Région et intermodalité La Fédération nationale des transports de voyageurs tenait son 21e congrès à la Maison de la Chimie à Paris le 16 octobre 2013. Les débats, réunis sous le thème “Autocar et mobilité de demain”, ont abordé l’avenir de la profession, teinté d’espoirs et d’incertitudes.
Autocar et mobilité de demain. C’est sur ce thème, lourd de problématiques, que la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) avait choisi de se concentrer lors de son 21e congrès. La rencontre, qui s’est déroulée le 16 octobre 2013 à la Maison de la Chimie à Paris, s’est donnée pour mission de discuter les enjeux que les acteurs du transport routier de voyageurs auront à relever au cours des prochaines années.
Parmi les sujets douloureux qui ont été abordés au cours de la journée, celui de la hausse de la TVA qui passera, pour les transports, de 7,5 % à 10 % en janvier 2014. Une mesure qui a suscité de vives critiques. « Le gouvernement nous objecte que le crédit d’impôt compétitivité emploi
Au cours de la journée, un autre sujet douloureux pour la profession a fait l’objet d’un débat. Celui de l’accessibilité et de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Le texte, daté du 11 février 2005, prévoit que dans les transports, toute la chaîne de mobilité soit accessible aux personnes à mobilité réduite. Et ce, dès le mois de février 2015. Or, comme l’a souligné Pascal Bureau, administrateur de l’Association des paralysés de France (APF): « Il reste un an et demi avant la mise en application de la loi et je pense que nous ne serons toujours pas au rendez-vous de l’accessibilité en 2015. » À ce sujet, Éric Ritter, secrétaire général de la FNTV, a tenu à défendre la profession: « Il nous faut des règles claires très vite. Nous nous sommes aperçus de l’obstacle qui était devant nous, mais personne ne voulait le voir. Si le calendrier de la loi n’est pas négociable, il nous faut un calendrier avec des obligations précises. » Le secrétaire général a notamment tenu à mettre en lumière les difficultés que pouvaient rencontrer les autocaristes, notamment dans le cas de certains appels d’offres: « Quelques-uns d’entre eux sont non conformes aux attentes de 2015. Cela pose problème aux candidats de ces dits appels d’offres, car s’ils doivent acheter des véhicules, ils doivent penser à leur amortissement. »
Marie Prost-Colleta, déléguée ministérielle à l’accessibilité, présente au congrès, a souhaité apporter quelques précisions sur le sujet. « La loi sur l’accessibilité a été réaffirmée par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault le 25 septembre dernier, lors d’une rencontre avec le Comité interministériel du handicap (CIH). Il nous a demandé de mettre en place deux chantiers: un premier visant à favoriser l’inclusion, et un second visant à voir les ajustements possibles sur les règles, les normes. L’idée n’est pas d’aller vers une simplification du texte, mais de construire un outil pour dépasser 2015 tout en respectant les fondamentaux de la loi. » Cette concertation prendra fin en janvier 2014 et devrait notamment aboutir à la mise en place d’« agendas d’accessibilité programmée ». Un bilan de cette concertation sera établi lors d’une conférence nationale du handicap, prévu pour 2014.
La question de la réforme des collectivités territoriales et de la gouvernance des territoires
Au niveau de la gouvernance, « les habitudes de vie font exploser les cadres institutionnels, nous ne pouvons pas additionner les politiques sans cohérence, d’où l’idée d’un schéma régional d’intermodalité. Mais il faut un chef de file, et ce sera nécessairement la région. Il faut une coopération sur tout le territoire. Ce sont des avancées nécessaires qui se heurtent à des habitudes et à des conservatismes de la part de certains élus. Il faut qu’on aille dans ce sens, tout en gardant les compétences existantes de chacun », a-t-il ajouté. Selon Jacques Mezard, sénateur du Cantal, « Les amendements comme celui qui donne à Lyon un périmètre de transport métropolitain (PTM) [qui signifie un territoire de la métropole sur lequel s’organise le transport public, ndlr], vont dans le bon sens. C’est-à-dire vers une organisation à l’échelle métropolitaine, d’autant plus que les frontières entre l’urbain et l’interurbain s’atténuent. »
En revanche, il a considéré comme indispensable de « former les élus aux questions des transports. Il faut que ces derniers connaissent bien leurs sujets, ils doivent être impliqués de plus en plus. »
L’autre grand sujet qui a été abordé au cours de la rencontre concernait l’image de l’autocar. Aux yeux des congressistes, de nombreux progrès ont été réalisés. « On constate qu’il y a une évolution de l’image de ce mode de transport, a considéré Michel Seyt, président de la FNTV. Les autorités organisatrices ont compris que l’autocar était utile, intéressant au niveau économique, écologique, etc. » Cependant, tout n’est pas encore acquis, et le stéréotype du car des années soixante-dix à l’odeur nauséabonde et polluant persiste. « Les voyageurs qui prennent l’autocar sont satisfaits et le recommandent. Mais le problème réside dans le fait que nous n’avons pas encore beaucoup progressé au niveau de l’image de l’autocar, surtout chez les personnes qui ne voyagent pas avec ce mode et dans la presse. Car il y a un déni médiatique. Il y a donc encore un gros travail de communication à faire. Que ce soit pour mettre en avant l’économie énergétique des véhicules, ou le fait qu’ils soient moins polluants, non dangereux, etc. », a expliqué Guillaume Pepy, président de la SNCF, qui présentait iDBUS, le service de voyages longue distance en car mis en place par le groupe ferroviaire (cf. encadré).
