Surenchère pour les SAEIV

Aujourd’hui, on embarque dans un véhicule un chronotachygraphe, un éthylotest antidémarrage, des balises GPS, des girouettes, des systèmes d’aide à l’exploitation (SAE) et des enregistreurs de vidéosurveillance, sans parler de la sonorisation et des écrans vidéos. Les carrossiers de minibus comme Dietrich, Durisotti, Gruau ou Véhixel doivent développer des trésors d’ingéniosité pour trouver de la place disponible dans l’habitacle! Les redondances de matériel sont coûteuses, tant en raison de la multiplication des équipements (jusqu’à 2, voire 3 balises GPS à bord!) qu’en raison du risque de pannes induites (par prolifération des faisceaux et des connexions).

Dans le bus du futur, la standardisation est un enjeu de taille. L’équipementier Actia fait partie du programme EBSF(1) et étudie des protocoles d’échanges dans le véhicule afin d’optimiser les plate-formes hardware et limiter la multiplication des systèmes: un seul pupitre et un seul ordinateur embarqué pourront piloter et échanger avec tous les systèmes, billettique, girouettes, systèmes d’information voyageurs, etc. Ineo Systrans défend une solution d’intégration verticale: programmes, calculateurs (gamme Ucineo) et écrans TFT sont tous développés et fabriqués en interne. « Nous ne faisons pas de ventes à tiers, dans 99 % des cas on s’occupe de tout, y compris du maintien en condition opérationnelle », précise-t-on chez Ineo Systrans. Face à des systèmes d’aide à l’exploitation toujours plus sophistiqués, riches et coûteux, l’entreprise développe des solutions clés en main qui peuvent être opérationnelles en 6 à 18 mois (suivant la taille du réseau). Un chiffre à comparer aux 18 à 24 mois habituellement nécessaires pour une solution développée en application client. Le logiciel embarqué Navineo comprend deux niveaux de prestations: le pack Chronolys et le pack Localya, Localya étant une prestation plutôt dédiée au transport interurbain sans gestion horaire. Il assure la conformité à l’annexe 11(2) et le pilotage de l’affichage à bord des informations. Ce système d’information voyageurs enregistre aussi les parcours et les horodatages, ce qui permet de traiter les données topologiques au dépôt via un transfert de fichiers. exploitant peut ainsi migrer vers Chronolys, solution SAEIV(3) complète. Ineo Systrans insiste sur le fait que le SAEIV permet aussi le suivi de la conduite sans ajout de terminaux supplémentaires grâce, à la saisie du code conducteur sur le pupitre Tactileo.

Chez Ineo Systrans, on note une évolution « vers des systèmes plus démocratiques, ce qui est dû à l’annexe 11 et aux SIV(4) qui ont accéléré le mouvement. Il n’est ainsi plus nécessaire d’avoir une personne dédiée sur un poste central. L’administration réseau peut se faire sur n’importe quel serveur hébergé ou virtualisé. La formation se fait sur site en 4 à 5 jours. » La dynamique de la mise en place des SIV conformes à l’annexe 11 a démarré, mais… lentement, ce qui préoccupe les prestataires qui craignent de futurs goulots d’étranglement! Point de vue partagé par Prestige Équipement. « On vend des systèmes d’annonces dynamiques pour voyageurs tous les jours, mais on n’est pas proportionnels aux besoins du parc. À ce rythme-là, les entreprises de transport ne seront pas prêtes pour l’échéance de 2015 », explique Pascal Ballais. L’investissement pour un parc complet est important et les entreprises doivent compter sur leurs seuls fonds propres. En attendant d’éventuelles solutions de location ou de financement, les équipementiers comme Actia, Prestige Équipement ou Kerlink prévoient de plus en plus des systèmes modulaires qui évitent les redondances. Ainsi, chez Prestige Équipement, les girouettes Mobitec peuvent-elles communiquer avec le boîtier ICU600 qui intègre, dans un seul boîtier format DIN, autoradio, GPS, amplificateur, boîte vocale, interface de chargement via une prise USB et pupitre de commande. Du coup, plus de PC embarqué ni de pupitre déporté. Peu connu malgré ses 15 000 équipements en circulation, le breton Kerlink développe des solutions modulaires avec le calculateur enfoui Wirma Road HD, ou sa version basique Wirma RM. Ils peuvent être couplés à des écrans tactiles et tous les équipements des autobus actuels. Kerlink n’a pas une politique d’intégration verticalisée, ce qui permet de monter des équipements de différentes marques sans redondance. La société ne vend pas en direct, mais travaille en partenariat avec des firmes comme SPIE ou Lumiplan. La modularité revendiquée est un atout non négligeable en terme de coût… et d’économie de montage!

Un équipement SAEIV peut, en fonction de sa complexité et de ses fonctionnalités, coûter de 250 à 600 € de frais de pose et représenter d’une demi-journée à une journée de travail (et donc d’immobilisation). Point commun en terme d’approche entre Kerlink et Prestige Équipement: la volonté de faire le moins de trous et de connectique possible!

Les SAEIV ont désormais dépassé le cadre du suivi de véhicule et de l’information voyageurs. Maintenant, ils peuvent prendre la main avec le développement des priorités aux feux. Deux architectures existent: la balise du bus communique à l’automate de feux en direct via une radio courte portée, ou bien la communication se fait par liaison radio au poste de régulation qui renvoie la demande aux armoires à feux situées aux intersections. Le couplage au SAEIV permet de savoir si le véhicule est en avance ou en retard sur son horaire de référence et active, ou non, les priorités aux feux.

Outre Comatis, Spie (avec le calculateur Kerlink Gateway IO) ou Thalès, les spécialistes des SAEIV comme Navocap ou Ineo Systrans proposent ces modules, « ils contribuent très fortement à la régularité », explique-t-on chez Ineo Systrans. Analyse confirmée par Laurent Sénigout, directeur d’exploitation de Keolis Lyon (réseau TCL): « Cela peut être très performant sur certains axes. Le gain de temps peut être très important dès que l’on circule sur plusieurs centaines de mètres de couloirs de bus sans arrêts intermédiaires. » Il convient de noter que, dans le cas des TCL, un rappel visuel sous le mât de feux permet d’avertir le conducteur de la prise en compte de la balise de priorité pour permettre « au conducteur de ralentir sans freiner et d’éviter des cycles d’arrêt et de démarrages inutiles. » Preuve de ce gain de productivité à Lyon: « sur la ligne C1, la régularité est demeurée constante malgré l’extension de la ligne de la Cité Internationale vers le métro Cuire », soit un doublement du parcours, en grande partie en voie banalisée. Mais Laurent Sénigout avoue cependant que de tels systèmes ne font pas tout: « Pour que la régularité soit bonne, le graphique de circulation doit être robuste et fiable. » Les priorités aux feux et les SAEIV les plus sophistiqués ne pourront pas compenser la multiplication des obstacles et des restrictions de circulation que les élus des grandes villes s’ingénient à multiplier. Laurent Sénigout confie que les aménagements “anti-voitures” constituent une question très, très compliquée pour l’exploitation d’un réseau de transports.