Matériel La saison des cars scolaires approche, et cette année, la question du prix des véhicules pourrait être posée: Euro VI, nouvelles gammes, réduction de l’offre de Fast Concept Car, pression sur les capacités de production… Sur ce marché à forts volumes où le prix joue les premiers rôles, les facteurs de tension sont nombreux. Si le Crossway Pop et l’Intouro dominent les ventes devant le Scoler 5, de nouveaux produits chercheront à se faire une place sur le chemin des écoliers.
S’il est encore trop tôt pour les familles de penser à leur budget de rentrée scolaire, les transporteurs, eux, vont bientôt s’en occuper. La traditionnelle saison des commandes de cars scolaires pour la rentrée de septembre va commencer, avant d’atteindre son pic cet été. Puis, viendra la date fatidique du 1er septembre pour les livraisons.
Cette année, plusieurs facteurs pourraient engendrer une certaine inflation des prix, à commencer par l’arrivée de l’Euro VI dans les gammes des constructeurs. La nouvelle norme a fait prendre du poids aux véhicules, et donc au coût. Les fourchettes d’augmentation sur les prix catalogue sont connues, de 10 à 15 % en moyenne. Du côté des constructeurs, le message se veut plutôt rassurant. « Certes, pour les autocars scolaires il y aura la hausse due à la technologie Euro VI, qui est d’ailleurs valable pour tous les véhicules de la gamme, mais on ne peut pas dire que les prix s’orientent nécessairement à la hausse », explique un porte-parole d’Iveco Bus. Quelle que soit la technologie adoptée pour répondre à la norme antipollution, EGR, SCR ou bien les deux (voir Bus & Car no 936), les nouveaux composants de traitement des gaz ajoutent une complexité technique. L’ensemble a mobilisé des investissements de recherche et d’études, et même un redéveloppement des emplacements moteurs ou annexes, afin de pouvoir loger le réservoir AdBlue ou les dispositifs de traitement complémentaires selon les cas. Il y a aussi les coûts supplémentaires du côté de la formation technique des SAV et des équipes commerciales. Face à ces investissements, les constructeurs n’ont pas d’autre choix que de les répercuter sur le prix des véhicules. Les clients transporteurs avaient senti le vent venir au dernier trimestre 2013, alors que les dernières productions Euro V étaient annoncées dans les usines. La chasse aux derniers exemplaires de véhicules Euro V a fait l’objet de discussions, et les constructeurs ont récompensé leurs clients fidèles en leur réservant les dernières commandes de ces fins de série.
L’argument prix, Fast Concept Car l’avait identifié, avant de voir ses difficultés apparaître l’automne dernier. « Je reste convaincu que le Scoler est le produit le plus demandé et le plus recherché par les transporteurs, car il répond à leurs besoins, en équipements et en rapport qualité-prix », assure Xavier Ringeard. « Nous avons fait le choix d’aider les transporteurs à ne pas avoir de surcoût lié à l’Euro VI, et donc à constituer un stock important en Euro V grâce à nos dérogations », annonçait-il dans nos colonnes fin octobre. Et de fait, malgré ses difficultés, Fast Concept Car joue crânement sa chance avec un stock relativement conséquent de véhicules Euro V, livrables cette année grâce au jeu des dérogations obtenues dans un certain volume en bénéficiant du châssis de Renault Trucks (voir notre encadré).
Marché à forts volumes et au pic saisonnier très marqué, les ventes de cars scolaires se font selon un rythme très particulier. L’effet de ciseau entre attributions de marchés tardives des autorités organisatrices aux transporteurs et leurs commandes pourrait bien être encore plus tranchant cette saison.
Les sites de production des constructeurs, comme ceux des motoristes, doivent pouvoir poursuivre la production des modèles Euro V encore largement demandés sur les marchés européens et internationaux. Les lignes de montage de l’usine de Hosdere en Turquie pour Mercedes-Benz et de l’usine de Vysoke Myto en République tchèque pour Iveco Bus n’ont pas encore fourni leur pleine capacité de production. Elles passent progressivement en configuration Euro VI, mais ne permettent pas de constituer un nombre de véhicules suffisant avant le rush estival. « L’été risque d’être déséquilibré en terme d’activité, estime Antoine Garnier, directeur commercial France Iveco Bus. Le premier trimestre est plus chargé que d’habitude, le deuxième est plus creux, alors que c’est habituellement le plus actif, et donc, au troisième semestre, on risque d’avoir un effet de rattrapage et de très forte activité. » Sans oublier qu’Iveco Bus a fait le pari, « plus audacieux que celui de ses concurrents », de faire coïncider les nouvelles motorisations Euro VI avec ses nouveaux autocars, ajoutant une complexité supplémentaire pour les équipes en charge de la production et du contrôle des délais de livraison.
