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Segments et financement

TET Le label des trains d’équilibre du territoire recouvre des réalités très différentes, avec des besoins de matériels spécifiques. Trois segments de marché ont été identifiés. Le premier a bénéficié, dès novembre de cette année, d’une commande faite par l’État à Alstom, via la SNCF. Les autres constructeurs se placent sur les rangs pour les deux segments restant.

Les trains de grandes lignes, aujourd’hui qualifiés de trains d’équilibre du territoire (TET), sont depuis des décennies les véritables oubliés du système ferroviaire français. Ils sont coincés entre les TGV, fleurons de la SNCF, et les TER, modernisés et développés par les régions. L’État, devenu autorité organisatrice ferroviaire nationale, a désormais la charge de les moderniser et de leur redonner de l’avenir. Cela implique, outre d’indispensables travaux d’infrastructures au profit de certaines lignes de TET (voir encadré), un total renouvellement des matériels utilisés. Ils sont essentiellement composés de locomotives électriques et diesel à bout de souffle, et de voitures Corail trentenaires, voire quadragénaires, maintes fois remises à niveau. Les seuls matériels récents utilisés pour quelques TET sont des rames régionales qui assurent des fonctions de trains à grande distance ou interrégionaux, notamment sur certains axes du grand Bassin parisien.

Un classement nécessaire

Face à la disparité des lignes et des relations concernées, un classement en trois segments de marché, qui correspond à autant de types de matériels à renouveler, a été réalisé (voir encadré).

Le 2 octobre 2013, l’État a lancé, via la SNCF, une première commande de 350 millions d’euros pour 34 rames à livrer entre octobre 2015 et septembre 2016. La commande a été officiellement signée le 4 décembre 2013 par Frédéric Cuvillier, ministre des Transports, Philippe Duron, président de l’agence de financement des infrastructures de transports, et Guillaume Pepy, président de la SNCF. Le choix du Coradia Liner d’Alstom, qui a pu faire polémique(1), a été justifié par la spécificité du premier segment qui nécessite l’utilisation de rames bimodes de capacité moyenne, et par l’urgence qui a amené à choisir des matériels déjà en production. Cela aurait eu un avantage au niveau des coûts, puisque « comme au point de vue technique ces rames sont des Regiolis, leur fabrication s’insère dans le système technique et économique du contrat existant(2) », explique Olivier Delecroix, directeur commercial TER et trains nationaux chez Alstom. La différence avec les versions régionales des mêmes rames porte sur les aménagements, ici prévus pour offrir « un bon niveau de confort et de service sur des trajets de quatre à cinq heures », avec « des sièges grandes lignes plus espacés, de la moquette, des espaces plus cloisonnés, des toilettes dissociées et des équipements qui permettent de servir des repas à la place dans les deux classes », ajoute-t-il.

Les matériels destinés aux deux autres segments bénéficieront d’appels d’offres en bonne et due forme. Pour Bombardier, le second segment correspondrait en tout point au créneau d’un Regio 2 N aménagé pour les moyennes distances et qui aurait l’avantage d’allier un plus grand confort à une importante capacité.

Tout le monde peut en profiter

L’Espagnol CAF se met également sur les rangs en proposant ses rames grandes lignes Civity. « Ces rames nous placent sur le troisième segment, celui des grandes lignes qui comportent des sections rapides et sur la future ligne nouvelle Paris-Normandie­ (LNPN), puisque ces rames existent en versions 200 et 250 km/h », annonce Francis Nakache, président de CAF-France, en précisant que les matériels pourraient être construits sur le site CFD-CAF de Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées).

Une démarche de localisation industrielle que partage désormais Siemens-France qui, après son échec à l’appel d’offres du renouvellement du métro automatique de Lille, s’est décidé à installer un site de production en France. Il serait implanté en région parisienne, notamment pour participer à la compétition TET. Dans ce cadre, Hervé de Lacotte, porte-parole de Siemens-France, propose pour le troisième segment les rames de la gamme Viaggio, une version du Railjet autrichien(3) qui peut circuler à 230 km/h en rames tractées et à 250 km/h en rames automotrices, « avec une composition spécifique TET et un aménagement qui offrirait trois niveaux de confort à l’image des rames Thalys ». Cette offre pourrait inclure des solutions de financement ciblées de type ROSCO (location) qui seraient les bienvenues en ces temps de disette des finances publiques…

Les interrogations portent sur les 160 millions d’euros qui s’ajoutent au contrat et sont destinés à l’adaptation des ateliers de maintenance SNCF. Les concurrents pourraient les considérer comme un financement du développement du Regiolis.

Coradia Liner est la plateforme dont sont issues les rames Regiolis commandées à 182 exemplaires par 13 régions. Avec des coûts de production dimensionnés par Alstom sur la base d’un volume de 1 000 rames à livrer durant une dizaine d’années.

