Interview Le 21 novembre 2012, la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) annonçait la création d’un tout nouveau syndicat professionnel en Île-de-France.
Baptisé FNTV NoMaTrans, pour “nouveaux marchés de transport”, il est destiné aux entreprises de transport routier de voyageurs faisant du cabotage, du tourisme, ou fonctionnant avec des véhicules de moins de 9 places. Bertrand Bernini, l’actuel président du syndicat, revient sur la première année d’actions et sur les objectifs à atteindre.
Fin 2012, la FNTV a lancé un nouveau syndicat en Île-de-France, la FNTV NoMaTrans. Pour quelle raison?
Contrairement au reste de l’Hexagone, il existe en Île-de-France une organisation particulière des marchés.
Ils sont gérés par le Syndicat des transports d’Île-de-France (Stif), concernent entre autres des lignes régulières et ne sont pas assujettis à la Loti [Loi d’orientation pour les transports intérieurs du 30 décembre 1982, fixant notamment les conditions contractuelles entre une autorité organisatrice et un opérateur, ndlr]. Pour ces lignes, il existe déjà un syndicat, baptisé Optile. Mais certains transporteurs franciliens ne peuvent pas y adhérer car ils n’ont pas de lignes régulières, et il n’existe pas de FNTV francilienne comme il y en a dans d’autres régions, justement en raison de l’existence d’Optile.
En s’adressant principalement aux lignes non régulières, la FNTV NoMaTrans a comblé un manque en Île-de-France.
Quelles sont les entreprises qui peuvent adhérer à la FNTV NoMaTrans?
Nous avons choisi de créer un syndicat qui s’adresse, d’une manière générale, aux nouveaux marchés de transport, d’où le nom NoMaTrans qui en est l’abréviation. Ainsi, nous avons comme adhérents des entreprises de véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC), des entreprises de transport régulier de moins de 9 places, le transport scolaire d’enfants à mobilité réduite et des entreprises de cabotage, nationales et internationales. Nous tenons à ne pas sortir de nos plates-bandes, si j’ose dire, et notre syndicat ne s’adresse pas aux lignes régulières classiques, car nous souhaitons garder de bonnes relations avec Optile.
Quelle est votre mission?
Nous avons pour objectif principal de défendre les entreprises de ces secteurs.
Nous traitons les problématiques régionales qui touchent nos adhérents, telles que le stationnement, comme les problématiques nationales, telles que les questions de TVA, de délais d’obtention des permis, etc. Nous avons aussi pour mission de changer l’image de l’autocar, car ce mode de transport est encore mal perçu en France.
Pouvez-vous nous donner un exemple de sujet sur lequel la FNTV NoMaTrans est intervenue depuis sa création?
Un de nos premiers dossiers a été celui de la circulation dans Paris qui concerne les entreprises de tourisme, principalement au niveau de la dépose-reprise. En effet, il faut savoir qu’en France, la législation autorise un autocar à déposer ses passagers pendant un quart d’heure moteur éteint, sauf dans les zones touristiques. Le problème est que Paris est une zone aux deux tiers touristique. Récemment, des caméras de surveillance ont été installées sur plusieurs boulevards de la capitale, ce qui a fait que nombre d’entreprises ont reçu des amendes et cela a créé des tensions.
Qu’avez-vous fait pour améliorer la situation?
Tout d’abord, notre rôle a été de nous faire identifier en tant que nouveau syndicat représentant ces entreprises à la mairie de Paris et à la préfecture de police. Nous avons ensuite rencontré ces acteurs à quatre reprises afin de trouver des solutions pour une dépose-reprise plus simple permettant d’éviter les infractions. Nous avons d’ores et déjà obtenu de bons résultats. Par exemple, le site internet Pass autocar, mis en place par la mairie de Paris et qui permet de trouver les parkings autocar dans la capitale, a évolué plusieurs fois grâce à nos discussions. Et depuis, la communication autour de cet outil, encore mal connu, a été grandement améliorée. Cependant, tout n’est pas encore réglé car certaines zones, telles que les abords de Notre-Dame et plus largement le quartier de l’île de la Cité, ne sont pas encore accessibles en autocar. Nous prendrons prochainement rendez-vous avec les responsables pour trouver des solutions à ce dossier qui ne concerne pas uniquement nos adhérents, mais qui a un impact à l’échelle nationale puisqu’on vient à Paris des quatre coins de l’Hexagone.
Avez-vous été amenés à vous positionner sur d’autres sujets concernant la profession?
