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Veolia Transdev se remet en Sem

Mobilité Face à la tendance à la municipalisation des réseaux de transport, l’opérateur Veolia Transdev veut promouvoir une alternative qui a déjà fait ses preuves: la société d’économie mixte (Sem).

Nice en juillet 2012, Cannes en octobre 2012… Depuis le mois de mai 2010 et la loi sur les sociétés publiques locales (SPL), ce ne sont pas moins d’une quinzaine de réseaux de transport qui ont fait le choix de passer, en SPL ou en établissement public à caractère industriel (EPIC). Avant cette date, des réseaux tels que ceux de Toulouse ou de Belfort avaient également sauté le pas. Selon Arnaud Rabier, secrétaire général d’Agir, une association d’élus réunissant des autorités organisatrices de transport et favorable à la régie publique, ce choix s’explique par le fait que « les collectivités qui décident de passer en régie publique souhaitent reprendre la main sur leurs transports en commun, et ce, pour une meilleure maîtrise des coûts, principalement. » Il explique également qu’au final, « ce n’est pas le modèle de la délégation de service public qui est remis en cause, c’est le business modèle des groupes de transport qui n’est plus adapté à la réalité économique, notamment en ce qui concerne les frais de sièges et les dividendes. Pour les collectivités, ces dépenses, aux vues de leurs difficultés économiques, paraissent superficielles. »

Cette nouvelle tendance au tout public n’est pas faite pour convenir aux grands groupes de transport privé tels que Veolia Transdev ou Keolis dont le modèle économique s’est avant tout basé sur celui de la délégation de service publique (DSP) qui est définie, selon la loi Murcef du 11 décembre 2001 (complétant la loi Sapin no 93-122 du 29 janvier 1993), par l’ensemble « des contrats par lesquels une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé dont la rémunération est substantiellement liée au résultat d’exploitation du service. » Si, avec le passage en régies publiques, les groupes peuvent apporter une assistance technique aux collectivités, le gain financier peut quand à lui s’avérer moindre face à une DSP rentable. Et Veolia Transdev (VTD) a donc décidé de prendre le taureau par les cornes pour éviter que le cataclysme de 2012 ne se répète en 2013.

En effet, l’année qui vient de s’écouler n’a pas été de tout repos pour le groupe qui a subi de difficiles tractations autour de son avenir. Car Veolia Environnement, qui était coactionnaire de VTD à 50 % avec la Caisse des dépôts et consignations depuis la fusion, le 3 mars 2011, de Veolia Transport et Transdev, avait annoncé, fin 2011, sa volonté de se désengager de sa branche transport. De plus, l’opérateur avait vu plusieurs grands réseaux de transport lui filer entre les doigts, tels que Strasbourg, Nice ou Cannes ou Metz. Tout cela pourrait amener VTD à clôturer 2012 avec une perte de 800 millions d’euros. En ce début d’année 2013, les gros nuages menaçants semblent pourtant s’éloigner. En effet, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), a annoncé le 23 octobre 2012 qu’elle allait prendre le contrôle exclusif du groupe en montant à 60 % du capital. Avec ce coup de théâtre, qui place l’opérateur sous de meilleurs auspices, Veolia Transdev peut maintenant s’attaquer au problème de la municipalisation.

Une mise en garde contre le tout public

Le référent mondial du transport public a notamment mis en garde les collectivités sur le modèle de la régie. D’une part, parce qu’à l’heure où « il faut passer, avec l’évolution de l’intercommunalité, d’une notion de gestion des réseaux de transports juxtaposés à une notion de pilotage de système de mobilité, l’isolement créé par une mise en régie pose une réelle question de compétence dans l’approche multidimensionnelle des problèmes », indique le groupe dans un communiqué.

Autre bémol mis en avant, le danger financier. Aux yeux de VTD, si la régie peut paraître intéressante à court terme, rien n’est gagné à moyen terme: « Toutes les municipalités ne savent pas aujourd’hui si elles doivent se déterminer en faveur d’une régie municipale des transports, d’autant que le modèle économique des régies reste à bâtir. Elles risquent de se retrouver tôt ou tard sous une double contrainte de coûts de l’innovation », argumente Veolia Transdev.

Pourtant, le groupe considère que le succès des régies publiques « est révélateur et pourrait bien être la preuve de la vitalité de la réflexion française en matière de transports publics. Vouloir s’y opposer en bloc serait une erreur. Les opérateurs se doivent d’intégrer cette volonté émergente à leur réflexion pour proposer de nouvelles solutions. » Face à ce constat, VTD considère que: « Les engagements des élus en matière de transport peuvent reposer sur un équilibre entre opérateur privé et entreprise publique. » Dans ce sens, elle propose de remettre au goût du jour un modèle vu comme une alternative entre le privé et le public et sur lequel elle a su s’imposer: la société d’économie mixte. « Au-delà d’une alternative binaire opérateurs-régies, de nouvelles voies peuvent être explorées, considère VTD, nous possédons chez Veolia Transdev une expérience avérée de la constitution de sociétés d’économie mixte (Sem) dont le rôle est d’assurer la gestion des transports publics sur le long terme. » Plus précisément, la Sem est une société anonyme dont l’actionnariat réunit à la fois des entités publiques (collectivité territoriale, établissement public…) qui détiennent la majorité des parts (avec un plafond fixé à 85 % depuis la loi tendant à moderniser le statut des sociétés d’économie mixte locales du 2 janvier 2002), et des acteurs privés. Ce mode de fonctionnement, initié par Toulouse en 1973, avait connu un pic dans les années soixante-dix avec le développement du tramway. Aujourd’hui, on dénombre une vingtaine de Sem en France, travaillant pour la plupart avec VTD. Aux collectivités qui hésiteraient à passer en régie publique, Veolia Transdev met donc en avant la Sem, en partenariat avec un opérateur, car elle promet de nombreux avantages. En tête des atouts, celui du partage de risques avec l’opérateur, ainsi que l’assurance de bénéficier de l’expertise d’un groupe spécialisé dans les questions liées au transport et à la mobilité. De plus, « les possibilités d’investissement et de développement sont maintenues, grâce à des Sem en mesure d’assurer aussi bien l’ensemble qu’une sélection seulement de services, au choix des élus », indique l’opérateur.

