Haute-Savoie La création, le 1er janvier, de la communauté de communes du Pays du Mont-Blanc va donner un nouvel élan au développement des transports en commun. L’agglomération, contrainte par le relief, le climat, son dénivelé et sa large étendue, vient d’être dotée d’un ouvrage important, le pont de Saint-Gervais, qui relie les deux rives du Bonnant en contournant le bourg.
L’histoire de la commune de Saint-Gervais est ancienne. Elle est la plus haute d’Europe occidentale et abrite son toit, le mont Blanc, dont elle est la voie d’accès la plus directe. Son massif lui procure une eau, exceptionnellement riche en oligo-éléments, qui jaillit entre 38 et 40 Co. Cette situation privilégiée a fait de Saint-Gervais, dès le début du XIXe siècle (1806 précisément), la première station thermale de montagne et, au fil des années, lui a conféré ses lettres de noblesse. Fréquentée par une clientèle aristocratique et bourgeoise, la station s’est façonnée avec la construction de palaces, de parcs et de casinos qui lui donnent aujourd’hui le charme unique du style Belle Époque. Le cadre de vie agréable et sain fait que la population de Saint-Gervais est en hausse continue.
En matière de transport de voyageurs, les navettes touristiques, les téléphériques, le tramway du Mont-Blanc et les navettes privatives des thermes étaient déjà en place depuis 1950. En ce qui concerne le transport en commun, il s’agissait principalement de bus d’occasion, rachetés à de grands réseaux urbains, un peu comme le font certaines villes africaines. Il fonctionnait grâce à une régie municipale, avec du personnel communal. Le changement date de 2002. Le maire, Jean-Marc Peillex, choisit alors le principe du marché public dont le cahier des charges prévoit du matériel de taille plus modeste, propre et mieux adapté, notamment aux personnes à mobilité réduite. Mont-Blanc Bus, du groupe Veolia Transdev, emporte le marché devant deux autres offres, celle de Autocars Borini à Mégève (74) et celle de Autocars Jacquet à Marnaz (74). « Auparavant, les bus étaient en surcapacité, roulaient quasiment vides sur nombre d’itinéraires: avec Facilibus, nous avons redessiné les circuits, supprimé plusieurs circuits permanents avec l’installation d’un service de transport à la demande et nous avons intégré les services scolaires », résume le maire de Saint-Gervais.
Le Facilibus est un système de navettes gratuites sur cinq lignes. Les horaires sont fixes durant les périodes de pointe de la journée, le matin, le midi et le soir. Le reste du temps, un service de transport à la demande a été mis en place et il faut réserver les navettes par téléphone la veille du déplacement. Auparavant, il faut se procurer une carte de transport auprès des offices du tourisme de Saint-Gervais, elle coûte 25 euros pour l’année (5 euros pour une semaine). Elle est gratuite pour les moins de 25 ans et les plus de 65 ans, les chômeurs, les personnes à mobilité réduite, malvoyantes ou malentendantes. Facilibus inclut également un service de transport scolaire pour les élèves des écoles primaires.
L’ensemble des transports en commun de Saint-Gervais est assuré par des véhicules écologiques et accessibles aux personnes à mobilité réduite. Le parc est actuellement composé d’un Heuliez GX 127, de deux Cytios 30, d’un Cytios 20 et d’un Master RVI. Le succès a été au rendez-vous: « En deux ans, à partir de 2004, nous avons triplé la fréquentation », se souvient Jean-Marc Peillex. Ce fonctionnement des transports en commun à Saint-Gervais a été très bien été intégré par la population et, en 2008, le marché public est reconduit pour une durée de 4 ans auprès du même exploitant.
« Concernant la fréquentation globale, nous constatons 140 000 déplacements par an, service régulier plus transport à la demande, ce qui représente une progression de 20 % par rapport à la première année du contrat en 2008, puis une hausse de 2 à 5 % suivant les années, à l’exception de 2010/2011 avec un hiver peu enneigé », confirme Julien Lemaître, directeur de Transdev Mont-Blanc Bus. La fréquentation est très majoritairement hivernale et plus forte encore pendant les vacances. Il n’est alors pas surprenant d’enregistrer entre 4 000 et 4 500 déplacements quotidiens. Les transports à la demande sont aussi au diapason: « près de 11 000 déplacements effectués sur 2012, dont près de 75 % en hiver, soit une progression de 60 % entre la première et la deuxième année du marché public grâce au passage d’un système de lignes à un mode zonal. Puis, l’augmentation est de 3 % en moyenne les années suivantes », précise Julien Lemaître.
Le marché public, qui devait être renouvelé fin 2012, ne l’a pas été et l’actuel exploitant, candidat à sa reconduction, dispose encore de six mois. D’ores et déjà Jean-Marc Peillex confirme certaines modifications à venir: « Nous ne laisserons pas la réservation des transports à la demande à l’exploitant, nous préférons l’intégrer dans l’un de nos services. Car, lorsqu’il y a un problème, c’est toujours nous, collectivité territoriale, qui assumons le déficit. » Avec les possibilités apportées par le pont au dessus du Bonnant et la création d’une communauté de communes du Pays du Mont-Blanc, Facilibus va connaître un nouvel élan.
L’idée de ce pont n’est pas nouvelle puisque les premières discussions remontent à 70 ans! Avec l’essor de l’automobile et la motorisation croissante des ménages, le trafic était devenu de plus en plus dense: « La traversée de Saint-Gervais, c’était deux heures d’attente, un peu le Saint-Tropez – Sainte-Maxime des montagnes, si vous voyez ce que je veux dire », se souvient Jean-Marc Peillex. Le problème de la circulation a été pris à bras-le-corps par le conseil général de Haute-Savoie en 2005. Les travaux du pont démarrent en 2010. L’ouvrage de 240 mètres de long est livré le 3 novembre 2012. Le budget de 22 millions d’euros est très largement supporté par le conseil général et, dans une moindre mesure, par la commune. Le chantier est piloté par Bouygues Construction. Cet ouvrage multimodal, d’une largeur utile de 11,90 m, comprend deux trottoirs pour piétons, deux pistes cyclables et deux voies de circulation. Le pont facilite le trafic de transit et rapproche les deux rives du Bonnant: il dessert une zone résidentielle en plein développement et des remontées mécaniques sur la rive gauche, les activités commerciales et hôtelières au centre-ville sur la rive droite. Résultat, le cœur de la ville a retrouvé la quiétude d’avant l’arrivée de l’automobile. Il est devenu un espace de vie à haute valeur ajoutée où le système de transport collectif évolue de façon efficace. Cette évolution, très appréciée, va le conduire à connaître prochainement un nouvel essor. Dans cette optique, le nouveau président de la communauté de communes du Pays du Mont-Blanc, le maire de Saint-Gervais, veut définir un périmètre des transports urbains pour l’élaboration d’un plan des déplacements urbains. Le principal moteur est le modèle Facilibus, destiné cette fois à plus de 40 000 habitants et pour une dizaine de communes.
Aujourd’hui, le modèle touristique de Saint-Gervais est résolument orienté vers la famille. Les activités de thermalisme demeurent centrées sur les vertus thérapeutiques traditionnelles, tout en se mettant au goût du jour de la clientèle en matière de soins de bien-être. Les activités et les équipements ne sont pas destinés au seul accueil des touristes, en hiver pour le ski ou en été pour la montagne. Au contraire, Saint-Gervais, qui a retrouvé son art de vivre grâce aux nouveaux moyens de transport et de communication, a tous les atouts pour devenir une vraie petite ville toute l’année.