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Le tramway continue sa reconquête des villes françaises

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Le tramway continue sa reconquête des villes françaises

Crédit photo Michel Chlastacz

Tramstory Moins de trois décennies après son retour à Nantes et à Grenoble, le tramway, qui avait presque totalement disparu des villes françaises, est devenu le premier acteur du renouveau urbain. Il revitalise les cœurs de villes étouffés par l’automobile et aide à "recoudre" le tissu urbain. Reculant sans cesse son seuil de pertinence, il part aujourd’hui à la conquête des villes moyennes.

L’année 2012 sera sans doute considérée comme l’année du tramway dans l’histoire des transports des villes françaises. En effet, elle a été particulièrement riche dans ce domaine avec près de 115 km de lignes mis en service, y compris les extensions des lignes existantes(1). Trois nouveaux réseaux ont été créés à Brest, au Havre et à Dijon avec deux lignes d’un coup! L’Île-de-France, avec ses 23 km de nouvelles lignes, représente à elle seule le cinquième de ces kilomètres supplémentaires (voir Bus & Car no 919). Cette progression exceptionnelle est à la mesure de celle des premières années tramway qui, de 1890 à 1914, ont profondément modifié les conditions de déplacement dans la plupart des villes françaises et ont été à l’origine de la première grande vague de périurbanisation (voir encadré). Désormais, les conditions de développement sont très différentes, car le tramway, désormais, n’affiche pas que des ambitions concernant le seul transport.

Un agent de rénovation et de remodelage urbain

La caractéristique essentielle des nouveaux tramways français réside dans leur rôle en matière d’urbanisme et d’aménagement avec l’application du principe du remodelage urbain et de la rénovation dite de façade à façade, le long de l’itinéraire d’une nouvelle ligne de tram. Cette situation originale, à la différence des autres réseaux de tram européens, résulte de la démarche spécifique qui a été mise en œuvre dès la création des nouveaux réseaux de tramways(2), à partir de la seconde moitié des années 1980. La volonté d’ajouter un plus au transport dans le domaine de la restructuration urbaine n’était pas fortuite. Elle devait atténuer les réticences qui existaient alors contre la réapparition d’un tramway présenté par ses très nombreux détracteurs comme un retour en arrière! Au fil du temps, dans de nombreuses villes, cette démarche est devenue un précieux atout en faveur du choix du tramway qui bénéficie désormais d’une image d’aménageur associée à celle de transport urbain moderne. La revitalisation générale des centres-villes(3) grâce au tramway est maintenant reconnue. On peut citer quelques exemples parmi les plus spectaculaires: le remodelage du Cours des 50 Otages grâce à la création de la ligne 2 de Nantes, le réaménagement des quais de la Garonne à Bordeaux, des boulevards des Maréchaux à Paris, du secteur de la Joliette à Marseille et des quartiers de l’est lyonnais. Plus qu’un simple réaménagement, le tramway a aidé à "recoudre" un tissu urbain mis à mal par l’étalement et l’éclatement des fonctions dans les villes dont les effets ont été amplifiés par le tout voiture.

Le tramway a rapproché les périphéries des centres tout en concentrant et en rationalisant les flux. Dans ce domaine, on se souvient de la campagne de lancement du projet du tramway de Strasbourg en 1992. Elle montrait trois images d’une même rue du centre-ville envahie par 177 voitures, remplacées par trois autobus, puis par un groupe de 177 personnes installé au milieu de la chaussée qui figurait les voyageurs d’un seul tramway. Aujourd’hui, selon les tracés, les vitesses commerciales possibles et les capacités des matériels exploités, une ligne de tramway peut transporter jusqu’à 6 000 voyageurs par heure et par sens (voir tableau).

Dans l’organisation interne des transports urbains, le tramway joue un rôle de hiérarchisation en reconfigurant les réseaux autour d’un ou plusieurs axes lourds qui desservent les points nodaux de l’agglomération comme les gares ferroviaires et routières. Ainsi, à Montpellier, le réseau est organisé de manière à ce que toutes les lignes desservent la gare Saint-Roch. Dans le passé, des erreurs ont été commises avec des rabattements systématiques de lignes de bus sur des axes tramways, ce qui multipliait les ruptures de charge. Désormais, on sait bien répartir les articulations intermodales et la complémentarité des réseaux en organisant leurs recoupements et leurs interfaces sans déstructurer les lignes de bus. Le développement des BHNS permet aussi la hiérarchisation des réseaux de bus, comme le tramway le fait pour l’ensemble du système. Une fois encore, après l’expérience du système TEOR de Rouen, l’exemple est venu de Nantes avec le Chronobus.

