Entretien La filiale française de l’opérateur de transport suisse CarPostal a choisi la France comme premier marché export. Face à Keolis, Transdev, Ratp Dev ou des transporteurs locaux, CarPostal cultive sa différence et vise un développement mesuré et de qualité. Philippe Cina, responsable développement marché international, revient pour Bus & Car sur les ambitions et les développements réalisés par le groupe en France.
Nous tirons un bilan positif de notre parcours en France, c’est une étape importante pour CarPostal, puisqu’il s’agit de notre premier développement à l’international. De 34 M€ de chiffre d’affaires en 2010, nous l’avons doublé depuis deux ans. Sans détailler le résultat net, je peux dire que le chiffre d’affaires est rentable. Aujourd’hui, nous avons une véritable structure au niveau du siège en France, ce qui n’était pas forcément le cas auparavant. Les équipes de CarPostal France jouent un rôle de support efficace et présent.
Nous avons remporté deux succès importants, à Menton et Salon-de-Provence. Ils nous apportent un point d’ancrage dans le sud-est de l’hexagone et nous permettent de faire le lien avec les territoires où nous sommes déjà implantés. Nous avons aussi gagné le TAD de La Roche-sur-Foron, géré par 4 communes, c’est un premier pas en Haute-Savoie même si c’est un marché de plus petite taille.
Au-delà des contrats remportés, nous nous réjouissons également lors des renouvellements de contrats passés, c’est un bon indicateur de satisfaction. C’est le cas à Haguenau pour une durée de 7 ans, c’est la reconnaissance d’un bon travail. Nous pourrons aussi le mesurer lors des prochaines échéances de contrats actuels, dans trois ans, pour Mâcon, Dole, Agde ou encore Villefranche-sur-Saône. Nous nous y préparons.
L’ancrage local est important, nous ne cherchons pas à tout faire nous-mêmes. Nous souhaitons d’abord travailler avec des sous-traitants. Par exemple, à Salon-de-Provence, 30 % du kilométrage est sous-traité à un partenaire local. Et à La Roche-sur-Foron, le call center sera opéré depuis Mâcon, mais c’est un transporteur partenaire qui assurera l’opérationnel sur place.
L’enjeu était de réussir le démarrage le 1er juin à Menton. La mise en place a été sportive je dirais, elle s’est effectuée selon les critères de l’appel d’offres, mais certains choix ont déplu aux voyageurs. Nous avons donc réorganisé le 1er juillet et le réseau a réalisé un bon démarrage, l’important était de réussir la rentrée scolaire. Avec la livraison en cours ou dans les prochaines semaines de nouveaux véhicules, le lancement sera bouclé. Nous attendons 12 bus standards Heuliez Bus et des minicars Vehixel. Nous achetons volontiers auprès de constructeurs français, même si ce critère ne figure pas nécessairement dans l’appel d’offres.
Nous avons remporté le contrat fin juin, mais il ne démarrera effectivement que le 1er janvier 2014, pour une durée de 5 ans. Nous sommes en cours de recrutement du directeur du réseau, et une commande pour de nouveaux véhicules a été lancée pour 20 midibus HeuliezBus GX127 et d’autres plus petits.
C’est un réseau de 2,2 millions de kilomètres. L’enjeu est de bien démarrer, car il a connu des remous par le passé lié au contexte local. Nous serons très attentifs au lancement. Le réseau Libébus restera aux couleurs actuelles, mais sera revu fin 2014 avec 300 000 kilomètres supplémentaires. Il existe une forte volonté de développer le commercial pour aller chercher le client, les recettes et les voyageurs.
Ce sera une année importante pour CarPostal France qui fêtera ses 10 ans d’existence et de présence. Nous visons un développement mesuré et progressif en élargissant notre activité de un à deux marchés supplémentaires, et éventuellement une acquisition en interurbain. Nous conservons notre rythme d’étudier 5 à 7 dossiers d’appels d’offres chaque année.
Il s’agit d’agglomérations dont le réseau se compose uniquement de transport routier, avec une flotte autour d’une cinquantaine de véhicules pour 120 000 habitants environ. Il faut également qu’il y ait une cohérence géographique avec notre réseau actuel, afin de profiter de synergies dans l’échange de prestations, de conducteurs et faciliter le suivi local par nos équipes du siège de Saint-Priest, près de Lyon. Au-delà de la taille du réseau, nous sommes également attentifs à l’état d’esprit des AOT, qu’elles aient un véritable projet de développement, où nous puissions apporter de la valeur ajoutée et pas uniquement se contenter de l’exécution ou de réaliser du kilométrage.