L’an dernier, 20 % des immatriculations ont été effectuées sur le seul mois d’août, soit 1 130 véhicules, plus que l’année précédente. Si tous les constructeurs se déclarent prêts, les cars estampillés Euro VI ne sont pourtant pas encore légion à pouvoir être présentés ou testés en France. « Notre outil de production est passé à 100 % en Euro VI, nous sommes sereins », assure Julien Calloud pour Mercedes-Benz. « Le marché entame un nouveau cycle de production avec l’introduction de l’Euro VI, et 2014 sera une année de transition. Mais nous sommes prêts, et d’un point de vue technique, notre technologie est en service depuis déjà 2 ans. Elle est éprouvée, nous devons maintenant trouver rapidement un écho sur le marché. Le carnet de commande fin 2013 a été supérieur à celui de la fin 2012, nous avons encore des livraisons en cours de véhicules Euro V, mais nous avons déjà bien sûr produit et immatriculé des véhicules en Euro VI dès la fin de l’année dernière. » Fin novembre 2013 en effet, la filiale de Transdev VTNI en Normandie a été le premier transporteur à recevoir un Crossway Pop de 63 places de série avec un moteur moteur Tector 7 Euro VI de 320 ch.
Autre facteur pouvant influencer les niveaux de prix, les difficultés du 3e acteur du marché, Fast Concept Car, connues depuis l’automne 2013. En liquidation judiciaire, le sort de l’usine Carrier à Alençon a semblé donner le coup de grâce à la production des véhicules de Fast Concept Car, Scoler et Starter S et L. Le Scoler n’a pas encore dit son dernier mot et une cinquantaine de Scoler 5 Euro V seront immatriculés pour la rentrée (voir notre encadré), avant des volumes plus importants pour le dernier trimestre, fabriqués dans l’Orne ou en Égypte. La part de marché obtenue depuis plusieurs années par Fast Concept Car autour du scolaire (10,8 % en Intercity et 177 Scoler immatriculés) a nécessairement suscité l’imagination, voire la convoitise, de ses concurrents. Toutefois, ils ont affiché la prudence quant à l’évolution du sort du constructeur vendéen. « Nous détenons 45 % du marché Intercity, mais il est certain que si le numéro 3 du marché ralenti, arrête ou disparaît, d’autres essaieront de prendre la place et les clients répondront sûrement présents à nos appels », assurait Antoine Garnier d’Iveco Bus, à l’occasion du bilan annuel du marché 2013.
Alors, quel impact d’une production affaiblie de Scoler? Étant donné le positionnement premier prix de Fast Concept Car avec son Scoler, le risque d’une disparition de propositions bas prix pourrait être évoqué. « Il faut tout de même rappeler que les grands constructeurs, Iveco Bus et Mercedes-Benz, sont revenus de manière pertinente sur ce marché depuis une dizaine d’années. Ils ont rattrapé leur retard en terme de rapport qualité-prix et en répondant à la demande du marché de proposer du matériel de base mais pas bradé », rappelle Marc Delayer, directeur général des transports publics du Choletais et président de la centrale d’achat du transport public (CATP) d’Agir, « ils ont porté une attention réelle à la qualité des matériels à des prix raisonnables, et c’est une demande forte de nos adhérents. Ce sont des véhicules basiques qui peuvent servir, à la marge, à d’autres utilisations. »
Symbole de l’évolution des deux grands du marché, on relèvera l’introduction de la nouvelle gamme scolaire d’Iveco Bus. Après les Tracer, Ares, Axer, Evadys H et Récréo, voici le Crossway Pop. À l’occasion de l’Euro VI, Iveco Bus a sonné le big bang dans son offre et renouvelé son portefeuille produit en introduisant une version 13 m et 63 places. « C’est le seul véhicule du marché n’excédant pas 13 m à pouvoir offrir 63 places, ce qui lui permet de conserver toute sa maniabilité et son agilité avec ses nouveaux moteurs Tector 7 et Cursor 9 Euro VI de plus fortes cylindrées », explique le constructeur. Le dernier Récréo présente aussi un nouveau visage, atout esthétique et économique, avec une plus forte standardisation des composants et des pièces.
