Équipement.
De plus en plus d’opérateurs de bus investissent dans des systèmes de gestion de flotte pour réaliser des économies sur leur facture de carburant. Zoom sur la compagnie britannique Go Ahead London qui a sauté le pas il y a quatre ans.
Systèmes de gestion de flotte, boîtiers embarqués, géolocalisation…, de nombreuses solutions technologiques existent pour permettre aux opérateurs de bus de mieux gérer leurs véhicules et leur consommation d’essence. Go Ahead London, filiale du géant des transports britanniques Go Ahead, a franchi cette étape il y a maintenant quatre ans. En effet, l’opérateur de bus qui opère dans le centre, le Sud et l’Est de Londres, a signé, en 2008, un accord de deux millions de Livres Sterling avec le groupe Mix Telematics, spécialisé de la géolocalisation, pour l’installation d’un système d’assistance à la conduite appelé Fleet Manager.
Si Go Ahead London a choisi de faire ce grand bond en avant en matière technologique, c’était avant tout pour réduire sa consommation en carburant en raison “des prix fluctuants du pétrole”, indique Mix Telematics dans un communiqué. En outre, quand on sait que le groupe opère 1 500 véhicules et emploie 4 500 conducteurs, et que la différence de consommation d’un chauffeur à l’autre peut varier de 30 %, l’économie qui pouvait être réalisée n’avait rien de négligeable. Ensuite, cette volonté d’économie devait coller aux “appels d’offres de Transport for London (TFL), qui précisent l’utilisation de véhicules équipés de la dernière technologie en termes d’émissions, ce qui exige des normes de conduites toujours plus élaborées afin de permettre des économies d’essence”, ajoute le document.
Fleet Manager permettait de répondre à cette problématique. En effet, la solution, mise au point par Mix Telematics, est un système de gestion de flotte qui permet de gérer les données concernant les véhicules via internet à n’importe quel moment. Grâce à ce système, la direction du groupe peut suivre l’évolution de sa flotte en temps réel et “optimiser le choix des véhicules adaptés à des routes ou zones particulières”, indique Mix Telematics (voir schéma).
Surtout, Go Ahead peut mesurer et surveiller la conduite de ses chauffeurs et sait désormais qui sont ceux qui conduisent le mieux et ceux qui doivent faire des progrès. Les performances de chacun des conducteurs sont désormais affichées dans leur dépôt. Les scores sont divisés en trois couleurs: le vert, qui signifie que rien n’est à signaler au niveau de la conduite, l’orange lorsqu’il y a quelques progrès à faire et le rouge lorsqu’il y a beaucoup de progrès à faire. Ce calcul, qui peut cependant varier en fonction de l’âge et du type de véhicule conduit, est possible grâce au fait que chacun d’entre eux possède sa propre clé de démarrage du bus, ce qui permet d’identifier qui conduit, quand, et sur quel trajet. Lorsque des problèmes de conduite sont détectés, un programme de formation personnalisé est mis en place. “Une formation de sept heures a été effectuée par chacun des conducteurs de Go Ahead London, au moment de l’installation du Fleet Manager”, indique John Trayner, directeur général de Go Ahead London.
En outre, Go Ahead et Mix Telematics sont en phase test pour permettre à chaque conducteur d’avoir son propre identifiant d’accès au système, ce qui leur permettra de consulter leurs propres performances sur une base mensuelle ou hebdomadaire. “Pour l’instant c’est un test, c’est presque prêt”, explique Steeve Coffin, directeur du marketing et des opérations à Mix Telematics.
Go Ahead a également opté pour le système d’affichage optionnel RIBAS, un dispositif embarqué d’aide à la conduite. Celui-ci se compose d’un boîtier noir installé à bord du véhicule qui prévient le conducteur en cas de trop forte accélération, de ralentissement excessif, de freinage brutal, d’accélération brusque et d’excès de vitesse. Une option qu’apprécie tout particulièrement John Trayner. “Grâce à la black box, nous pouvons voir ce que font les conducteurs et les véhicules 24 h/24”, indique-t-il.