Nous mettons l’accent sur la relation avec le client AOT, basée sur la proximité, une forte présence au quotidien, j’irais même jusqu’à dire une relation sincère. Nous ne sommes pas un groupe dont le seul but est de faire des profits, CarPostal a une véritable culture du transport public. Et je crois que les AOT y sont sensibles, c’est un discours qui porte ses fruits. Aujourd’hui, notre tâche consiste également à créer des échanges entre la France et la Suisse pour affirmer notre différence et bénéficier d’apports en termes d’innovation produit.
Je pense notamment au bus à hydrogène, également appelé pile à combustible ou fuel cell en anglais. En France, la technologie est quasi inexistante, car les constructeurs et les AOT ont fait le choix de l’hybride électrique. Et le choix reste de toutes façons celui de l’autorité organisatrice. En tout cas, CarPostal serait tout à fait prêt à en mener l’exploitation en France, selon la volonté de l’AOT. Nous cherchons à susciter l’intérêt en France, dont celui des AOT clientes comme Dole ou Grenoble. Elles observent avec attention notre expérimentation qui dure déjà depuis deux ans.
Nous avons aussi d’autres innovations à proposer, comme le cadencement, la correspondance aller et retour en gare, le vélo libre-service, l’info voyageurs ou bien encore le WiFi à bord en ce qui concerne le domaine des technologies. En Suisse, 70 % de notre parc de 2 200 véhicules est équipé de WiFi embarqué, son coût n’est pas inabordable et son utilité pour les voyageurs est encore plus marqué pour l’interurbain.
Si l’on prend les derniers marchés que nous avons remportés, notre offre n’était pas la moins chère, mais elle présentait le meilleur rapport qualité-prix. Notre but est d’être rationnel dans les dépenses sans rogner sur la qualité des prestations.
> 525 véhicules.
> 20 millions de kilomètres.
> 53,5 M€ de chiffre d’affaires (2012).
> 652 collaborateurs (moyenne temps plein).
> Direction en France: Nathalie Courant.
> Réseaux urbains: Agde, Bourg-en-Bresse, Dole, Haguenau, Mâcon, Menton (2013), Salon-de-Provence (2013), Villefranche-sur-Saône.
> Réseaux interurbains: Agde, Béziers, Dole, Grenoble, Mâcon, Montpellier, Saint-Etienne.
Remportées par CarPostal en 2009 et 2010, les lignes régulières express de TransIsère devaient faire l’objet d’un nouvel appel d’offres pour l’ensemble des services. Présenté fin août 2012 par le conseil général de l’Isère, cet appel d’offres concerne l’exploitation, pour une durée de 7 ans, de 3 lignes express, regroupées cette fois-ci en un seul lot. Il sera remis sur le marché courant 2014, après qu’il a été déclaré infructueux.
Pour ces lignes totalisant entre 2,5 et 3,1 millions de kilomètres, le département avait requis des candidats que les 10 véhicules soient à deux niveaux pour une capacité minimale de 78 places + UFR, selon l’annonce officielle. Les réponses apportées par les transporteurs candidats à la clôture des offres fin janvier 2013 ont semble-t-il dépassé les contraintes budgétaires du CG de l’Isère liées au surcoût de ce type de véhicule. « CarPostal a été temporairement confirmé jusqu’à la fin de l’année, et le marché sera représenté en 2014 », explique Philippe Cina de CarPostal.
Par ailleurs, le transporteur suisse fait toujours l’objet d’une procédure, entamée depuis 2012 et menée par les Cars Faure, Cars Berthelet et Réunir Dauphiné. Ils ont été déboutés de leur demande par le tribunal administratif en juin 2012, et l’autorité préfectorale a confirmé que l’offre de CarPostal n’était pas sous-évaluée. En juillet 2013, les transporteurs plaignants ont alors décidé de saisir les tribunaux de commerce de Vienne et de Grenoble pour obtenir réparation d’un préjudice estimé à plus de 12 millions d’euros, d’après le journal local Le Dauphiné.
Ces transporteurs dénonçaient des attributions de marché « faussées » et « une concurrence déloyale » de CarPostal qui réaliserait des « prix à perte grâce au soutien financier direct et indirect de sa maison mère, la poste suisse, établissement public. » Interrogé par Le Dauphiné, le vice-président du CG de l’Isère, Didier Rambaud, rappelle que « la commission départementale d’appel d’offres effectue son travail en toute transparence, dans le respect des critères et dans la plus grande rigueur. »
B.G.