Oui, notamment sur celui du cabotage. Nous avons plusieurs membres qui pratiquent ce type d’acheminement: iDBUS de la SNCF, Eurolines de Transdev et Starship de Réunir (en tant que membre associé, avec un rôle de consultation étant donné qu’ils sont basés en Rhône-Alpes). C’est un sujet d’actualité, car ce système de transport présente de nombreux avantages.
En France, la part de l’autocar dans le transport interrégional ne représente qu’une très faible proportion des voyages longue distance, à la différence de la Grande-Bretagne ou de la Suède.
Quels sont les objectifs de la FNTV NoMaTrans à ce sujet?
Nous souhaitons faire passer le message que le transport par car est souvent moins cher et plus flexible que le train. Il est aussi moins polluant qu’un train sous-utilisé. Or, en France, 37 % des trains interrégionaux circulent avec moins de 12 personnes.
De même, nous tenons à rappeler que le développement du car ne doit pas être vu comme une concurrence au train, mais plutôt comme un moyen complémentaire.
Nous demandons donc de casser les nombreuses barrières réglementaires qui rendent si compliquée la mise en place de lignes longues distances interrégionales. En tant que FNTV régionale, nous n’avons pas le poids pour nous adresser directement au ministre, mais nous nous adossons à la FNTV nationale pour faire entendre notre voix.
Plusieurs des entreprises adhérentes à la FNTV NoMaTrans proposent des services de moins de 9 places, soit en tant qu’autocariste, soit en tant qu’entreprise de VTC. Quelles problématiques rencontrent-elles?
La première est que le transport de moins de 9 places fonctionne dans un système dérégulé. De plus, la loi [dite de développement et de modernisation des services touristiques, ndlr] qui a institué les véhicules de tourisme avec chauffeur, en juillet 2009, a grandement facilité la création d’entreprises de ce type.
Elle a même permis de légaliser certaines entreprises de transport jusque-là hors la loi ou limite.
Autre point, le développement des smartphones, qui a facilité les réservations par exemple, a aussi eu son rôle à jouer, toujours en faveur des VTC, de même que le boom de l’auto-entreprenariat qui fait que n’importe quel salarié peut créer son entreprise. Résultat, de nos jours, il est plus difficile d’être autocariste que d’avoir une entreprise de VTC.
Quelle est votre position et quels sont vos moyens d’action à ce sujet au sein de la FNTV NoMaTrans?
Nous voulons structurer le transport de moins de 9 places, le professionnaliser, car nous constatons qu’il y a de plus en plus d’acteurs et pas assez de règles. Par exemple, nous voulons que toutes les entreprises paient les mêmes charges, qu’elles soient autocaristes ou VTC.
Cette volonté de réformes est aussi partagée par les entreprises VTC qui sont membres du syndicat. Elles travaillent côte à côte avec les autres acteurs, car elles veulent, elles aussi, protéger et réformer la profession.
En tant que FNTV NoMaTrans, nous essayons de faire pression auprès du ministère à ce sujet, via la FNTV. Nous attendons aussi les conclusions du médiateur [Thomas Thévenoud, ndlr], dont l’objectif est de trouver des solutions après la grève des taxis du mois de février qui pointait les avantages octroyés aux VTC.
Quel bilan tirez-vous de la première année d’existence de NoMaTrans?
Nous avons débuté avec des entreprises telles qu’iDBUS, SNCF, Eurolines, Supershuttle, représentant un total de 400 véhicules. Aujourd’hui, nous en avons plus de 500.
Au départ, le principal problème que nous avions était de créer un syndicat abouti sur la forme qui nous permettrait de mener à bien les sujets de fond.
Nous avons d’ores et déjà beaucoup avancé sur ce point, mais nous savons que nous avons encore quelques objectifs à atteindre dans ce sens, en 2014 et au-delà.
Quels sont ces objectifs?
Nous voulons continuer à avoir de plus en plus d’adhérents, car grâce à cela, nous serons plus importants aux yeux des autres acteurs tels que la préfecture de police et la mairie de Paris. Nous espérons arriver, fin 2014, à 1 000 véhicules, soit le double par rapport à aujourd’hui.
Dans un avenir plus lointain, le défi qui se posera sera de réussir à conserver l’équilibre entre nos trois activités, en mettant par exemple en place des collèges pour ne pas devenir un syndicat défendant uniquement les intérêts des moins de 9 places.
Il sera important également de rester cantonné à nos champs d’action, sans déborder sur ceux d’Optile.
