Entretien Pour Étienne Guyot, président du directoire de la Société du Grand Paris (SGP), le projet de transports en commun titanesque, qui devrait aboutir en 2030, apportera de nombreux bénéfices dans la vie quotidienne des Franciliens.
Quels sont les problèmes qui, selon vous, touchent les transports franciliens d’aujourd’hui et auxquels il est nécessaire d’apporter une réponse?
Les préoccupations actuelles en matière de transport public en Île-de-France ont trois dimensions. La première, la plus importante, relève de l’amélioration de la vie quotidienne des habitants. Chacun a besoin de bénéficier de meilleurs et de plus de transports chaque jour. La deuxième difficulté tient au fait que certains territoires de notre région sont aujourd’hui mal desservis, voire enclavés. Réduire cette fracture dans l’accès aux mobilités est un enjeu majeur de la politique d’égalité des territoires portée par Cécile Duflot, [ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, ndlr] en charge du Grand Paris.
Enfin, le troisième point tient à la nécessité de faire face à la concurrence des autres capitales mondiales, de rester attractif et compétitif. Pour cela, le Grand Paris doit continuer d’investir pour se doter d’un réseau de transport moderne, efficace et durable. Le président de la République, François Hollande, a d’ailleurs rappelé l’importance de ces enjeux en confirmant le projet, dès sa prise de fonction, à l’occasion du discours qu’il a prononcé à la mairie de Paris.
Le projet du Nouveau Grand Paris prévoit, outre la rénovation et le prolongement des lignes existantes, la création de plusieurs lignes de métro. Quels bénéfices sont attendus pour les franciliens par rapport à la situation actuelle?
Le Nouveau Grand Paris des transports annoncé par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, le 6 mars dernier, marche sur deux jambes. En premier lieu, il a pour but d’améliorer la vie quotidienne des Franciliens. Tel est l’objet du plan de mobilisation de la région Île-de-France pour les transports, en faveur duquel l’État s’est engagé. La Société du Grand Paris contribue à hauteur de deux milliards d’euros au financement de ce plan qui prévoit la modernisation des lignes existantes et des matériels roulants, ainsi que le prolongement de certaines lignes.
Le Nouveau Grand Paris, c’est aussi la préparation de l’avenir. L’objectif, avec le Grand Paris Express dont la SGP a la responsabilité, est de doter la région Capitale d’un réseau de métro automatique capable de répondre aux besoins des habitants, aujourd’hui et demain. Tout cela va concourir à construire une métropole plus durable, plus solidaire, et à rendre le Grand Paris plus agréable et plus attractif.
Aujourd’hui, une station sur quatre de transports en commun se situe en banlieue, alors que 70 % des déplacements en Île-de-France se situent de banlieue à banlieue. Comment cette situation va-t-elle évoluer avec le Nouveau Grand Paris?
Avec le Grand Paris Express, nous construisons le premier métro en rocade de France! Cela veut dire que les Franciliens ne seront plus contraints de transiter par Paris dans leurs déplacements. Nous allons rompre avec le fonctionnement en radial des transports franciliens au profit de déplacements directs de banlieue à banlieue. Ainsi, au-delà de l’accroissement de l’offre de transports, le Grand Paris Express va créer de nouvelles mobilités d’un territoire à l’autre.
Auparavant, chaque territoire dialoguait avec la capitale, et avec elle seule. Demain, le Grand Paris express permettra un dialogue des territoires entre eux, ouvrant de nouvelles opportunités d’échanges pour les habitants, les quartiers, les entreprises, les équipements hospitaliers, culturels, d’enseignements et de recherche, ou encore les sites touristiques. C’est vraiment un nouveau service qui sera offert!
Il y aura donc un rééquilibrage en faveur des banlieues pour un désenclavement des territoires? Avec des exemples concrets?
Un des objectifs que nous a fixé Cécile Duflot était notamment de favoriser l’égalité des territoires. Toutes les équipes de la Société du Grand Paris sont mobilisées pour y parvenir. L’exemple le plus emblématique, c’est la ligne 16 du Grand Paris Express, qui relie Noisy-Champs à Saint-Denis Pleyel. Cette ligne va relier des zones aujourd’hui mal desservies. Les habitants pourront ainsi rejoindre des territoires aujourd’hui difficiles à atteindre et où le futur métro permettra le développement d’une offre nouvelle de logements, de services, d’emplois et de formation grâce au développement du transport. Je pense notamment au bassin économique de Roissy qui n’est pourtant qu’à quelques kilomètres à vol d’oiseau.
Quel sera l’impact du Grand Paris Express sur les temps de transports quotidien des usagers?
