Intelligence automatisée Comment optimiser la conduite sous programmateur de vitesse et économiser quelques centilitres d’un gazole toujours plus cher? Setra et le groupe Daimler Buses promettent 4 % d’économie avec le Predictive Powertrain Control, ou gestion anticipative de la chaîne cinématique. Qu’en est-il réellement?
Tout bon conducteur, maître en conduite rationnelle, vous le dira: la conduite sur l’erre est celle qui offre des kilomètres gratuits! Dans les années 2000, Volvo a le premier réintroduit la fonction roue libre dans ses camions, puis dans ses autocars dotés de la boîte robotisée I-Shift. Une idée astucieuse mais parfois anxiogène si la boîte décide de passer en roue libre au mauvais moment, comme dans une courbe ou avant une descente (et avant que l’on enclenche le ralentisseur). Daimler Buses, grâce aux travaux de sa filiale américaine dédiée aux camions Freightliner, a pu travailler à la même époque sur une autre idée: anticiper les difficultés du relief grâce au GPS pour donner de la souplesse et de l’intelligence à la fonction roue libre et au programmateur de vitesse. Simple sur le papier, cette combinaison requiert beaucoup de travail pour la rendre aussi transparente que possible pour l’utilisateur, et plus encore dans le cas d’un autocar de luxe comme sur un SetraTop Class. Cela explique le décalage dans la commercialisation du PPC par rapport à l’I-Roll de Volvo.
Dans les faits, le régulateur de vitesse, la gestion moteur et le calculateur de boîte de vitesse Daimler GO 250-8 PowerShift communiquent via le réseau BUS-CAN de bord. Ils sont informés du relief par le GPS qui a recours aux bases de données cartographiques de NavTec ou de TeleAtlas. D’après Daimler, 95 % des 300 000 kilomètres des grands axes que compte l’Europe occidentale sont ainsi enregistrés. Autre astuce: le programmateur de vitesse intègre cette fois-ci une plage de vitesses. Plus la variation tolérée par rapport à la vitesse de consigne est grande, plus les économies sont potentiellement importantes. C’est le conducteur qui paramètre ces données via les menus du tableau de bord et les commandes au volant. Dans une descente, lorsque le régulateur est activé en mode PPC, il va aller jusqu’à la limite haute fixée par le conducteur, sauf si on outrepasse le limiteur réglementaire qui agit d’autorité sur le ralentisseur après 30 secondes de dépassement. Il peut aussi anticiper une montée importante et profiter là encore de la tolérance haute pour accumuler de l’énergie cinétique à peu de frais. À l’inverse, à l’approche d’un sommet de côte, plutôt que de s’acharner à remettre coûte que coûte les gaz, il va laisser filer la vitesse vers le bas, dans la limite autorisée lors de la programmation, pour passer la crête en ayant économisé au maximum le gazole.
Là ou le PPC impressionne, c’est sur la gestion de la boîte de vitesse et de la roue libre: la boîte tient les régimes avant même que le moteur ne fatigue, les passages en “roulette” se font de façon totalement imperceptible, même pour le conducteur: seul le compte-tours qui “décroche” et se stabilise à 500 tr/mn trahit le mode Eco-Roll. La roue libre sans les sueurs froides, c’est mieux! Lorsque les données cartographiques sont absentes, on retrouve un simple programmateur de vitesse. À noter que le PPC n’impose pas le radar du programmateur de vitesse adaptatif (L’ART). On peut avoir l’un sans l’autre, ou les deux pour les clients les plus fortunés. Le programmateur de vitesse PPC coûte, départ usine, 1 000 €. Cela peut paraître cher, mais si l’on s’en tient aux résultats de notre prise en main, l’investissement est rentabilisé en moins de 35 000 km.
Grâce à la combinaison GPS, données topographiques et boîte robotisée, la gestion des passages de rapports et de la roue libre impressionne par sa sagacité. Comment fait donc la boîte pour réaliser ces économies de gazole? Tout simplement en se conduisant comme le ferait un (bon) cycliste: dans les limites fixées au PPC ou celles du limiteur réglementaire, dans une descente, elle privilégie la prise de vitesse et donc la roue libre ou le rapport supérieur. Avant une montée, elle choisira de rétrograder avant que le moteur ne peine et tiendra le rapport et le régime pour gravir la côte le plus vite possible.
Dès que l’on approche du sommet, elle va passer le rapport supérieur et autoriser une dérive vers le bas de la vitesse pour passer la crête sur un filet de gaz. Comme le ferait un cycliste qui passe des plateaux dès qu’il approche du sommet pour être sur le bon braquet en palier. Autre trouvaille: le GPS annihile les phases où la boîte pourrait être tentée de passer en mode Eco-Roll lorsque l’on approche d’une descente. Ressenti au volant: on a l’impression qu’un 3e œil scrute la route et donne ses ordres avant même que le conducteur n’ait à le faire. Impressionnant. Mais que l’on ne s’y trompe pas: un conducteur vigilant et habitué à la conduite rationnelle peut faire aussi bien, ne serait-ce qu’en paramétrant son programmateur “normal” 4 à 5 km/h sous le seuil du limiteur. Et une reprise en main en mode manuel aux moments opportuns remplacera tout aussi bien la combinaison PPC et GPS.
Commençons par une critique: le protocole de comparatif organisé par Daimler Buses était quelque peu caricatural. En effet, tout conducteur soucieux du confort de ses passagers et de conduite rationnelle n’oserait jamais mettre son programmateur de vitesse à la vitesse exacte du limiteur (soit 100 km/h). Cela conduit inévitablement à une conduite saccadée, rythmée par les remises de gaz brutales du programmateur et les coupures du limiteur.
Sur ce 1er tour, le PPC est évidemment désactivé. Mais cela était nécessaire pour le comparatif, car avec un paramétrage tout aussi bestial, le PPC une fois “réveillé” fera étalage de ses aptitudes.
Le réglage effectué au volant avant le départ du 2d tour tolérait + 4 km/h en limite haute et − 6 km/h en limite basse par rapport à la vitesse de consigne. Le parcours, sur une autoroute vallonnée mais au trafic fluide, à l’ouest de Francfort en direction de la Sarre, comptait 60,3 km. Détail amusant, entre le 1er et le 2d tour, nous avons réalisé exactement la même vitesse moyenne (soit 92 km/h). Mais la consommation diffère et apparaît clairement à l’avantage du tour effectué avec le PPC actif: 29,9 l/100 km de moyenne contre 32,5 l/100 km, soit un gain de 2,6 litres tous les 100 km. Traduit en pourcentage, cela donne − 8 %. Andreas Türk, responsable des essais chez Daimler le reconnaît, « plus le parcours est vallonné, plus l’économie est importante ».
