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Nantes, very BUSy

Trafic urbain Après le tramway, Nantes a lancé le deuxième étage de sa fusée antivoitures. Des lignes de bus rapides convergent vers le cœur d’agglomération placé en zone 30 et entourent une zone à trafic limité, réservée aux piétons et aux transports publics.

GILLES Retière a remplacé Jean-Marc Ayrault à la tête de l’agglomération de Nantes. Dans cette région, jamais un homme politique n’a parlé aussi directement aux automobilistes: “Essayez les transports publics! Utilisez la voiture que quand vous en avez vraiment besoin!” L’irréductible du volant est plus que jamais visé par la nouvelle organisation des déplacements que Nantes vient de mettre en place pour faire franchir un nouveau bond aux transports publics, malgré l’air du temps tournant à la parcimonie.

Le “héros” de cette nouvelle stratégie est un bus articulé à qui l’ingéniosité des techniciens du transport public offre les performances du tramway. Il n’a pas la même capacité d’emport, il est plus petit, mais la même vitesse et surtout la même régularité que s’il évoluait en site propre, ce qui lui vaut le nom de Chronobus. Même s’ils baignent dans la circulation, “ces Chronobus utilisent de manière optimale les infrastructures routières de la ville”, analyse Bernard Deniaud, en charge des transports au département de Loire-Atlantique. Le député Vert François de Rugy, ancien responsable des déplacements de l’agglomération, insiste, lui, sur les économies: “N’importe quelle ville, quelle que soit sa taille, peut maintenant se dire que faire du transport public ne coûte pas des fortunes. À 1 million d’euros du km, contre 25 pour le tramway, 7 ou 8 pour un bus à haut niveau de service (BHNS), cela devient abordable.

À cinq heures du matin, le 1er octobre, des Chronobus ont donc démarré des quatre coins de l’agglomération nantaise. Ils ont rallié une station de tramway ou traversé l’agglomération de part en part en gagnant jusqu’à dix minutes par rapport à leurs temps de trajet précédents.

Dix lignes en 2017

Jusqu’alors, ces quatre premières lignes de bus (C1, C2, C3, C4) étaient déjà classées “fortes”. Ici et là, leur itinéraire s’est donc allégé d’une boucle, voire d’un détour. Elles seront suivies de trois autres dans un an, puis trois autres encore après 2014. La dizaine de lignes aménagées d’ici à 2017 doit parvenir – objectif du PDU – à transporter 100 000 voyageurs par jour. Et prendre une bonne part à ce que la voiture ne soit plus utilisée que pour un déplacement sur deux dans les 24 communes de l’agglomération, le plus vite possible entre 2015 et 2020, alors que cette proportion était de 62 % il y a encore peu. “L’opération est particulièrement efficace parce que nous injectons un important supplément de kilomètres sur des axes très porteurs”, explique Stéphane Bis, directeur structures et développement à la Semitan (Société d’économie mixte des transports de l’agglomération nantaise).

Conducteur de la C1, Romain Durandeau, fait partie des trente nouveaux embauchés du Chronobus. Il s’est levé à quatre heures du matin pour entamer son service. “Un arrêt toutes les sept minutes, en heure de pointe, toutes les quinze autrement. Bien calculé! Ça passe!”, se réjouit-il.

De moins en moins de feux

La performance de ces nouvelles lignes repose d’abord sur des innovations de voirie pour que le bus, comme au rugby, opère des percées dans des boulevards encombrés. La ville de Nantes, connue pour préférer les ronds-points aux carrefours à feux, persiste, et chaque Chronobus n’en rencontre plus que quelques-uns sur son parcours raflant alors la priorité sur les autres circulations. Cette absence de feux fonctionne même dans des endroits très peuplés comme les sorties de grands lycées. Les voitures – et les bus – sont d’abord ralenties par des petits ronds-points, assez difficiles à négocier, puis ils sont contraints par des îlots ajoutés en milieu de voie. Les conducteurs doivent “viser” pour s’engager. “La vitesse ainsi réduite, les passages cloutés sont parfaitement respectés même pour des flux importants d’élèves”, raconte Damien Guarrigue, en charge de ces aménagements à Nantes Métropole. Nantes devient plus que jamais une ville fluide mais lente.

Cette réduction des vitesses généralisée (deuxième innovation!) s’illustre par une forte extension de la zone à 30 km/h, autour de l’hypercentre. De 60 hectares, elle passe à 800 hectares. Les marquages “30” au sol et les panneaux de limitation ont fleuri dans les rues. Les voitures n’ont plus la priorité. Elles doivent faire attention aux vélos et aux piétons. C’est un changement de cap. “Le concept se vend bien dans les autres communes de l’agglomération”, fait remarquer Gilles Retière, président de Nantes Métropole.

Troisième trouvaille, les voitures découvrent l’obligation de patienter derrière les bus. C’est le concept de la “station apaisée”. À leur bord, les conducteurs ont plutôt l’impression de s’immiscer au sein de vastes espaces pour piétons, car un seul couloir est disponible. Quand le Chronobus stoppe, il bloque tout le monde derrière lui. Au redémarrage, l’espace dégagé devant lui permet de prendre de la vitesse et d’atteindre ses objectifs de régularité. Sur la C2, ligne longue et chargée, les “bus laboratoires” de la Semitan ont noté une variation sur le temps de parcours n’oscillant plus que de trois à quatre minutes entre chaque arrêt, là où il s’étalait de deux à douze minutes.