Le Grand Paris Express représente 200 km de lignes de métro supplémentaires et 72 nouvelles gares. Nous allons doubler la longueur actuelle du réseau de métro parisien, c’est considérable! Le nouveau métro automatique permettra de réduire les temps de transport de manière significative. Par exemple, il ne faudra plus que 27 minutes pour rejoindre Issy-les-Moulineaux depuis Champigny-sur-Marne contre 1 h 26 aujourd’hui, ou encore 26 minutes pour aller de Noisy-Champs à Saint-Denis-Pleyel contre 51 minutes actuellement.
Le projet prévoit 72 nouvelles gares. Combien d’entre elles seront pensées pour l’intermodalité et combien favoriseront l’utilisation des modes doux comme le vélo?
75 % des gares seront interconnectées avec les réseaux lourds existants: Transilien, RER, métro, tramway. Bien évidemment, la liaison avec les bus est tout aussi fondamentale. Nous travaillons sur le sujet des interconnexions avec le Syndicat des transports d’Île-de-France, le Stif, qui est l’autorité organisatrice des transports francilienne, en lien avec les opérateurs SNCF, RFF et RATP.
L’objectif est de favoriser la qualité et la rapidité des correspondances pour permettre aux habitants de la petite et de la grande couronne d’en bénéficier. L’intermodalité avec les modes doux, comme le vélo, fait l’objet d’un travail pour chacune des gares.
80 % des déplacements de banlieue à banlieue se font en voiture, dans quelle mesure le projet aura un impact sur l’utilisation des véhicules individuels?
Le Grand Paris Express va bien sûr permettre de diminuer l’usage de la voiture, notamment parce qu’il aura un impact significatif pour désaturer les lignes de transport existantes [et donc inciter les Franciliens à emprunter les transports en commun, ndlr]. Les RER A et B, dans leur partie la plus chargée, seront ainsi allégés de 15 à 20 % de leur fréquentation actuelle, et les lignes 4, 6, 7 et 13 du métro verront leur trafic diminuer de 10 à 20 %. C’est très important, quand vous prenez conscience que le RER A, transporte un million de personnes par jour, 20 % de moins, cela représente 200 000 voyageurs! Le futur réseau va aussi permettre de décongestionner la zone centrale.
Selon un document de la SGP, « à moyen terme, 90 % des Franciliens habiteront à moins de 2 km d’une gare », qu’entendez-vous par moyen terme?
« Moyen terme », c’est le délai nécessaire pour concevoir et réaliser l’ensemble du Grand Paris Express. La feuille de route que nous a donnée le Premier ministre prévoit un achèvement du réseau en 2030. La Société du Grand Paris n’a que trois ans d’existence et nous avons déjà ouvert l’enquête publique de la ligne 15 sud qui sera la première ligne mise en service dès 2020. À l’échelle d’un projet d’une telle envergure, nous avançons vite, avec une obsession: répondre aux attentes légitimes des Franciliens.
Jean-Yves Le Bouillonnec est maire PS de Cachan depuis 1998, député de la 11e circonscription du Val-de-Marne depuis 2002. Au sein de la Société du Grand Paris, il occupe la fonction de président du comité stratégique depuis mars 2012. Cette instance de concertation, composée de 123 membres, est stratégique.
En effet, elle réunit les élus franciliens et les partenaires de la Société du Grand Paris, pour des débats dont le but est d’accompagner la réflexion du directoire autour des orientations à donner au Grand Paris Express.
Philippe Laurent est maire de Sceaux (UDI) et président du Syndicat mixte Paris Métropole. Cette structure dispose, selon la loi Grand Paris du 3 juin 2010, d’un avis consultatif sur le schéma d’ensemble du Nouveau Grand Paris, notamment autour des questions liées aux transports et aux pôles de développement territorial.
Alexis Bachelay. Ce député de la première circonscription des Hauts-de-Seine, élu en juin 2012, occupe la fonction de co-rapporteur de la mission de contrôle de la loi sur le Grand Paris. Cela signifie qu’il a pour rôle de présenter l’avancement des textes d’application pour la mise en œuvre du Grand Paris. « Cette mission me permet d’être au plus près de ce projet important pour le développement économique de la France, et pour améliorer la qualité des transports proposés aux Franciliens, avec un nouveau moyen de transport rapide et plus respectueux de l’environnement », indique-t-il sur son site internet.
Jean-Paul Huchon est à la fois président de la région Île-de-France et président du Syndicat mixte des transports d’Île-de-France, l’autorité organisatrice du Nouveau Grand Paris.
Il a notamment défendu vigoureusement l’intégralité du projet au moment où le gouvernement Ayrault a annoncé la mise en place d’un nouveau calendrier en janvier 2013.
Cécile Duflot. La ministre de l’Égalité des territoires et du Logement (EELV), est également en charge du dossier du Grand Paris Express au sein du gouvernement. Elle est notamment tenue de faire respecter le protocole du 26 janvier 2011 sur le Grand Paris, un texte auquel elle s’était opposée lors du vote. Elle a aussi travaillé sur la priorisation des projets et leur séquencement.