Maxi-capacité et rapport qualité-prix agressif ont également été intégrés dans les politiques produit de son concurrent Mercedes-Benz. « Le marché français est atypique, nous nous adaptons à la forte pression sur les prix d’achat, et même si nous ne sommes pas les moins chers, nous travaillons plus sur une approche qui prend en compte les services, le réseau et l’idée du coût total sur toute la durée de vie du produit. » Le constructeur a immatriculé entre 500 et 600 Intouro scolaires en 2013, soit plus de la moitié de ses ventes totales d’Intouro qui se sont élevées à 901 véhicules. Sans lancer de nouvelles gammes de véhicule cette année, Mercedes-Benz avait donné le coup d’envoi de véhicules maxi-capacité, ajoutant l’Intouro L de 13,32 m avec 63 places, dont 4 sièges sur podest amovible ou 4 assises rabattables au niveau de l’emplacement UFR. Un lancement réussi d’après le constructeur qui estime que « les deux nouvelles longueurs, 12,64 m et 12,98 m, représentent à elles seules environ 85 % des Intouro produits en 2013. L’Intouro Écolier est d’un très bon rapport qualité-prix, et pour fabriquer un produit en mesure de remplir le cahier des charges du législateur et des autorités organisatrices en termes de sécurité et de fiabilité, il y a un prix, que j’appellerai le Daimler Price. »
Enfin, dans la famille Daimler Buses, la marque Setra est également présente avec la MultiClass, et notamment les autocars UL et UL Business, dernier né de la gamme proposé en 55, 59 et 63 places à l’instar de l’Intouro. En théorie en France, pas de version scolaire pour le nouvel UL Business, mais plusieurs transporteurs attendent de recevoir des démonstrations du véhicule en vue d’une utilisation scolaire.
Les constructeurs leaders sont en mesure d’aligner leurs prix et leurs produits, tout en tenant compte de la volonté de réassurance des acheteurs. « La demande aujourd’hui est d’avoir des coûts de possession maîtrisés, et pas seulement un prix d’achat », rappelle Marc Delayer de la CATP Agir, « notre analyse porte autant sur des éléments techniques que financiers ». Le poids du prix dans le scolaire pourrait dès lors être revu à la baisse, favorisant ce que les constructeurs appellent de leurs vœux une approche LCC sur l’ensemble du cycle de vie du produit qui inclut tous les coûts liés. C’est en tout cas l’une des expériences retenue par Mickael Moreau, directeur général des Cars Moreau. « Oui, le prix est important, mais ce n’est pas le seul critère, la notoriété et la solidité du constructeur ont aussi une valeur. J’ai racheté un transporteur l’an dernier qui était équipé de véhicules BMC dont l’achat avait été motivé par le prix, on voit ce que ça a donné avec la disparition de ce constructeur et l’impact sur la valeur des véhicules. Alors, je préfère payer un peu plus cher, mais avec l’assurance derrière d’avoir un réseau, des garanties. »
Reste à savoir si un produit premier prix, complémentaire ou remplaçant du Scoler, pourrait trouver sa place en France. C’est en tout cas la stratégie de Dietrich Carebus Group avec ses trois marques, Temsa, Yutong et Ingwi. Dans le premier cas, le constructeur turc renouvelle ses deux best-sellers, le Safari et le Tourmalin. Pour Alain Alzati, directeur marketing et communication de DCG, « nous jouons la carte de la complémentarité sur nos trois marques, du 22 au 63 places, en Euro VI ». Pour Temsa, le successeur du Tourmalin se trouve au sein de la nouvelle gamme multisegments baptisé LD, avec une déclinaison en scolaire dénommée SB (initiales de SchoolBus), en version 12 et 13 m pour respectivement 59 et 63 places avec moteurs Cummins. « La valeur de Temsa est reconnue sur le marché avec le Tourmalin, l’aspect extérieur de son successeur a été revu avec un design moderne et stylisé, nos premiers modèles en Euro VI arriveront mi-avril en France. » Présentés à Busworld Courtrai, les Temsa LD SB « ont reçu un très bon accueil de la part de nos clients français ».
L’arrivée en France du modèle scolaire de Yutong pourrait bien aussi occuper le haut de l’affiche du segment low-cost scolaire. « C’est l’entrée de gamme de bonne facture », résume Alain Alzati de DCG. Au menu du catalogue Yutong du groupe, on retrouve la gamme EC, déclinée en trois longueurs (9,35 m, 12,36 m et 13 m) et en autant de capacités (39, 59 et 63 places), répondant a priori au cœur de l’offre du marché en 12 et 13 m. En cours d’essai en version Euro VI avec moteurs DAF et Cummins (version 9,35 m), DCG joue clairement la carte du prix. L’offre est à 124 500 euros pour la version EC 13, avec un maximum de réassurance en ajoutant « 10 ans de garantie autocorrosion », avec 3 ans de garantie et une ligne d’équipement minimaliste, « de base et à un prix concurrentiel », rassemblée sous l’appellation SPOT.