Quand ensuite (quatrième nouveauté!), l’automobile dispose d’un couloir en parallèle à celui du bus et que les deux voies se réduisent en une seule, le bus a priorité. Cinquième idée, plus classique, le bus dispose d’un couloir réservé – qu’il partage partout avec les vélos – dans les goulots d’étrangement. À l’occasion, son chemin s’éloigne de la rue en un raccourci destiné à éviter une difficulté, comme un rond-point. Le symbole le plus fort de cette nouvelle domination du bus dans la circulation surgit dans l’hypercentre sur le cours des 50-Otages. Autrefois bras d’un affluent de la Loire, comblé pour les automobiles puis emprunté par le tramway, la voiture y disparaît. La troisième voie au milieu des deux sens de circulation de bus est réservée aux vélos. Au paroxysme du trafic nantais, le plus chargé de ses axes est en fait transformé en zone à trafic limité. N’y sont plus admises que les voitures des services d’urgence, de sécurité ou des riverains. Cette zone s’étend à quelques rues adjacentes. Elle relie des zones piétonnes préexistantes à l’est et l’ouest du cours des 50-Otages. “Nous épaississons le cœur apaisé de ville. Si des pénétrantes restent ouvertes aux riverains, le reste de la circulation est reporté autour de ce grand espace qui ne contient pas encore tout le secteur sauvegardé. Cela s’accompagne d’un stationnement payant à rotation accélérée”, indique Benoît Pavageau, directeur général des services de la mairie de Nantes mais également de Nantes Métropole.

Vélo à hauteur des piétons

Le vélo est devenu le partenaire privilégié des transports publics dans l’hypercentre. Cette transformation s’incarne dans un couloir cycliste qui, partant du cours des 50-Otages, sera vite relié à une piste existant déjà dans le sud de l’agglomération, au-delà de la Loire. Dans le même temps, autre évolution de voirie, le vélo est éjecté de la chaussée. Alors qu’il roule dans tous les couloirs de bus, quand il possède son propre chemin, il monte sur les trottoirs. “C’est le principe choisi pour rassurer les débutants. Les 2 % de déplacements effectués à vélo le sont par des cyclistes aguerris. Pour atteindre les 10 %, il faut convaincre les autres. Nous installons les couloirs cyclistes au niveau et à proximité des piétons. C’est moins effrayant que de frôler les voitures”, précise Damien Garrigue, de Nantes Métropole.

Vélo et bus dopés, voiture ralentie, puis découragée, les sept premières lignes de Chronobus devraient éviter en 2014 l’entrée de 25 000 voitures par jour dans le centre de Nantes. En accompagnement, l’heure est aussi au renforcement des parkings relais. Les 40 existants offrant un peu plus de 6 500 places sont saturés. “Certains sont à l’étude, y compris dans le centre-ville. Il va falloir les commander et vite!”, s’exclame Gilles Retière.

Dans la tête des responsables politiques nantais, le lancement des Chronobus depuis des communes voisines de Nantes, pointe l’idée d’une relance de l’intermodalité. Gilles Retière, président de Nantes Métropole, pense à nouveau aux voies ferrées inutilisées. “À quand des cars plus directs, des Chronocars dans la périphérie?”, lance le député Vert François de Rugy. “Pourquoi ne pas les cadencer et utiliser les bandes d’arrêt d’urgence des grands accès routiers à la ville de manière à améliorer les liaisons de cars directes?”, renchérit Bernard Deniaud, en charge des transports du département de la Loire-Atlantique. Les Chronobus n’ont sans doute pas fini de faire des petits.

Autocaristes affrétés: Salaün out, Quérard in!

L’une des quatre lignes de Chronobus nantais a été l’occasion d’un tour de passe-passe entre autocaristes. Les Voyages Chantreau, filiale du groupe Salaün, ont perdu l’appel d’offres sur la ligne C4 au profit du groupe Quérard. Celui-ci a donc racheté son concurrent malheureux. Conducteurs et véhicules (11 bus) ont été transférés.

"Nous avons ajouté un bus et mensualisé sept conducteurs passés ainsi de 25 heures à 35 heures", raconte Pascal Fontaine, p-dg du groupe Quérard. Pascal Fontaine a aussitôt cédé l’activité de transport occasionnel et de tourisme à une nouvelle société, baptisée Transports Chantreau, fondée par Pierre-Yves Chantreau, fils du fondateur et pdg de l’ex-Voyages Chantreau. Le groupe Quérard, qui compte 200 salariés, conforte sa position dans le transport urbain puisqu’il exploitait déjà quatre lignes de bus à Nantes. La Semitan affrète entre 18 % et 20 % de son offre kilométrique (proportion précisée dans sa délégation de service public). Ces kilomètres sont produits à 20 % en dessous du coût obtenu en interne.

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Auteur

  • Hubert Heulot
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