Inflation Les présidents de conseils régionaux dénoncent l’inflation des coûts fixés par la SNCF pour le développement des TER. À quatre mois de l’examen du projet de loi sur la réforme ferroviaire, l’Association des régions de France a rédigé un manifeste réclamant notamment l’entière propriété des rames.
Adopté en conseil des ministres en mai 2013, le projet de réforme du rail français, le 4e paquet ferroviaire, sera examiné à la mi-juin. Il prévoit un rapprochement de la SNCF et du gestionnaire du réseau, RFF, afin de réduire les déficits abyssaux et améliorer l’offre de service. Ce projet de loi survient au moment du débat sur l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire, ardemment souhaitée par l’Union européenne d’ici 2019.
Certains opérateurs, tricolores ou étrangers, tels qu’Arriva, filiale de la Deutsche Bahn, ou Transdev, filiale de la Caisse des dépôts, plaident pour une expérimentation rapide de la concurrence.
C’est dans ce contexte que les régions ont choisi de monter au créneau pour s’affranchir de l’opérateur ferroviaire qui leur inflige une inflation des coûts insupportable (de l’ordre de 4,4 % par an), alors que les ressources publiques déclinent dangereusement. « Le modèle à l’origine du succès des TER depuis 2002 n’est plus soutenable. Les régions ne peuvent plus faire face à la hausse du coût du TER: 4,4 % par an depuis 2002 », estime l’Association des régions de France (ARF) qui s’étonne que « le mot région n’apparaisse pas une fois dans la loi ». « Les régions ont acheté 1 800 trains et investi 8,8 milliards d’euros depuis 2002. Et c’est une bagarre pour prévoir de faire monter les vélos, mettre des prises et le Wi-Fi. La SNCF nous facture la maintenance, et en plus, nous sommes dépossédés de notre investissement. »
Depuis 2002, les coûts imposés par la SNCF auraient augmenté de 90 %, « soit quatre fois plus que la hausse de l’offre », constate l’ARF qui tire à boulets rouges sur l’absence de transparence (notamment sur les coûts réels de la maintenance). « La seule marge de manœuvre que nous avons sur le prix du billet, c’est à la baisse », peste Alain Rousset, président du conseil régional d’Aquitaine et de l’ARF, dans Les Échos.
Les régions, en tant qu’autorités organisatrices des transports consacrant chaque année 4 milliards d’euros à l’achat des trains régionaux, à l’infrastructure ou encore aux frais de fonctionnement de la SNCF, ne veulent plus du système actuel qui profite à l’opérateur ferroviaire, propriétaire des rames financées par les… conseils régionaux.
Dans un courrier aux présidents de région du 28 octobre, publié par la lettre professionnelle Mobilettre, Alain Rousset et Jacques Auxiette, président du conseil régional des Pays de la Loire, résumaient leurs nouvelles exigences: « Puisqu’elles sont au plus près des usagers et puisqu’elles sont les financeurs, les régions sont les plus à même de décider réellement de l’organisation des transports ferroviaires du quotidien. Elles revendiquent la responsabilité de fixer les tarifs, la pleine propriété des trains régionaux et le pouvoir de décision sur les services dans les gares régionales. » En février, la région Nord – Pas-de-Calais a gelé une partie de sa subvention annuelle (110 des 215 millions d’euros de subventions annuelles) pour protester contre la réduction des heures d’ouverture des guichets de certaines gares.
Depuis, d’autres propositions ont été formalisées dans un manifeste diffusé à la mi-mars autour de trois axes: obtenir, une transparence complète sur les conventions TER, un interlocuteur unique en région et une stabilisation des coûts à service constant. Ils réclament aussi plus de liberté, suivant le modèle des transports publics urbains ou départementaux, ils veulent pouvoir opter pour une régie, une attribution directe ou une délégation de service public. Un règlement européen (OSP: obligation de service public) de 2007 le permet, mais il n’a pas encore été appliqué en France.
Les élus régionaux ne s’arrêtent pas là et demandent à l’État d’assumer ses responsabilités en créant une ressource fiscale pour gérer le coût du service ferroviaire et faire face à l’augmentation de la fréquentation. À la veille de l’examen du projet de loi, l’ARF est en ordre de marche. Neuf régions
Dans ce conflit, les régions peuvent compter sur le soutien de la Fnaut (Fédération nationale des associations d’usagers des transports) qui a récemment indiqué « approuver les positions des régions sur le renforcement de leur rôle d’autorités organisatrices du TER et sur l’ouverture du TER à la concurrence ».
La fédération, présidée par Jean Sivardière, préconise « le renforcement du rôle des régions dans l’organisation du TER et l’expérimentation de l’ouverture du TER à la concurrence sous forme de délégation de service public » suivant l’exemple allemand, pour réduire les coûts d’exploitation, réinvestir les économies réalisées dans un renforcement de l’offre et éviter des transferts sur route.
Par ailleurs, la Fnaut s’inquiète de l’avenir des trains intercités: « Nous constatons une forte dérive des coûts et la contraction, ralentie mais continue, de l’offre (“justifiée” de façon souvent discutable par des travaux sur le réseau ferré) depuis la signature de la convention État-SNCF en 2010 », poursuivent les responsables de la fédération dans un communiqué. Communiqué qui réclame l’expérimentation de la mise en concurrence des services intercités « au plus tard lors du service annuel 2016 ».
L’étau se resserre autour de la SNCF qui ne devrait bientôt plus être le seul maître à bord. Guillaume Pepy, son président, et Alain le Vern, nouveau responsable de l’activité TER, sont prévenus. Ils vont devoir engager rapidement des négociations avec les régions, leur premier partenaire commercial, avec 5,8 milliards d’euros de subventions et 80 % des trains quotidiens en circulation sous leur autorité organisatrice. Pour l’instant, l’ARF indique ne pas souhaiter « une mise en concurrence de la SNCF avant 2019 », demandant seulement que « la France adapte sa législation pour la mettre en conformité avec les règlements européens ». Si les régions n’étaient pas entendues, elles pourraient peser de tout leur poids en faveur d’une libéralisation du transport ferroviaire de voyageurs avancée.
Aquitaine, Auvergne, Bourgogne, Pays de la Loire, Picardie, Poitou-Charentes, PACA, Rhône-Alpes et Île-de-France.
