Détenant le plus grand parc de bus hybrides en France, le Grand Dijon fait figure de terrain d’étude pour cette technologie encore récente. Réduction de la consommation de carburant, niveau de bruit, maintenance, fiabilité, etc. Les 102 Heuliez Bus HYB sont suivis de près par l’opérateur Divia qui s’appuie sur le cadre inédit d’un contrat de PPP (partenariat public-privé) pour mesurer les forces et les faiblesses de l’hybride. Une première.
Après le tramway, la billettique, de nouvelles installations regroupant dépôt et centre de gestion, Divia, le réseau de transport en commun du Grand Dijon exploité par Keolis, n’a pas voulu s’arrêter en si bon chemin et a signé pour une nouveauté supplémentaire. Il s’agit d’une commande record de 102 bus hybrides. Le réseau de Dijon est ainsi devenu le plus grand parc de bus hybrides actuellement en exploitation en France. Cette commande record date de mai 2012 et représente 102 Access’bus Heuliez Bus, dont 41 GX 327 et 61 bus articulés 427 HYB. Elle a été faite sous la forme, originale et inédite en France, d’un contrat de PPP (partenariat public-privé), et jugée risquée à l’époque étant donné le manque de retour d’expérience en exploitation de cette technologie jeune et dont les caractéristiques définitives sont encore loin d’être fixées. Si le Grand Dijon avait inscrit à son agenda le renouvellement de son parc de bus, aucune préférence particulière concernant l’énergie n’avait été énoncée, si ce n’est qu’elle soit propre. « Le choix de l’hybride est apparu au moment du déplacement de nos installations de GNV sur notre nouveau site », se rappelle Pierre Audouin, responsable du service d’exploitation de Divia, « soit nous passions tout au gaz pour rentabiliser l’investissement, soit nous l’abandonnions. » Depuis 8 ans, Dijon faisait en effet rouler au GNV une partie de sa flotte, 37 Van Hool A 330 et 28 Mercedes Citaro. Porté par les décideurs politiques, le choix de l’hybride entraîne un calendrier serré pour une technologie encore peu commune à l’époque: les constructeurs sont consultés entre l’été et l’automne 2010, le cahier des charges est rédigé début 2011 et la consultation est ouverte six mois plus tard.
Outre l’hybride, les constructeurs découvrent alors les subtilités du contrat de PPP imposé par le Grand Dijon. Ce contrat plus juridique que commercial est remporté par Heuliez Bus, face à Iveco Bus et Van Hool. Il est peu commun dans le transport urbain, mais déjà mis en pratique à Dijon, que ce soit pour l’exploitation du nouveau tramway ou l’alimentation électrique et la gestion de la signalisation confiées à Cofely Ineo GDF Suez. Une expérience dont Dijon se sert astucieusement pour limiter son exposition aux risques dans l’exploitation, encore inconnue, de son nouveau matériel. « Le PPP a le grand avantage d’impliquer le fournisseur du bien pour qu’il participe à la vie de son produit sur une durée de 15 ans, avec des objectifs de résultats précis et quantitatifs », résume Pierre Audouin. Ce PPP a ainsi permis à Dijon de tester à peu de frais les véhicules hybrides neufs, réputés 30 à 50 % plus chers que les bus 100 % diesel, en engageant les constructeurs non seulement sur la fourniture du matériel, mais aussi sur la maintenance et même la performance de leurs produits. « Outre les critères classiques de fiabilité et de taux de disponibilité, nous leur avons imposé deux objectifs principaux, chiffrés et contractualisés portant sur la consommation de carburant et le niveau de bruit », explique Pierre Audouin. Face à l’absence de repères dans ce nouveau monde qu’est l’hybride, Divia met alors sur pied une méthodologie pour un protocole de mesures et d’essais. « Nous avons déterminé un circuit de 5 km reprenant les trois profils de parcours de notre réseau, roulant à l’extérieur de la ville, plus lent en hypercentre, puis sur une topographie plus pentue », détaille le responsable de l’exploitation de Keolis Dijon. « Sur le volet technique, le PPP nous a permis de mettre des moyens de comparaison », se félicite-t-il.
Concernant le bruit, les mesures sont prises en statique et en dynamique sur une piste d’essai du site de Divia qui a suivi de très près ce volet. En effet, les Mercedes Citaro GNV du réseau pêchaient sur ce point: « ils n’étaient pas très discrets, cela nous a posé de vrais problèmes, c’était mal perçu par les habitants ». De la même manière, Heuliez Bus a détaché un responsable à Dijon pour être en contact permanent avec Divia. « Heuliez Bus est présent sur la maintenance pour la partie qui touche à l’hybridation, c’est-à-dire le stockage et la gestion de l’énergie au niveau des batteries et du convertisseur. Ils ont le contrôle sur cette partie qui nous est inconnue et qui est aussi la plus risquée, la grande interrogation portant bien entendu sur la durée de vie des batteries estimée à 7 ou 8 ans, à comparer à une durée de contrat de 15 ans. »
Une convention d’interface régit les rapports entre Keolis, Heuliez bus et le Grand Dijon. Après 5 mois d’exploitation des premiers bus livrés, et alors que la totalité des 102 véhicules ont rejoint le réseau mi-juillet, les premiers bilans sont plutôt positifs. « Les engagements sont confidentiels, mais nos mesures faites jusqu’à présent sont plutôt positives avec 36 l/100 km et 44 l/100 km avec les articulés », explique Pierre Audouin qui les juge « encourageants ». Un gain supplémentaire d’1 l/100 km par mois est même attendu, fruit du rodage des véhicules comme des conducteurs. Côté passagers, les niveaux de bruit et de confort sont très agréablement perçus.
Au plan comptable, difficile toutefois d’annoncer une rentabilité de ces bus hybrides basée sur la seule économie de gasoil. « Le calcul d’amortissement sur ce seul facteur semble difficile à équilibrer », estime Pierre Audoin. Au chapitre de la maintenance, aucune source de surcoût n’est apparue. Hors hybridation, ce serait même plutôt l’inverse, notamment sur les équipements de freinage, moins sollicités. « Mais tout dépendra de la stratégie tarifaire des pièces détachées fixée par BAE, le fournisseur de la technologie HybriDrive sur les Heuliez Bus », avance prudemment le responsable d’exploitation, avant de se rassurer: « avec le PPP, on est protégés sur ce point. » En tout état de cause, il faudra attendre avant de pouvoir tirer un bilan chiffré du TCO (total cost of ownership) des bus hybrides.