L’abaissement des coûts amène une extension du domaine de pertinence

L’extension du tramway n’aurait pu se généraliser sans une dynamique industrielle spécifique qui a mené à la standardisation des matériels et à l’abaissement des coûts d’infrastructures qui, rappelons-le, représentent plus des trois quarts de l’investissement initial d’une ligne. Le chemin a été difficile, car il a fallu surmonter les réticences de l’industrie ferroviaire française qui avait abandonné le créneau du tramway depuis des décennies(4), mais qui ne voulait pas non plus laisser le marché à ses concurrents allemands. Les réticences des entreprises de génie civil, non moins néophytes en matière d’infrastructures de tramway, étaient aussi très fortes. Autant de raisons qui conduisaient à des coûts élevés et qui expliquent, dans les années 1990, l’émergence de systèmes présentés comme innovants, moins lourds et moins coûteux. Ils s’affirmaient intermédiaires entre bus et tram, comme le TVR, le tram sur pneus de Bombardier installé à Nancy, puis à Caen. Il a été vite suivi de la technologie Translohr, choisie par Clermont-Ferrand et qui s’implante en Île-de-France (voir Bus & Car no 919). Les résultats sont plutôt contrastés, si Nancy a décidé de moderniser son système TVR à grands frais, Caen repassera d’ici 2016 au tramway classique sur fer.

Côté matériel, le lancement par Alstom de la gamme du Citadis lui assure une quasi-hégémonie, si l’on excepte Bombardier à Nantes et Marseille et CAF à Nantes et Besançon. Le Citadis propose des rames modulables construites en grande série à des coûts de 1,5 à 3 millions d’euros par véhicule selon les compositions. Au fil des années, cet abaissement relatif des prix s’est également manifesté pour les infrastructures, notamment grâce à des processus de préfabrication des plateformes et des voies comme avec le système Appitrack développé par Alstom. On atteint désormais des coûts d’installation(5) qui, en fonction des tracés des lignes, coûtent de 13 à 22 millions d’euros par kilomètre (voir tableau). Cette évolution a permis d’élargir considérablement la zone de pertinence du tramway et a consacré l’entrée, dans le club des villes tramway, d’agglomérations de 200 000 à 300 000 habitants: Orléans, Mulhouse (exemple suivi du lancement du premier tram train interconnecté français entre Mulhouse et Thann), Angers, Brest, Dijon et Le Havre. Et si en 2007, Le Mans a été la première agglomération de moins 200 000 habitants à s’équiper d’un tram, le choix de Besançon, avec ses 135 000 habitants et son réseau au coût optimisé (voir page 12), a encore fait significativement bouger le curseur en faveur du tramway. L’agglomération d’Aubagne avec ses 102 000 habitants a ainsi suivi, elle reste à ce jour la plus petite de toutes les agglomérations françaises ayant choisi le tramway. Mais cette liste est-elle close?

Quel type de tram pour le 3e appel à projet TCSP?

Alors qu’on est en attente du lancement du troisième appel à projets TCSP (transports en commun en site propre), pour lequel l’État a promis une enveloppe de 450 millions d’euros(6), de nombreux projets de tramways comme celui d’Amiens devraient figurer dans la liste des projets retenus. Des villes de taille comparable à celle de Besançon, comme Annecy, Troyes, Poitiers, La Rochelle et bien d’autres, pourraient aussi être intéressées.

Reste que, compte tenu de la taille des agglomérations qui peuvent être candidates au tramway, les autorités organisatrices, les concepteurs et les constructeurs se trouvent désormais face à un nécessaire redimensionnement des projets, voire un changement de leur nature. Et dans des directions qui peuvent sembler contradictoires puisqu’il s’agit de répondre à des besoins moindres en terme de trafic, en même temps que de proposer des coûts encore plus réduits, tant pour les matériels que pour les infrastructures.

Cependant, il faut envisager une plus grande couverture territoriale, car désormais, le défi est essentiellement celui du périurbain, territoire où vit aujourd’hui le quart de la population française. L’offre en transport public y est faible, voire inexistante. Ce défi concerne des agglomérations déjà dotées de tramways et qui doivent étendre leur réseau au-delà des limites urbaines et suburbaines(7), quitte à concevoir des interfaces, voire des interconnexions tram-TER en banlieue. La question se pose aussi pour des villes moyennes qui veulent s’équiper d’un tramway mais ne peuvent rentabiliser cet investissement qu’en concevant le rayon d’action de leur réseau à l’échelle de leur aire urbaine, quitte à réutiliser des plateformes ferroviaires existantes (exploitées ou non et parfois même à voie unique) pour y faire circuler ces tramways à la fois urbains, suburbains et périurbains. Il faut alors créer en même temps des pôles d’interconnexion et d’échanges qui, à l’orée des agglomérations, associeraient TER, autocars et tramways.

