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Vortex remet à plat son organisation

Professionnalisation La société Vortex, fondée par Éric Heudicourt, traîne depuis ses débuts une réputation sulfureuse. Pour se libérer de ce boulet, ses dirigeants ont investi un demi-million d’euros dans un plan d’amélioration de l’organisation globale de l’entreprise. L’ambition est de gagner enfin sa légitimité, et devenir, en somme, un professionnel parmi d’autres.

Très implantée dans l’Hexagone, Vortex est une société spécialiste du transport de voyageurs en véhicule de moins de 9 places. Cette grosse PME, qui réalise un chiffre d’affaires de 45 millions d’euros, agite nerveusement le microcosme du transport public depuis sa création, au début des années 2000. Ses dirigeants ne goûtent guère la campagne médiatique et syndicale dont ils sont l’objet et qu’ils jugent injuste, sinon calomnieuse.

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase? Un article de Bus et Car, dans lequel nous révélions que l’entreprise était suspectée par les inspecteurs du travail de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (la Direccte) de Poitiers de « travail dissimulé » et de « paiement de salaire inférieur à celui fixé par la convention collective ». Éric Heudicourt, actionnaire principal et créateur de Vortex, et Guilhem Sala, le nouveau pdg, assurent que cette procédure tournera vite court, « En l’état, le procureur ne peut donner suite à cette affaire » (voir encadré). Pour eux, cet « acharnement » est d’autant plus arbitraire que son fondateur a créé le syndicat Première ligne pour « moraliser et donner des règles claires à ce nouveau métier », et qu’ils ont lourdement investi pour « professionnaliser Vortex et corriger des erreurs d’inexpérience du passé ».

Moins de liberté d’action pour les agences locales

Jusqu’à l’année dernière, la PME laissait beaucoup de liberté aux agences locales. Ce n’est plus le cas, depuis que le siège a été transféré à Montpellier il y a 18 mois. La direction a repris le contrôle des affaires après avoir constaté des dérives dans certaines agences, comme celle d’Angers (180 véhicules) où près de 70 % des marchés du Maine-et-Loire ont été perdus. « La politique d’achats, par exemple, était gérée localement. Nous nous sommes rendu compte que c’était dangereux. Les moyens financiers engagés étaient importants. Nous pouvions le faire avec 3 ou 4 agences, pas avec 17 », explique Guilhem Sala.

À Angers, des fautes manifestes de gestion ont été mises au jour. L’ancien directeur de cette agence, dont l’activité restante est maintenant gérée à Poitiers, a été licencié pour faute grave. Il a été assigné aux Prud’hommes par Vortex. Globalement, la gestion était tellement décentralisée que les dirigeants de Vortex voyaient peu d’informations remonter jusqu’à elle: « À tel point que nous ne savions même pas quel chauffeur conduisait quel enfant! », regrettent-ils.

Les dirigeants ont donc dessiné une nouvelle organisation, « plus verticale » que par le passé, pour être irréprochables et remédier à une « crise de croissance ».

Car depuis que Guilhem Sala est entré dans l’entreprise en 2006, Vortex a connu une ascension vertigineuse, trop rapide à son goût, passant de 1 000 à 2 300 conducteurs: « C’est allé très vite. Nous nous sommes retrouvés avec un travail terrible d’exploitation. C’était la gestion de l’urgence en permanence », se souvient-il. À tel point qu’en 2010, l’entreprise investit 900 véhicules et embauche autant de conducteurs. Les difficultés se sont alors accumulées, et d’autant plus que les collectivités locales attribueraient certains marchés à la dernière minute, « quelques jours avant la rentrée, ce que les transporteurs classiques ne pourraient accepter ».

Une organisation verticale

Dorénavant, rien ne doit plus échapper aux responsables. Cette reprise en main drastique a été possible grâce à la création « de fonctions support technique ». Ainsi, Vortex s’est dotée d’une direction ressources humaines digne de ce nom, nommant un ancien responsable de Keolis comme directeur et embauchant une équipe de juristes. Un service Suivi qualité, avec 4 salariés dont 3 cadres, a aussi été mis sur pied. L’audit de contrôle interne est, pour eux, « l’élément clé de cette restructuration ».

Pour le versement des salaires, Vortex, qui travaillait auparavant sur Excel, a développé son propre outil de gestion globale. Il prend en compte tous les aspects de la convention collective et les règles du droit social. « Dans notre activité, il n’y avait rien d’existant sur le marché. Dorénavant, l’agence saisit les informations, et les services compétents à Montpellier valident ces informations. Le traitement des payes prend une dizaine de jours », expose le nouveau pdg de Vortex. Et d’affirmer: « Vortex est aujourd’hui au niveau des groupes de transports publics ».

