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Ronan Pocard, « La mobilité n’est pas que du transport »

Portrait Lauréat du prix AFITL en 2013 pour son mémoire de cinquième année à l’issue d’un stage auprès du Syndicat des transports d’Île-de-France, et embauché depuis un an en tant que chargé d’études, Ronan Pocard fait partie de la nouvelle génération des professionnels du transport.

À quoi ressemble la génération des jeunes arrivants dans le transport? Nées dans l’informatique, bercées de mobilité durable et d’intermodalité, les graines de la génération Y donneront-elles des fruits hauts en couleur? Pour Ronan Pocard, embauché par le Syndicat des transports d’Île-de-France (Stif) il y a un an, la route vers ce secteur s’est faite en pente douce, entre rencontres et compétences croisées.

Il travaille dans les imposants locaux de l’AO parisienne, au cœur de la capitale, près du bruyant quartier de l’Opéra (IXe arrondissement) où touristes, hommes d’affaires et femmes en tailleur dernier cri dansent un mécanique ballet entre les voitures. Les études générales du Stif, dirigées par Laurence Debrincat, se situent rue de la Victoire, au troisième étage de l’immeuble Le Titien. Là, les portes des bureaux blancs disposés en U autour d’une cour intérieure sont ouvertes. Le calme est saisissant.

Ronan Pocard a 25 ans. Lorsqu’il parle de lui, on sent une pointe de timidité nerveuse dans la voix de ce jeune homme qui se définit lui-même comme « quelqu’un de réfléchi », plus que sociable. Il est arrivé au Stif en 2013 pour son stage de fin d’études, dans le cadre d’un master 2 Turp (Transports urbains et régionaux de personnes) proposé par le Laboratoire d’économie des transports (Let), lui-même rattaché à l’université de Lyon*. À l’issue des six mois de stage, il a accepté la proposition de CDI du Stif pour le poste de chargé d’études en prévisions de trafic et d’études socio-économiques.

Parcours croisé

Curieusement, c’est ce qui l’éloignait des transports qui a fait de Ronan Pocard un des acteurs de la mobilité. À l’origine, il s’était engagé dans une formation d’ingénieur en aménagement du territoire à Polytech’Tours (Indre-et-Loire). « On voyait un petit peu les transports, mais je faisais surtout de l’urbanisme », se souvient-il. Avec le recul, il constate cependant qu’ « il y a un lien fort entre le transport et l’urbanisme, que je retrouve au Stif, d’un point de vue technique, mais aussi environnemental. Lutter contre la voiture individuelle, c’est quelque chose qui me parle ». En fin de deuxième année, durant deux mois, il effectue un « stage sur la thématique de la mobilité » auprès de la communauté de communes de l’AGD (l’Aurence Glane Développement), au nord de Limoges.

En 2012, Ronan Pocard s’embarque pour trois mois dans un bureau d’études toulousain, Inddigo, spécialisé dans le conseil et l’ingénierie en développement durable, dont la mobilité est l’un des piliers. C’est ici que l’ex-étudiant ingénieur envisage sérieusement de s’engager dans le master Turp. « C’était une formation très connue à Inddigo », explique-t-il. « On se rend compte que le transport est un petit monde assez fermé », observe-t-il en évoquant les réseaux de professionnels du secteur.

Premiers pas en Île-de-France

Une fois embarqué dans le master, le jeune ingénieur doit trouver un stage. Alors que ses camarades de promo sont principalement recrutés chez Keolis en province, Ronan Pocard parvient à obtenir un entretien avec le Stif par l’intermédiaire d’un ancien de sa formation. « Quand je suis entré au Stif la première fois, pour mon entretien d’embauche, j’étais très impressionné », avoue-t-il. « Pendant mon master à Lyon, on étudiait beaucoup les transports en province. Pour l’Île-de-France, on nous disait toujours:C’est un cas particulier”. » Son engouement pour la région francilienne s’est déclenchée à l’issue d’un cours de quatre heures à Lyon, présenté par Sophie Mougard, directrice générale du Stif. « C’était très marquant », insiste-t-il.

