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L’épineux budget transport 2015

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L’épineux budget transport 2015

Crédit photo Diane-Isabelle Lautrédou

Économie Si le projet de loi de finances 2015 présenté par le gouvernement début octobre mettait l’accent sur le financement des infrastructures de transport, la décision du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, de reporter l’écotaxe sine die fait l’effet d’une douche froide pour le secteur du transport de voyageurs et laisse planer de sérieux doutes sur l’équation comptable retenue par le gouvernement.

« Nous mobiliserons les ressources nécessaires pour assurer le financement des investissements prioritaires. Ce sera par exemple le cas en matière de transports », défendait Christian Eckert, secrétaire d’État au Budget, dans son discours de présentation du projet de loi de finances (PLF) 2015, le 1er octobre dernier. Une feuille de route qui, au chapitre transport, s’articulait en partie autour du péage de transit poids lourds. Seul hic: le gouvernement faisait marche arrière sur ce péage huit jours plus tard, privant ces mêmes infrastructures d’un produit de 250 millions d’euros l’an prochain. En parallèle, un autre risque guettait le budget 2015: un rejet de Bruxelles au motif de non-respect des engagements pris par Paris en matière de réduction des déficits. Une hypothèse rendue possible du fait de nouvelles prérogatives accordées à la Commission par les États membres en 2013 en matière de contrôle des budgets nationaux. Une menace pas tout à fait du goût du Premier ministre Manuel Valls qui assurait, le 12 octobre à la veille du début des débats parlementaires, ne pas accepter « de leçons de bonne gestion. »

Un PLF tricoté autour de l’écotaxe

Au sein du projet de loi de finances, le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie devrait hériter de 7,3 milliards d’euros l’an prochain pour financer ses actions. Si la transition énergétique pourrait grignoter une part importante de cette enveloppe, Réseau ferré de France (RFF) verrait en tout cas ses crédits d’entretien routier et ses concours destinés à l’entretien du réseau stabilisés.

Pièce maîtresse du budget prévisionnel envisagé par le ministère de l’Économie, l’exécution du programme des investissements d’avenir (35 milliards d’euros) abondé par la précédente loi de finances devra donc se poursuivre l’an prochain à « un rythme de décaissements équivalent ». Un PIA qui, au chapitre transport, se traduit par le financement de douze projets ayant candidatés à l’appel à projets de transports en commun en sites propres (TCSP), lancé en mai 2010, totalisant 200 millions d’euros de subventions nécessaires à l’horizon 2017.

En parallèle, le PLF 2015 prévoit également de mobiliser des sources de financements dites diversifiées. Pour les transports, ces ressources auraient pu se traduire par l’affectation à l’Agence de financement des infrastructures de transport en France (AFITF) du produit du péage de transit poids lourds représentant environ 400 millions d’euros par an et de celui du relèvement de deux centimes par litre du tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TIPCE) qui avoisinerait 807 millions d’euros en 2015.

Un recul inattendu

Mais rebondissement. Le 9 octobre au matin, Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, et Alain Vidalies, secrétaire d’État aux Transports, rencontraient les responsables des fédérations professionnelles de transport routier de marchandises. À l’issue de ces tractations, le report sine die du dispositif de l’écotaxe, dont l’expérimentation sur le périphérique parisien avait débuté le 1er octobre dernier et qui devait officiellement entrer en vigueur au niveau national début 2015, était annoncé.

En cause: des difficultés de mise en œuvre, « y compris dans la phase d’expérimentation » et une nécessité de clarifier les sources de financement de l’usage des infrastructures « pour aboutir à un système clair et juste », assurait le gouvernement dans un communiqué de presse. Provoquant un tollé général, cette annonce doucha froidement l’ensemble du secteur. « Le principe d’une taxe poids lourds a été décidé le 26 avril 2007 à la quasi-unanimité dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Depuis, aucune solution n’a été trouvée pour rendre effective cette décision », regrettaient l’Assemblée des communautés de France (AdCF), la Fédération des industries ferroviaires (FIF), la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), le Groupement des autorités responsables de transport (Gart) et l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP), dans un communiqué commun. Les cinq organismes ont aussi martelé que « sans cette ressource, c’est l’avenir de l’AFITF qui se trouve posé, et plus encore le financement d’une centrale de projets de transport en commun en site propre et le volet transport des contrats de plan État-Région, qui se trouvent directement menacés. »

Un appel à projets qui tarde à aboutir

Simple coïncidence? La veille, le 8 octobre dernier, le Gart,l’UTP et la Fnaut avaient réunis la presse pour faire part de leurs inquiétudes sur la situation financière du secteur. « Nous sonnons le tocsin car nous avons l’impression que le transport a été mis de côté », résumait Louis Nègre, sénateur des Alpes-Maritimes et président du Gart.