Verdict: John Trayner est satisfait du partenariat avec Mix Telematics. Car la solution, qui a été mise en place sur tous les bus de la compagnie britannique, porte déjà ses fruits. En effet, l’entreprise a vu sa consommation de carburant diminuer de 10% au cours des quatre dernières années. “Quand on sait que notre facture annuelle s’élève à 30 millions de livres, ce n’est pas une somme négligeable”, indique le directeur général.
Également, le comportement des conducteurs a évolué. “Au lancement de la solution Fleet Manager, 75% de nos conducteurs travaillant sur les meilleurs véhicules obtenaient la couleur verte et seulement 50 % sur nos “pires” véhicules. Aujourd’hui, 100 % des conducteurs sur les meilleurs véhicules et 99 % sur les moins bons sont vert”, précise John Trayner, ajoutant “qu’au final, maintenant, nous avons moins de dix conducteurs qui posent problème”.
Cependant, la compagnie a dû gérer le mécontentement de ses salariés et des syndicats les représentant. Logique, quand on sait que la solution opère un contrôle des performances des conducteurs. Un point qu’avoue d’ailleurs John Trayner: “si les conducteurs sont performants, ils sont récompensés. Dans le cas contraire, nous leur proposons une formation pour une remise à niveau. En revanche, si les problèmes persistent, nous procédons à des mesures disciplinaires”. Ainsi, “nous avons dû nous séparer de cinq ou six salariés à la suite de l’installation de la solution”, avoue John Trayner.
Pour atténuer le mécontentement, Go Ahead London a mis au point l’initiative “Go-Green-Club” qui récompense les meilleurs conducteurs du mois dans chaque dépôt par de petits cadeaux (repas gratuit au restaurant d’entreprise, chèques cadeaux..). Les lauréats sont alors sélectionnés pour participer au concours du meilleur conducteur de l’année, qui récompense le gagnant par une voiture (offerte cette année par Mix Telematics).
Cette solution, si elle n’a pas fait disparaître les tensions, semble pourtant avoir porté ses fruits. “L’idée était de montrer que notre but n’était pas tant de traquer les mauvais conducteurs, mais de récompenser les meilleurs d’entre eux. Car pour que la solution fonctionne, il faut que les conducteurs se sentent impliqués. Au niveau des techniques de management, c’est un peu comme faire le choix de la carotte plutôt que du bâton”, indique Steeve Coffin.
Si le groupe Mix Telematics est très implanté à l’étranger, avec une présence dans 110 pays, il est, en revanche beaucoup moins visible en France. Malgré l’intérêt croissant que suscitent les nouveaux systèmes de gestion de flotte. "Nous sommes très présents en Grande-Bretagne, avec plus de 15 000 bus équipés. La France fait partie de nos marchés prioritaires pour notre développement. Nous allons gérer en direct la commercialisation auprès des grands groupes de transport qui, pour la plupart, sont déjà clients à l’étranger. Les avantages sont généralement bien perçus. En France, il est avant tout essentiel de passer les barrières sociales et syndicales et d’être certain d’obtenir l’adhésion des conducteurs. Ces derniers restent au cœur de la problématique de la conduite", avait indiqué en avril 2012 Jaap Groot, directeur des ventes Europe pour Mix Telematics (Bus & Car no 902). “Un contrat pourrait être signé en France dans quelques semaines”, indique Steeve Coffin. L’accord étant en cours de négociation, le directeur du marketing et des opérations du groupe préfère pour le moment rester discret sur le lieu et le montant.
Avec 1,6 milliard d’euros de chiffre d’affaires et 18 % de part de marché, Go Ahead London est le plus gros opérateur de bus de la capitale britannique. La compagnie, qui a été créée en 1992, appartient au groupe britannique Go Ahead, géant du transport collectif opérant dans tout le pays. La filiale possède en tout quatre marques, London General, London Central, Blue Triangle et Docklands opérant dans le centre, le Sud et l’Est de la capitale. Au total, ce sont 365 millions de voyages qui sont effectués chaque année par les bus de Go Ahead London.