Pour tenter d’aller au-delà des stéréotypes, certaines autorités organisatrices ont décidé de mettre les petits plats dans les grands pour changer l’image de l’autocar. C’est le cas du conseil général de Gironde qui a inauguré, le 20 décembre 2012, le service e-car destiné aux longs trajets sur le réseau TransGironde, entre Bordeaux et Lège-Cap Ferret et entre Bordeaux-Stalingrad et Langon. Il est défini par le département comme le premier service circulant avec des autocars interurbains à haute qualité de service. Chaque véhicule, de la marque Iveco Bus, propose 55 places, est équipé du WiFi et de prises électroniques, et la presse quotidienne y est mise à disposition. « Nous disposons au total de 24 cars neuf équipés des dernières technologies permettant aux voyageurs de rentabiliser leur temps de trajet », a expliqué Christine Bost, vice-présidente du conseil général de Gironde. Nous avons également mis en place une tarification unique à 4 euros aller-retour. Résultat: nous avons augmenté la fréquentation de plus de 150 % en un an et atteint dès la première année nos objectifs sur trois ans. Ce qui a prévalu, c’est de se mettre du côté de l’usager, que ce soit en terme de communication ou de tarification. Il fallait une meilleure visibilité. »
Des solutions existent donc pour faire de l’autocar un mode de transport encore plus plébiscité par les voyageurs. En revanche, la technologie n’est pas sans avoir un impact financier: « En mettant en service un matériel attractif, cela nous oblige à investir toujours plus. Cela a un coût qui fait qu’avant de continuer à investir, nous ferons un bilan du service au bout de deux ou trois ans. Mais ce type de matériel, c’est l’avenir », explique Christine Bost.
Reste à savoir si, avec la conjoncture économique, les innovations de ce type pourront se développer à une plus grande échelle. Le projet de l’@car, visant à concevoir l’autocar du futur et qui avait été chapoté par la FNTV, a visiblement, lui, été victime de la crise. En effet, il s’est vu adresser un refus dans le cadre d’un appel à manifestation d’intérêt de L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), auquel il candidatait: « Nous avons été victimes des restrictions budgétaires de l’Ademe, s’est désolé Michel Seyt, et ce, malgré un véritable investissement des acteurs. Devons-nous pour autant tout abandonner? Non. Car aujourd’hui, beaucoup d’autres travaux restent à faire. Par exemple, nous devons nous concentrer sur les 29 millions de personnes qui vivent dans les campagnes et qui ont besoin, eux aussi, de transports collectifs, ainsi que sur le défi de l’intermodalité à relever. »
Le ton est donné.
Le crédit d’impôt compétitivité emploi, ou CICE, est une mesure mise en place par le gouvernement pour accroître la compétitivité des entreprises via une économie d’impôt équivalant, pour 2013, à 4 % de la masse salariale.
La réforme des collectivités territoriales de 2013 est connue sous le nom d’acte III de la décentralisation. Elle cherche, en plus de modifier le mode de scrutin, à apporter une clarification dans les compétences des collectivités. Les différentes modifications ayant trait aux compétences sont divisées en trois projets de loi distincts: un premier portant sur l’affirmation des métropoles, un autre concernant les régions et un dernier portant sur les solidarités territoriales.
le versement transport (VT) consiste en une contribution financière des entreprises de plus de neuf salariés, versée aux autorités organisatrices de transport et servant à financer les transports publics de la zone donnée.
Si les autorités organisatrices se tournent de plus en plus vers l’autocar, elles ne sont pas les seules. D’autres acteurs du transport se lancent aussi dans l’aventure. C’est le cas de la SNCF qui a lancé le service iDBUS le 23 juillet 2012: « Notre conviction est qu’il y a de la place dans l’autocar pour un groupe ferroviaire, explique Guillaume Pepy, numéro un de la SNCF. Sur la longue distance par exemple, le car peut être complémentaire du train. Aucun mode ne peut faire tout et tout faire bien. Notre idée était de faire un service complémentaire par rapport au train. Il faut utiliser le car là ou il est imbattable, par exemple la nuit. Car ce mode de transport convient aux personnes qui ne sont pas regardantes sur le temps de trajet, mais pour qui le principal argument est le prix. » Cette offre complémentaire porte ses fruits: « Nous obtenons déjà de bons résultats, avec un taux de recommandation de 26 %. Également, une nouvelle offre crée une nouvelle demande, et 25 % de nos clients n’auraient pas voyagé sans le bus », ajoute-t-il. En revanche, le service n’en est pas encore à l’équilibre financier. Une situation que Guillaume Pepy explique aisément. « Nous n’en sommes qu’aux débuts du service. Pour faire des profits, une entreprise doit attendre un peu. Mais comme toute entreprise, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre de l’argent. La principale difficulté que nous rencontrons est liée au fait que la longue distance est un marché sous contrainte. Le modèle économique des liaisons longues distances se cherche, il est super-régulé, trop restrictif, nous ne sommes pas encore arrivés au modèle économique de demain », expliquait celui qui, à l’étonnement de beaucoup, a défini la SNCF comme « un groupe d’origine ferroviaire… ». Les temps changent.