Un investissement lourd

L’investissement pour cette remise à plat a été conséquent: environ 500 000 euros et une dizaine d’emplois qualifiés créés. « C’est important pour une entreprise qui a stabilisé son chiffre d’affaires à 45 millions [en légère diminution par rapport à l’an dernier, à périmètre constant, ndlr] », fait remarquer Guilhem Sala. D’autant plus que Vortex a perdu quelques marchés, comme à Saint-Étienne où l’agence (80 conducteurs) a fermé ses portes.

Pour Éric Heudicourt, ce plan était un « enjeu de survie » pour l’entreprise, « victime » d’une concurrence féroce, parfois « déloyale »: « Des acteurs, il y en a des milliers en France, des petits et des plus gros. Une quinzaine pèse un certain poids. À l’avenir, il y aura de la concentration. Pour exister, il fallait se structurer, se professionnaliser ».

Et des associations, en particulier à Montpellier ou en Meurthe-et-Moselle, prennent aussi des marchés à la faveur « d’une aura, d’un blanc-seing permis par leur statut, alors qu’elles ne sont pas soumises à la convention collective », dénonce Guilhem Sala.

Le cœur de l’activité: le scolaire

En dépit de cette compétition acharnée, Vortex a décidé d’augmenter les tarifs « de 2 à 3 %, alors que les finances publiques sont plus contraintes ». Cette stratégie semble payer. Malgré les pertes de marchés, la PME a réussi « une jolie percée en Bretagne ». Une agence devrait bientôt ouvrir à Rennes, dix ans après celle de Clermont-Ferrand, la première succursale en province de Vortex.

Pour continuer d’investir dans des véhicules neufs de bon standing, « jamais de low-cost », affirment les responsables, Vortex s’est diversifiée. Elle revend une partie de sa flotte et continue de louer ses véhicules en période creuse, pendant les vacances scolaires.

Le cœur de l’activité de Vortex demeure cependant le transport scolaire, 95 % de son chiffre d’affaires en 2011 et 80 % en 2013, le TAD (transport à la demande) étant en augmentation.

Les dirigeants de l’entreprise se battent sur tous les fronts pour faire passer un message de bonne foi. Guilhem Sala se dit « parfaitement conscient » que les salariés ne sont pas très bien payés, mais il rejette en partie la faute sur les collectivités locales dont les exigences financières ne permettent pas « d’avoir des marges supérieures à 3 % ».

La réponse d’Éric Heudicourt aux problèmes dans la Vienne

« Depuis des années et l’instauration du contrat CPS [conducteur en période scolaire, ndlr] et, très récemment, de la qualification de conducteur PMR [personne à mobilité réduite, ndlr], Vortex a appliqué le contrat CPS à ce nouveau métier de conducteurs PMR, nos conducteurs étant très majoritairement affectés au transport de personnes à mobilité réduite. Or, les Direccte, j’ose le dire, incompétentes en la matière, ont estimé que PMR et CPS étaient deux choses différentes et que les conducteurs devaient être soit PMR, soit CPS, mais qu’ils ne pouvaient pas être CPS PMR.

Il s’agit bien évidemment d’une lecture totalement erronée de leur part, le conducteur PMR étant un métier, le CPS étant un type de contrat de travail, au même titre qu’un temps plein ou qu’un temps partiel.

Un conducteur VL [véhicule léger, ndlr] pouvant être temps plein, temps partiel ou CPS, pourquoi un conducteur PMR ne pourrait-il être que temps plein ou temps partiel, mais pas CPS? La position de la société Vortex, pionnière à nouveau dans ce domaine et défricheuse de nouvelles idées, a d’ailleurs été confirmée le 10 juin 2013 par l’avenant no 2 sur l’Accord sur la définition et les conditions d’exercice de l’activité de conducteurs accompagnateurs de personnes présentant un handicap ou à mobilité réduite du 7 juillet 2009. Cet accord a été notamment signé par l’UFT [Union des fédérations de transport, ndlr], mandatée par la FNTV [Fédération nationale des transports de voyageurs, ndlr] et par la CFDT, déboutant ainsi l’interprétation des Direccte. C’est d’ailleurs à l’initiative de Vortex et de Première Ligne que cet avenant a été rédigé. Nous avions saisi la commission d’interprétation de la CCNTR [Convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport, ndlr]. En pouvant appliquer le contrat CPS aux conducteurs PMR, il est donc possible de retenir 15 minutes par vacation (limité à 30 minutes par jour) pour les conducteurs qui conservent leur véhicule de service à leur domicile. Ce dossier est donc vide! »

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Auteur

  • Xavier Renard
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