Ces matériels assurent des relations Vienne–Innsbruck–Zurich.

Trois segments de marchés, trois types de lignes

Les lignes des TET telles, qu’elles sont aujourd’hui identifiées, représentent environ le cinquième du kilométrage du réseau. Mais en dépit de leur rôle structurant, elles ne forment pas un ensemble cohérent, sauf à y intégrer toutes les lignes classiques doublées par les lignes à grande vitesse, ce qui impliquerait un choix éminemment politique… On distingue trois segments de marchés, comme autant de type de lignes et de matériels adaptés aux services des TET modernisés.

Le premier, un peu moins de 3 000 km, concerne deux radiales, (Paris-Amiens-Boulogne et Paris-Troyes-Belfort), et trois transversales (Quimper-Nantes-La Rochelle-Bordeaux-Toulouse, Nantes-Lyon et Bordeaux-Lyon).

Ce sont des lignes assez mal équipées, en grande partie non électrifiées(1) et qui doivent être modernisées en urgence.

Le second segment, environ un millier de kilomètres de lignes, regroupe les radiales du Grand Bassin parisien. Elles supportent d’importants trafics de type trains du quotidien. Ils sont aujourd’hui assurés par des trains Corail tractés et par des automotrices régionales à 2 niveaux: depuis Paris vers Amiens, Saint-Quentin, Épernay et Reims, depuis Paris vers Troyes, Sens, Orléans, Chartres, Dreux et Rouen.

Le troisième segment concerne plus de 2 000 km de grands axes bien équipés et qui comportent de nombreuses sections parcourables à 200 km/h et plus. Ce sont des axes qui peuvent bénéficier du label lignes à haut niveau de service (voir Bus & Car no 928). Elles vont de Paris à Caen et Cherbourg(2), de Paris à Orléans, Limoges et Toulouse, et de Paris à Nevers et Clermont-Ferrand. On y compte aussi la transversale du Grand Sud Bordeaux-Toulouse-Montpellier-Nîmes-Marseille.

(1) Près de 2 900 km de lignes, dont 92 % sont à double voie et 82 % équipés de la signalisation automatique. Seuls 43 % sont électrifiés.

(2) D’ici 2030, la ligne nouvelle Paris-Normandie (Paris-Rouen-Le Havre/Évreux) s’intégrerait à cet ensemble.

Nantes-Bordeaux: un des maillons faibles du TET

Nantes-Bordeaux, vieille ligne transversale structurante du réseau ferré national(1), est aujourd’hui délaissée au profit des relations TGV, quitte à allonger les kilomètres parcourus, et, côté fret, au profit d’itinéraires également plus longs, mais mieux équipés(2).

La desserte TET assurée par des voitures Corail tractées par des locomotives diesel en fin de vie ne concerne que trois allers-retours quotidiens de bout en bout (quatre en fin et début de semaine). Les temps de parcours sont dissuasifs et demandent, dans le meilleur des cas, 3 h 57 pour 376 km, et en moyenne plus de quatre heures avec une offre qui se compose essentiellement de TER et de relations interrégionales.

En septembre 2013, l’association nationale pour la promotion de la ligne Nantes-Bordeaux a demandé au ministre des Transports « le traitement en priorité de la ligne intercités Nantes-La Rochelle-Bordeaux dans le cadre de son annonce du prochain lancement d’un grand plan de modernisation du réseau classique ».

C’était en référence aux propos tenus le 9 juillet 2013 par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, sur « les trains intercités qui maillent vraiment le territoire et qui facilitent la mobilité ». Des études, financées par les collectivités, l’État et RFF, concluent à l’urgence de la rénovation de la section centrale La Roche-sur-Yon-La Rochelle (103 km) en raison du risque, à terme, de sectionner la ligne en deux antennes séparées.

Il faudrait 200 millions d’euros pour rénover la voie et installer une signalisation automatique pour réduire le temps de trajet à 3 h 45.

Cet investissement serait réduit de 40 millions d’euros avec un gain de trois minutes, grâce à la mise à voie unique de la section avec création d’évitements de croisement des trains, et des rectifications de courbes pour augmenter la vitesse maximale admise.

Ces investissements, répartis entre l’État et ses partenaires, devraient notamment se concrétiser dans les CPER 2014-2020 des régions concernées.

(1) Elle était parcourue par des express Manche–Océan de type Brest–Hendaye. En 1956, c’est le premier axe du réseau qui bénéficie de la diésélisation grande ligne.

(2) Via Tours et Poitiers (545 km au lieu de 376) pour bénéficier de l’électrification de bout en bout.

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Auteur

  • Michel Chlastasz
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