Le low-cost, c’est aussi le choix de King Long, développé en France par Hervouet Corporate Industry, mais moins avancé sur ses produits scolaires 12 et 13 m. Lionel Poch, directeur général de HCI annonce travailler « sur un King Long Citeor Ligne allégé, ainsi que sur un scolaire Euro VI de 40 places pour pouvoir être low-cost sur chaque créneau: nous ressentons un appel d’air sur le marché pour le 40 places », explique le responsable, avant de revendiquer haut et fort « avoir le scolaire 33 places le moins cher du marché à 85 000 euros avec l’Urby 40 de Kapena. »
Les autres constructeurs connaissent les particularités et les spécificités du marché français en termes d’équipements et de prix agressif. Un petit tour d’horizon des autres offres du marché donne une idée du faible nombre d’acteurs en mesure de répondre à la concurrence du Crossway Pop et de l’Intouro Écolier.
Scania reconnaît vouloir répondre « sur le marché du scolaire s’il y avait un créneau à prendre, même si sur le scolaire pur, c’est difficile pour nous du point de vue des exigences en équipement », explique Julien Jarossay, responsable commercial Bus et Cars de Scania en France. « Le marché a tendance à partir sur du low-cost, alors que notre produit ne correspond pas à ça, mais nous comptons tout de même développer le Scania Higer A30. » MAN parle ouvertement de « développements en cours pour un produit Intercity chez MAN, mais nous réfléchissons désormais à en élargir le positionnement pour également pouvoir le proposer en scolaire », nous a expliqué Rolf Riedinger, directeur commercial de MAN Cars et Bus en France (Bus & Car no 948).
Volvo Bus quant à lui est absent de ce marché à forts volumes, faute d’un produit adapté. Enfin, Otokar, présent directement en France depuis l’an dernier, compte rattraper son retard sur ce segment avec le Territo U, qui « a pris du retard en 2013 à cause d’une homologation tardive et nous a fait rater les appels d’offres pour le scolaire. Mais nous sommes fin prêts pour ceux de cette année », explique Christian Giraudon, directeur commercial d’Otokar Europe qui se positionne aussi sur le segment 12-13 m avec le Navigo U et le Vectio U.
Alors que l’usine Carrier d’Alençon a officiellement été mise en liquidation judiciaire et que Fast Concept Car s’est placé en procédure de sauvegarde l’automne dernier, le sort de la production des Scoler et Starter paraissait compromis. Mais il y aura bien des Scoler 5 immatriculés en 2014, et même au-delà, explique Xavier Ringeard. « Des ex-cadres dirigeants construisent actuellement un plan de reprise de leur usine Carrier, et si leur projet aboutit, nous leur confierons la finalisation de la préparation de 53 Scoler 5 Euro V, produits fin 2013 mais pas encore totalement prêts à être livrés, ainsi que la production des pièces détachées pour les véhicules Euro V », détaille le Pdg. « Ensuite, nous avons encore 160 véhicules Euro V à livrer. Ils seront produits à partir de septembre, soit par la structure des ex-cadres dirigeants, soit par notre partenaire égyptien MCV sous licence Fast Concept Car qui produira de toute manière les versions Euro VI du Scoler 5. » Concernant le Starter L, « aucune décision n’a encore été prise sur la poursuite ou non en Euro VI, nous continuons de discuter avec MAN, nous regardons ensemble l’intérêt de poursuivre ou non le Starter. » Si le Scoler 5 poursuit son existence en 2014, les volumes seront en revanche automatiquement plafonnés à une cinquantaine d’unités pour la rentrée de septembre. En 2013, Fast Concept Car a réalisé 333 immatriculations dont 177 Scoler et 156 Starter.
Du côté des clients, les appels d’offres sont en cours et les réponses des constructeurs sont attendues, sans trop de craintes, essentiellement grâce aux effets des achats via les centrales.
Marc Delayer, directeur général des transports publics du Choletais et président de la centrale d’achat du transport public (CATP) d’Agir, assure ne pas avoir constaté « d’évolution à la hausse des prix, ils seraient même orientés à la baisse grâce à notre capacité de négociation qui nous permet d’obtenir en moyenne 10 à 15 % de réduction des tarifs ».
La centrale d’Agir (132 véhicules vendus en 2013 et déjà 160 en 2014) a lancé mi-mars une nouvelle consultation dont les résultats seront connus au mois de juin, prix à l’appui.
« L’Euro VI engendrera de toute manière un surcoût, j’ai lancé deux appels d’offres auprès de mes deux constructeurs habituels et j’attends un retour », explique Mickael Moreau, directeur général des Cars Moreau. « Habituellement, la hausse annoncée est de 2 % par an. Même si au final, entre les remises, la fidélité et les autres critères, nos prix d’achat ont été déjà négociés par le groupement Réunir, c’est rassurant, je ne m’attends pas à de fortes hausses. »