Selon Laurence Debrincat, responsable de la division études générales du Stif, le master Turp est un vivier de jeunes professionnels pour son service. « En France, ce master est l’un des seuls dans son genre. Aux études générales, nous avons huit personnes à temps plein sur la modélisation [la conception d’une méthode de prévision de trafic, ndlr.], on va souvent chercher des jeunes qui sortent du Let ou de l’École nationale des ponts et chaussées », explique-t-elle. « On est regardant, même pour les stagiaires, ajoute la manager, souriante, il n’y a pas de sujet de stage qui ne nous serve pas. Ce sont de vrais projets pour lesquels on demande d’emblée des capacités professionnelles ». Et de préciser que, derrière ces exigences, les stagiaires recrutés (un tous les ans, ou tous les deux ans) sont très appréciés, pour leur « fraîcheur » et « leur regard de naïfs, ou plutôt de candides, sur les projets. »

Succès express

Durant son stage, Ronan Pocard travaille avec l’équipe des études générales, soit une vingtaine de personnes. Il est affecté à la mission Bus Express qui consiste à mettre en place une méthode de prévision de trafic pour créer des voies dédiées aux bus sur certaines autoroutes franciliennes. « C’est un sujet à la portée d’un stagiaire: il ne nécessite pas dix ans d’expérience sur le territoire d’Île-de-France », commente Laurence Debrincat. En matière de regard neuf, Ronan, particulièrement apprécié pour son autonomie et sa maîtrise des outils (au Stif, le modèle Antonin), se montre à la hauteur. « Il s’est penché sur les facteurs explicatifs du succès des lignes qui amenait à la question: faut-il en créer de nouvelles ou renforcer des lignes existantes? », se souvient avec enthousiasme la responsable de la division.

À la fin de cette même année, deux des 22 étudiants du master Turp, dont le jeune stagiaire du Stif, sont retenus par les tuteurs universitaires pour présenter leurs travaux au concours des meilleurs mémoires de l’AFITL (Association française des instituts de transport et de logistique), organisé par l’AFT-Iftim. Un peu plus tard, alors que Ronan Pocard est en vacances, il reçoit un SMS de sa tutrice en entreprise, Anne-Éole Meret-Conti, chargée de projet au Stif depuis trois ans (et issue elle-même de l’École des ponts et chaussées). Elle lui annonce que son mémoire a décroché le premier prix de la catégorie bac+5. « J’étais… vraiment très content », rougit l’intéressé, que ce souvenir semble amuser.

Mémorable

Avec son mémoire intitulé « Étude d’opportunité de création de lignes de bus express sur les autoroutes en Île-de-France. L’optimisation des flux d’information », Ronan Pocard est le cinquième étudiant du master Turp à remporter ce prix de 1 500 euros, remis le 24 mars dernier lors de la cérémonie. « Pour nous aussi c’est une fierté », affirme Laurence Debrincat qui, cependant, reconnaît en riant avoir découvert l’existence du concours à cette occasion. Plus sérieuse, elle constate: « C’était un bon travail, parce que Ronan a axé son mémoire sur le stage, tout en faisant une mise en perspective ». Et le lauréat de nuancer avec modestie: « C’est un sujet à la mode, ça a dû plaire au jury ».

Pour ce jeune homme, en jean et pull noir décontracté, un autre facteur a contribué à cette réussite: le fait d’être « bien entouré », dans une ambiance qu’il qualifie de « familiale ». Les membres de l’équipe des études générales du Stif ont « entre 22 et 35 ans, à peu près », évalue Laurence Debrincat. La voix empreinte d’une tendresse presque maternelle, elle confie qu’« il y a un réel esprit d’entraide dans cette équipe. Et une très bonne ambiance… Ils vont boire des coups ensemble, le soir ».

Trouver un nom aux nouveaux métiers

La réussite du jeune stagiaire n’a rien d’anodin. Mi-ingénieur, mi-urbaniste, sensible aux « valeurs publiques », il incarne une génération de jeunes professionnels “hybrides”, polyvalents, qui peinent à se décrire eux-mêmes et expliquer leur métier: « C’est très spécialisé. Les gens ne comprennent pas forcément ce que je fais. Même mes parents, je crois », dit-il en riant. « Je ne sais pas vraiment comment me présenter. Je m’amuse à chercher avec mes potes », sourit Ronan Pocard. « Ce n’est pas que du transport. Derrière les transports, il y a beaucoup d’entrées, s’anime-t-il, un aspect sociologique, de développement durable et d’enjeux économiques, ce que j’ai approfondi pendant mon master… Dans chaque cas, il faut se demander: quels sont les intérêts socio-économiques derrière cette ligne-là? ».

Pour ce jeune professionnel de la mobilité, « le transport aujourd’hui, c’est vraiment l’usage multimodal. Et cet usage va augmenter, avec des problèmes de coûts et d’énergie. La complémentarité des modes évolue. Avec l’usage des téléphones portables, les gens changent vite de pratique », expose-t-il. Ronan Pocard, pour l’heure plongé dans une étude de trafic sur la ligne de tramway T3, n’est pas prêt de s’ennuyer dans l’espace francilien. Laurence Debrincat, arrivée au Stif en 1992, note, passionnée, qu’« il faut peut-être toute une vie pour appréhender ce territoire ».

Le Let dépend de l’université Lyon 2 et de l’École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE).

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Auteur

  • Capucine Moulas
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