Marchés publics À l’occasion du 20e anniversaire de la loi Sapin, l’Institut de la gestion déléguée (IGD) a organisé, le 10 octobre dernier à Paris, un colloque qui a réuni une vingtaine d’intervenants, élus, chefs d’entreprises et enseignants. Ils ont dressé l’état des lieux de ce mode de gestion devant 300 participants. Bien évidemment, le transport s’est invité dans les tables rondes qui ont alimenté le débat.
Perception par les différents acteurs, contribution à la croissance économique et résonance à l’international, telles étaient les trois problématiques du colloque Gestion déléguée: un atout pour les services publics, une opportunité pour notre économie, organisé par l’Institut de la gestion déléguée (IGD). Réunissant une vingtaine d’intervenants et 270 participants, ce débat a aussi été l’occasion de rappeler l’importance d’un mode de gestion qui réalise un chiffre d’affaires de 130 milliards d’euros, soit 6 % du produit intérieur brut (PIB) ou 15 % de la dépense publique, et emploie 1,2 million de salariés non délocalisables.
Dans le transport, la gestion déléguée couvre 88 % des réseaux hexagonaux contre 12 % exploités en direct. Une répartition qui semble opérer un glissement progressif dans la mesure où « nous observons la création, à la demande des élus locaux, de plus en plus d’entreprises dédiées au territoire, filiales des grands groupes », assure l’IGD dans la première édition de son atlas de la gestion des services publics locaux. Principal atout du secteur: naviguer à contre-courant dans un contexte de crise. « Entre 1999 et 2011, la relative stabilité des prix des transports se démarque de la hausse continue des autres services publics. Les recettes commerciales représentent en moyenne 33,8 % des dépenses totales de fonctionnement des services de transport urbain », rappelle l’IGD.
Pour autant, le principe de gestion déléguée, tel que définit il y a vingt ans par la loi Sapin, pourrait peut-être connaître certains changements avec, au cours de ce mois de novembre, les votes par Bruxelles des versions définitives des directives Marchés publics et Concessions de services. Des adaptations fraîchement accueillies par l’IGD qui craint une limitation de la durée des contrats, actuellement de onze ans en moyenne, obligeant ainsi les collectivités à multiplier les procédures et donc les coûts de transaction à leur charge. L’IGD redoute aussi un encadrement des modifications de contrats trop rigides et une exclusion des sociétés d’économie mixte (SEM) du champ d’application des directives, au profit d’entreprises liées sans mise en concurrence.
À l’échelle francilienne, dont la délégation est actuellement assurée par la RATP, la SNCF et Optile, les prochaines décennies devraient apporter aussi leurs pierres à l’édifice. « Les contrats de service public étaient jusqu’à très récemment conclus directement avec des opérateurs publics ou privés pour une durée illimitée. Avec le développement du Grand Paris et la libéralisation des transports ferroviaires, les contrats pour la gestion des services de transport devront être conclus après mise en concurrence », prévient l’IGD. Une compétition qui devrait donc particulièrement se durcir en Île-de-France et continuer à faire rage dans le reste de l’Hexagone. « Dans notre activité, un tiers des contrats de gestion déléguée ont changé de titulaire au cours des huit dernières années. À lui seul, ce chiffre témoigne de la réalité de la concurrence », défend Jean-Marc Janaillac, président de Transdev et de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP), lors de la première table ronde.
Avec une remise à plat des contrats en moyenne tous les cinq ans dans le transport, le trio collectivité locale, opérateur et usager, vise un objectif commun: augmenter la qualité de service des réseaux. Une dynamique dans laquelle chacun doit pouvoir tirer son épingle du jeu. « La gestion déléguée, c’est d’abord un modèle qui reste profondément moderne et évolutif. Nous pouvons encore innover, progresser, comme en attestent des nouveaux contrats qui apparaissent et qui permettront de miser sur le gagnant-gagnant: les gains financiers issus d’une bonne gestion sont répartis entre la collectivité et l’élu », précise Jean-Marc Janaillac. Un constat partagé par Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France (AMF): « nous sommes dans une relation équilibrée. Les élus ont les moyens de traiter d’égal à égal avec les groupes privés. D’abord, ils gardent la maîtrise du choix. Ensuite, avec l’intercommunalité, les délégations ont grossi en taille, donc en compétences. Enfin, ils peuvent se faire accompagner par des associations d’élus ou des cabinets de conseil extérieurs. »
Dans un contexte de restriction budgétaire, le financement de l’innovation semble lui aussi un levier incontournable. « Les pays de l’Union européenne doivent investir 200 milliards d’euros par an pendant vingt ans dans la modernisation de leurs infrastructures et de leurs services publics. À elle seule, la France a besoin de sept milliards d’euros. Si 45 % de cette assiette est injecté dans les entreprises, la taille du projet fait appel à différentes stratégies de financement: pour les plus importants, nous privilégions le financement direct, pour les projets de taille moyenne, nous nous appuyons sur les structures de la Caisse des dépôts et pour les plus modestes, nous favorisons le recours à l’emprunt bancaire classique », confie Henry Marty-Gauquié, directeur représentant le groupe Banque européenne d’investissement (BEI) en France.
Devenues omniprésentes dans les appels d’offres, les évolutions techniques et technologiques font désormais partie des critères d’attribution des marchés les plus importants. L’ingénierie des entreprises endosse donc un rôle de plus en plus stratégique. « Ce n’est pas un hasard si trois entreprises françaises font partie des cinq leaders mondiaux: nous n’exportons pas uniquement de l’ingénierie au plan technique, mais aussi de l’ingénierie juridique », observe Jean-Marc Janaillac. En clair, l’innovation peut participer à la promotion de la gestion déléguée, en France comme dans le monde entier. « La gestion déléguée s’internationalise. Actuellement, nous essayons de convaincre nos clients des pays émergents de la pertinence de ce mode de gestion, en particulier en matière d’intermodalité », indique Jean-Pierre Farandou, président de Keolis.
