurs et de données de suivi avec un référent dans chacun de ses 22 services. Une organisation qui est loin de faire légion dans un monde industriel au sein duquel chaque entreprise place le curseur au niveau de ses besoins… et de son modèle économique. “Nous devions nous poser la question de la rentabilité d’un PDE dans un contexte où 75 % de nos salariés travaillent en horaires décalés”, explique Thierry Gaultier, manager développement durable d’Air France. Une préoccupation qui a conduit la compagnie à passer à la vitesse supérieure dans l’intégration de pratiques vertueuses au sein de ses rangs, puisque son PDE s’est rapidement transformé en PDIE.
Dans un contexte de crise économique et de rigueur, la piste des PDIE séduit de plus en plus d’entreprises qui y voient une possibilité de diversifier le panel d’offres de transport offertes aux collaborateurs, un partage des risques financiers, un moyen de se conformer aux objectifs environnementaux fixés par l’Europe, ou encore une opportunité de redéfinir sa politique de déplacements. À la différence des PDE qui ne font intervenir qu’une seule entité, les PDIE impliquent une gouvernance nécessitant la présence d’un chef de file clairement identifié en amont. “Il y a un an et demi, lorsque nous avons envisagé l’implantation de sociétés dans la zone d’activité Carré 92 à Gennevilliers, nous avons monté un club regroupant 28 sociétés et avons réfléchi avec elles à des solutions de déplacements partagés”, se souvient François de Bernis, président de la Fédération Paris Seine Entreprises. Un leader dont l’une des missions réside dans l’élaboration d’une stratégie qui doit également tenir compte des caractéristiques du lieu d’implantation de ces sociétés. “Dans le cadre d’un projet de PDIE rassemblant plusieurs sociétés implantées à la Défense (92), nous avons été confrontés à trois problématiques: la densité du territoire, un usage des transports en commun touchant 85 % des salariés et une forte présence des acteurs publics avec lesquels il faut négocier”, rappelle Aurélie Terlier, chargée de mission mobilité à la Chambre de commerce et d’industrie des Hauts-de-Seine.
Mettre en place un plan de déplacements d’entreprise (PDE) c’est bien, le faire en favorisant les modes doux, c’est mieux. Green On, spécialiste de la mise à disposition de vélos en libre-service électrique ne pédalerait pas à contre sens de cette affirmation. La jeune entreprise, lancée en 2009, vient d’être récompensée d’un Talents du vélo 2012, décerné par le Club des villes et territoires cyclables.
L’offre de Green On se destine aux entreprises soucieuses d’offrir à leurs salariés un mode de déplacement doux et facile d’utilisation pour assurer leurs déplacements, tant professionnel que privé. "Les entreprises qui font appel à nos services ont généralement déjà entamé une démarche de mise en place d’un PDE. Nous leur proposons une offre complète qui inclut la fourniture de deux roues électriques, la station d’accueil et de recharge dont l’installation ne nécessite pas de gros œuvre, le système de gestion du libre-service avec son support informatique et des services connexes comme la maintenance et l’assurance. Le tout avec une totale clarté financière puisque l’entreprise connaît à l’avance son loyer mensuel", explique Arthur Schulz, associé fondateur. Avec le système Green On, les employés empruntent les vélos au moyen de badge RFID. Le système propose le cycle offrant la charge optimale. "Nous livrons à nos clients un rapport mensuel d’utilisation des vélos. Cela leur permet d’évaluer l’impact de leur PDE, notamment en matière de réduction d’empreinte carbone. Ils disposent d’arguments tangibles", souligne Arthur Schulz. Green On compte aujourd’hui une quinzaine de stations d’accueil pour près de cent vélos en parc.
"Nous travaillons avec des grands comptes qui présentent un taux d’utilisation très satisfaisant. Notre croissance est douce dans un marché nouveau. Les cycles de vente sont longs, de six à douze mois. Dans les cinq années à venir, nous devrions totaliser entre 100 et 200 stations accueillant entre 5 et 10 vélos", espère Arthur Schulz.