Première source d’interrogation: le troisième appel à projet« Transports collectifs et mobilité durable », lancé en mai 2013 par Frédéric Cuvillier, alors ministre des Transports. Il y a un peu plus d’un an, 122 dossiers portés par 79 collectivités étaient ainsi déposés. Ils représentent un besoin de financement évalué à 6,23 milliards d’euros, pour lesquels 400 millions d’euros avaient été directement alloués par le gouvernement. « Une subvention de l’ordre de 600 millions d’euros sera donc nécessaire », plaide Louis Nègre. Depuis, la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGTIM) a demandé aux autorités organisatrices (AO) de confirmer lemaintien ou non de leur candidature et, le cas échéant, de présenter des modifications, apportées aux projets au plus tard le 31 octobre prochain. Aux yeux des trois organisations, deux portes de sortie s’offrent aujourd’hui à l’État: sélectionner les dossiers de candidatures ou faire du « saupoudrage avec les difficultés que cela comporte ». Dans les faits, aucune ne semble particulièrementplébiscitée par la profession.

Dotations en berne

Deuxième front pour les trois organisations: la TVA. Après des augmentations de 1,5 % en 2012, puis 3 % en 2013, le taux de TVA appliqué aux transports publics plafonne désormais à 10 %. Estimant que les transports constituent un service de première nécessité, le Gart,l’UTP et la Fnaut réclament son retour à 5,5 points. Pour l’État,cette démarche représenterait, selon leurs calculs, 300 millions d’euros de pertes annuelles. Un abaissement également préconisé début juillet dernier par la Commission européenne qui a autorisé la France à appliquer un taux de 5,5 %. Pour obtenir gain de cause, les parlementaires du Gart paraissent fermement décidés à déposer un amendement en ce sens.

Troisième crainte pour les trois organisations: la baisse de la contribution de l’État qui devrait atteindre de 3,7 milliards d’euros en 2015 et 11 milliards d’euros à l’horizon 2017. Une tendance aussi inédite que dangereuse, puisque « c’est la première fois depuis 1945 que nous connaissons une baisse de dotation aussi importante. À terme, elle provoquera des dégâts avec des conséquences sur l’emploi », prévient Louis Nègre. Une coupe qui devaitêtre l’un des premiers sujets à lancer les hostilités pour deux mois de débats parlementaires.

Bercy s’empare du dossier des lignes interrégionales

Le 15 octobre, Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique a communiqué son projet de loi « pour l’activité » en Conseil des ministres. « Nous avons les solutions entre nos mains pourrecréer un cercle économique vertueux », assurait-il le mêmejour lors d’une conférence de presse. Outre des mesures sur les professions réglementées, le travail dominical pour lequel il a annoncé la possibilité d’ouvrir les commerces dans une dizaine de gares françaises,etc., le ministre s’est aussi attaqué aux lignes interrégionales dont il juge la réglementation « trop stricte ».

En effet, actuellement, l’exploitation de ces lignes est notamment contrainte par une proportion de voyageurs nationaux sur chaque liaison de moins de 50 % et par une part du chiffre d’affaires annuel ne devant pas dépasser 50 %. Selon toute logique, le projet de loi devrait donc faire sauter certaines de ces conditions pour permettre davantage de souplesse, comme le recommandait l’Autorité de la concurrence dans un avis paru en février dernier. « Dans certains pays qui ont libéralisé ces lignes, ce marché représente 4 % à 5 % de l’activité des autocaristes », a soutenu Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse.

Pour l’heure, difficile d’en savoir plus sur le détail des mesures envisagées qui seront dévoilées fin novembre, pour une présentation du projet de loi devant le Conseil des ministres mi-décembre, une présentation au Parlement en janvier et un vote au printemps 2015.

Un calendrier rythmé qui répond à un objectif précis: « le développement de ces lignes s’adresse en priorité àceux qui n’ont pas les moyens de voyager, les familles modestes, les jeunes et ceux aux emplois les plus fragiles », a défendu Emmanuel Macron.

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  • Diane-Isabelle Lautrédou
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