C’est en tant que président de Carrier Carrosserie qu’Arnaud Ringeard a souhaité s’exprimer et sortir de son silence, en adressant une Lettre ouverte en réponse aux critiques sur la situation de Carrier Carrosserie, lettre que Bus & Car publie in extenso.
Cette lettre reprend les points qu’Arnaud Ringeard a également évoqués de manière plus formelle et individuelle par courrier aux élus du département, de la région ou de la ville d’Alençon, qui avaient sévèrement critiqué l’attitude de la direction, mis en cause ses pratiques, et évoqué une intention délibérée d’amener Carrier dans une impasse financière et à la liquidation.
Le 31 janvier 2014
Par la présente, je souhaite, en qualité de président de Carrier Carrosserie, revenir sur les points ci-dessous concernant les critiques entendues.
J’ai souhaité, depuis le début du redressement judiciaire de Carrier, adopter une position de réserve. Je ne voulais pas empiéter sur le rôle de l’administrateur et désirais éviter une succession d’articles polémiques qui auraient pu faire fuir des repreneurs intéressés par l’entreprise.
Nous avons, ces dernières semaines, orienté tous nos efforts d’information vers l’administrateur et les cabinets mandatés par lui pour répondre à toutes leurs demandes dans des délais très courts, avec pour objectif de trouver un repreneur qui ait les moyens industriels de relancer l’entreprise et ainsi préserver le maximum d’emplois.
Je suis choqué et peiné par les déclarations d’officiels ou interprétations que j’ai lues dans les médias concernant « un torpillage » de l’entreprise ou le fait que « Carrier se portait bien il y a encore quelques semaines », ou encore que je n’ai « pas facilité l’action des uns et des autres ».
J’ai eu l’occasion de rencontrer, en 2013, chacun des acteurs politiques et administratifs concernés par l’avenir de Carrier, ainsi qu’une conseillère du ministre du Redressement productif à Bercy, pour exprimer mon inquiétude face à la délocalisation, depuis quelques années, de tous nos concurrents dans des pays à faible coût de main-d’œuvre et pour attirer l’attention sur le fait que les filiales de l’État qui représentent une grosse part des achats d’autocars en France n’achetaient quasiment plus d’autocars fabriqués dans notre pays. Je n’ai jamais pu dire ni même laisser penser que Carrier se portait bien en évoquant ce type d’alerte. Monsieur le député-maire d’Alençon s’est d’ailleurs mobilisé courant 2013 pour poser une question à l’Assemblée nationale afin de relayer cette inquiétude et essayer d’inverser la tendance.
Depuis la reprise de Carrier en 2000, je n’ai cessé de me battre pour faire vivre cette entreprise en lui trouvant de nouveaux débouchés, en investissant pour améliorer l’outil au fur et à mesure de son redressement, car en 2000, j’ai évité que l’entreprise ne dépose le bilan et je n’ai demandé ni obtenu, à cette époque, aucune aide de personne.
Nous avons, de plus, réalisé 6 millions d’euros d’investissements entre 2009 et 2011 pour nous permettre de continuer à produire en France (obligations réglementaires, environnementales et sociales) et pour lancer une nouvelle gamme de produits. Le but était de préparer l’avenir et trouver des économies d’échelles pour lutter – même à armes inégales – contre les importations d’autocars.
Je souhaite également, revenir sur les subventions reçues et mises en avant comme étant illégitimes. Le conseil général a versé une subvention de 89 700 euros en 2009 pour les travaux de modernisation de l’usine, correspondant à 2 % du chantier, ce dont nous lui sommes reconnaissants. Nous avons en effet investi 4 340 000 euros dans ces travaux. La contrepartie à ce soutien était l’embauche de 20 salariés en CDI: nous avons signé 70 embauches en un an et avons respecté notre engagement jusqu’à la liquidation. Nous aurons donc, jusqu’à notre dernier souffle, respecté notre engagement.
Le conseil régional pour sa part a acté une subvention de 147 000 euros, en soutien à un projet d’autocar électrique, soit 15 % de notre investissement pour lequel le prototype a été réalisé. Les essais sont en cours chez les autres partenaires du dossier. J’espère que cet investissement public aboutira à un produit d’avenir qui pourra être fabriqué en France.
Cet investissement supplémentaire n’est pas le signe d’une entreprise que l’on veut abandonner, non plus que le fait de relancer une nouvelle version du Scoler 4 début septembre 2013, et encore moins notre participation à un projet d’autocars à pile à combustible qui était en cours au moment de la cessation de paiements.
À aucun moment je n’ai ménagé mes efforts pour, depuis 13 ans, faire vivre cette entreprise et lui apporter de l’activité. J’ai tout tenté au cours des deux dernières années pour trouver des solutions aux problèmes internes qui ont amené à la cessation de paiements. Pour mémoire sur ces problèmes internes, nous avons dû faire face, en même temps, à des erreurs dans les développements, à des changements imposés dans les homologations avec un délai très court, à nos difficultés pour impliquer l’ensemble du personnel et réduire le taux d’absentéisme supérieur à 10 %.
Je vis également douloureusement cette mise en cause, car nous avons toujours respecté les choix d’achats d’autocars des collectivités territoriales et des filiales de l’État, mais je ne peux plus assumer seul une usine avec de gros problèmes internes sans une mobilisation pour le made in France. On peut me reprocher de ne pas y être arrivé. Toute mon énergie et mon action ont été tournées vers la recherche de solutions pour Carrier: le niveau élevé de stock et d’encours pour permettre une production plus élevée, les investissements et les projets menés ou en cours.
Sans minimiser les conséquences très importantes de cette situation, je ne peux pas accepter qu’un entrepreneur qui a plus que doublé la taille d’une entreprise à l’agonie en 2000, et qui s’est battu contre la désindustrialisation de notre pays pendant des années, soit ainsi pris à parti sans un minimum de respect des faits.
Je vous prie de croire, Messieurs, en l’expression de mes sincères salutations.