Dans les nouvelles dimensions de la ville étalée, il s’agit encore d’aménagement du territoire et de restructuration urbaine. Cette problématique soulève des questions institutionnelles complexes, relatives aux compétences respectives en matière de transport des agglomérations urbaines, des départements et des régions.

S’ajoutent à ce total les 30 km de la première étape du tram train de l’ouest lyonnais qui se crée à partir des trois lignes TER partant de la gare de Lyon, Saint-Paul.

Urbanistes et historiens des transports urbains feraient remarquer que la nouveauté des tracés en centre-ville est toute relative puisque les nouvelles lignes prennent fréquemment, parfois à une rue près, les itinéraires des lignes disparues. Les villes s’étendent mais ne changent pas de structure, du moins dans leur centre historique.

Le contre-exemple rouennais est lié au fait que, sous la pression des commerçants, la partie centrale de la ligne a été construite en tunnel au prix d’un surcoût considérable et d’impacts d’aménagement contestables. Les mêmes commerçants se sont ensuite plaints du fait qu’ils ne profitaient pas du tram!

Une note interne d’Alstom, datant de la seconde moitié des années 1980, mettait fortement en doute les possibilités de développement du tramway, ne voyant dans les exemples de Nantes et Grenoble que des expériences ponctuelles et sans lendemains. Le même scepticisme se manifestait à la RATP: on se souvient des difficultés de lancement du T1 Saint-Denis – Bobigny à la même époque.

Effet de levier aidant, le Gart (Groupement des autorités responsables de transports) estime que cet apport initial de l’État permettrait d’engager l’équivalent de six milliards d’euros d’investissements.

Coûts hors dépôt atelier, ouvrages d’art mixtes ou spécifiques et aménagements urbains connexes, source: CERTU.

Comme le montre le futur tram train du Médoc Bordeaux – Blanquefort dont les travaux viennent d’être lancés pour une mise en service fin 2014.

Quand la France était maillée de tramways

Il y a un siècle, la France a connu sa première tramway mania. De la fin du XIXe siècle jusqu’au début de la crise des années 1930, 90 réseaux de tramways électriques ont été créés. Ils se développaient sur 3 500 km de lignes dont un bon tiers concernait des lignes suburbaines. Des réseaux qui, avec leurs 6 400 motrices, transportaient 1,5 milliard de voyageurs. Cette empreinte du tramway était particulièrement forte en région parisienne où la STCRP, l’ancêtre de la RATP, gérait les réseaux de surface de l’ex-département de la Seine qui correspond grosso modo à l’actuelle Petite couronne, soit Paris et les trois départements limitrophes de la capitale. La STCRP était à la tête de 114 lignes de tramway qui totalisaient 612 km dont 400 maillaient les banlieues proches. En 1929, à l’apogée du réseau, les 2 300 motrices des tramways parisiens avaient transporté 731 millions de voyageurs.

En raison de la crise, de la concurrence automobile et surtout du retard de la modernisation des réseaux après la Première Guerre mondiale, ajouté à des tracés parfois peu rationnels, la disparition des réseaux de tramways s’accentue. Elle est totale en région parisienne dès 1937 (hormis le réseau de Versailles qui subsistera jusqu’en 1957) et elle s’accélère après la Deuxième Guerre mondiale pour s’achever à la fin des années 1960 dans les autres villes.

Le trolleybus prendra un (court) moment le relais.

Ainsi, il y a trente ans, alors qu’on lançait les travaux du nouveau tramway nantais, il ne restait en France plus que trois lignes historiques en service. Le Mongy, Lille-Roubaix-Tourcoing, la ligne 68 de Marseille et la ligne 4 de Saint-Étienne, l’ensemble ne totalisant qu’une trentaine de kilomètres.

Aujourd’hui, on se trouve encore très loin du tout tramway quelque peu anarchique des années trente. Il y a cependant une trentaine de réseaux existants, prolongés ou réseaux et lignes à venir (Besançon et Tours, plus trois lignes en Île-de-France).

Ils totaliseront d’ici 2015, près de 700 km de lignes parcourues par plus d’un millier de rames modernes.

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  • Michel Chlastacz
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