Un choix stratégique qui fait débat

Face au positionnement décidé par Veolia Transdev, Arnaud Rabier est plus que sceptique. Principalement parce que, selon lui, le rôle des opérateurs au sein des Sem n’est pas forcément indispensable: « Les élus n’ont pas attendu Keolis et Veolia pour créer des Sem et certaines Sem pourraient se passer d’un groupe de transport, d’autres sont tout simplement indépendantes. Selon moi, il n’y a pas un mode de gestion meilleur qu’un autre, le problème réside surtout au niveau de l’organisation actuelle des groupes. » Même constat pour Christophe Babé, directeur de la société intercommunale des bus de la région d’Annecy (Sibra), un réseau opéré par une Sem qui a choisi de se passer des services des grands groupes de transport: « La société d’économie mixte n’a pas forcément besoin d’un opérateur, nous puisons au sein d’Agir les compétences qui nous sont nécessaires. Ce n’est pas parce que nous sommes indépendants que nous ne sommes pas performants. Notre ratio recettes sur dépenses fait partie des plus performants en comparaison à des réseaux de taille similaire. Nous en sommes à 40 % quand la moyenne se situe autour des 30 % pour des agglomérations de même taille. »

En revanche, d’autres réseaux de transport sont convaincus de l’intérêt de travailler avec un opérateur privé. C’est le cas du Grand Montauban qui, en 2006, a choisi de collaborer avec VTD en créant la société d’économie mixte des transports montalbanais (SEMTM). Le conseil d’administration est composé à 56 % du Grand Montauban, à 39 % de Veolia Transdev et à 5 % d’autres partenaires. La solution convient parfaitement à Brigitte Barèges, maire de Montauban. « Cela nous a permis de mettre de vrais professionnels autour de la table », indique, l’élue UMP. « En 2006, nous nous sommes posé la question de la DSP classique, mais j’aime garder le contrôle, c’est ce que la Sem nous permet de faire, et nous sommes ravis. VTD nous apporte son savoir-faire, son professionnalisme. Par rapport à la régie, nous considérons qu’il est quand même utile d’avoir à côté de nous des professionnels. De surcroît, nous n’avons pas les moyens des villes moyennes. Autre avantage de ce système, nous pouvons toujours changer de délégataire. La DSP renouvelée a démarré en janvier 2013 pour dix ans. »

Même constat pour Robert Subra, vice-président de l’agglomération de Montpellier où le réseau de transport urbain est également géré par une Sem au capital de 4 286 000 euros dont VTD est actionnaire à hauteur de 20 % (les autres membres du conseil d’administration sont la ville de Montpellier à hauteur de 27,8 %, la communauté d’agglomération à 27,8 %, la CDC à 11,5 % et d’autres acteurs privés à 13,4 %). En plus de pouvoir bénéficier du savoir-faire du groupe, l’élu pointe un autre avantage: « Au sein de la Sem, il y a un objectif commun puisque tout le monde est partenaire, tout le monde appartient à un ensemble. C’est un système qui ne peut qu’être vertueux. Je pense que c’est le meilleur système ou le moins mauvais. »

Des intérêts non négligeables pour VTD

Pour sa part, Veolia Transdev y trouve son compte. « Cela nous permet de conjuguer la vision politique d’un projet à long terme et le savoir-faire de l’opérateur, et de garantir la pertinence et l’exploitabilité du projet », indique le groupe. Autre atout non négligeable, celui de pouvoir maîtriser le résultat économique. En effet, malgré le fait qu’une Sem reste moins intéressante financièrement qu’une DSP rentable, la rémunération n’en est pas moins assurée contrairement à la DSP. L’exemple de Reims est particulièrement explicite, puisque VTD y enregistre un déficit de 10 millions d’euros, soit 15 % du chiffre d’affaires. Au total, les contrats de partenariat représentent 2,5 millions d’euros d’activité avec un volume (assiette) de 450 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Ce choix stratégique de Veolia Transdev intervient au moment où la Caisse des dépôts et consignations, un acteur important au sein des Sem, prend le contrôle effectif du groupe. Autre hasard du calendrier, le réseau emblématique de Grenoble, lui aussi en Sem et travaillant avec VTD, doit désigner sa nouvelle DSP en février 2013. Veolia Transdev, en tant qu’acteur historique des Sem, a donc intérêt à se recentrer sur des modèles qui ont fait son succès.

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Auteur

  • Shahinez Benabed
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