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Les régions réclament les moyens de leurs compétences

Congrès Les 9 et 10 octobre, l’association des régions de France (ARF) se réunissait à Toulouse pour son dixième congrès. Le dernier dans la configuration actuelle à 27 régions et le premier à recevoir la visite d’un Premier ministre. L’occasion de réclamer des compensations aux baisses des dotations de l’État et de peser sur la réforme en cours.

Après l’annonce fin septembre de la baisse des dotations aux collectivités locales de 11 milliards d’euros en trois ans, les présidents de région, réunis en congrès à Toulouse les 9 et 10 octobre, ont réaffirmé sur tous les tons l’urgence de disposer de contreparties pour assumer leurs compétences.

Baisse des dotations

Rappelant que les collectivités territoriales représentaient 72 à 75 % de la commande publique et que les régions avaient acheté pour 3 milliards d’euros de matériel ferroviaire à Alstom et Bombardier, Alain Rousset, président de l’ARF et de la région Aquitaine, a revendiqué « une fiscalité en rapport avec les missions des régions, réclamant 70 % de la CVAE, la taxe sur la valeur ajoutée des entreprises, dont les régions ne perçoivent actuellement que moins d’un quart du produit. »

C’est d’ailleurs l’une des dix propositions pour la réforme territoriale présentée lors du congrès. Jacques Auxiette, président de la région Pays de la Loire et de la commission infrastructures et transports de l’ARF, a rappelé de son côté que « depuis la réforme de 2010, les régions n’ont plus de fiscalité directe. C’est donc sur elles que les baisses de dotation pèseront le plus car elles ne seront pas compensées par des dynamiques propres ».

Abandon de l’écotaxe

Admettant que les ressources régionales sont « désormais inadaptées », le Premier ministre Manuel Valls a tenu à rassurer les élus présents à Toulouse le 10 octobre. « Les nouvelles compétences s’accompagneront d’une nouvelle fiscalité économique, car il est normal qu’une collectivité qui investit ait un retour fiscal de son action », a-t-il indiqué au cours d’un discours de 45 minutes. « Je suis pessimiste sur la capacité du parlement à rectifier cette injustice dans un délai court », a cependant réagi Jacques Auxiette.

La veille, la ministre de l’Écologie Ségolène Royal (qui devait initialement participer à la table ronde du congrès sur la mobilité et la transition énergétique) avait annoncé depuis Paris le report sine die de l’écotaxe. Une douche froide pour les élus régionaux. L’écotaxe devait rapporter 350 millions d’euros par an à l’agence de financement des infrastructures de transports (AFIT) qui gère les crédits de l’État pour les contrats de plan État-Région, alors que les engagements de l’État pour les projets de transports inclus dans ces CPER s’élèvent à 6,5 milliards d’euros, soit un milliard par an. « La suspension du dispositif d’écotaxe ne remettra pas en cause le financement des CPER », a affirmé Manuel Valls qui a été le plus jeune conseiller régional de France et premier vice-président de la région Ile-de-France. « Nous serons au rendez-vous de notre engagement sur le financement, avec l’augmentation de 2 centimes du diesel et des propositions qui seront faites dans les jours à venir ». Sous réserve de son vote par le Parlement, cette hausse sur le diesel pourrait engranger 800 millions d’euros dès 2015.

Dans les couloirs, Martin Malvy, président de la région Midi-Pyrénées et hôte du congrès, a suggéré (comme Ségolène Royal l’avait elle-même évoqué) qu’ « une partie des bénéfices des sociétés d’autoroutes soient attribuée aux régions pour financer les transports en commun régionaux. Alors que la cour des comptes a stigmatisé les bénéfices élevés de ces sociétés et que le projet politique est de réduire la pollution et d’améliorer le bilan carbone du transport, il ne serait pas anormal que la route abonde le développement du fer. »

Baisse des recettes TER

Cette baisse des dotations et cette incertitude sur les sources de financement des transports régionaux se doublent d’une autre inquiétude chez les élus régionaux. « On assiste à une baisse structurelle des recettes des TER avec le développement de nouveaux usages comme le covoiturage », faisait observer lors de la table ronde sur la mobilité Marie-Guite Dufay, présidente de la région Franche-Comté (l’une des deux seules femmes au sein d’une ARF hypermasculine), « en Franche-Comté, elles ont baissé de 2 M€ sur 20 M€ au total. »

« Nous avions été habitués à une explosion des recettes grâce à la hausse de la fréquentation liée aux investissements des régions », a reconnu Alain Le Vern, directeur général Régions et Intercités de la SNCF, présent à la table ronde. « Or cette année, les coûts ont continué à augmenter, la part des recettes voyageurs à baisser, sans que nous ayons pu augmenter les tarifs ferroviaires. En 2002, les recettes voyageurs couvraient presque un tiers du coût contre un gros quart aujourd’hui. L’entreprise a fait des efforts très importants mais on est au taquet… »

Les coûts du ferroviaire

L’insatisfaction des conseils régionaux à l’égard de la SNCF s’est manifestée de différentes manières pendant le congrès, notamment par le refus réaffirmé de plusieurs régions de payer l’augmentation de la subvention à la SNCF pour les TER, par la demande d’une plus grande transparence des coûts de la SNCF et par la volonté de gérer les acquisitions du matériel roulant sans passer par l’opérateur (lire encadré). « Il y a une inflation des coûts ferroviaires qui n’intègrent aucune amélioration de la productivité », s’est agacé Jacques Auxiette. « Il faudrait une connaissance fine de la réalité des coûts et des charges du système ferroviaire. »

Rappelant que la loi ferroviaire a permis la « libre fixation des tarifs ferroviaires et la possibilité de possession par les régions du matériel roulant qu’elles ont financé », le Premier ministre a approuvé la demande des régions d’une amélioration de la transparence des comptes de la SNCF. Soucieux de caresser les élus régionaux dans le sens du poil, Manuel Valls a précisé que la carte des nouvelles régions allait « évoluer sans doute » lors de la deuxième lecture du projet de loi au Sénat. Et, mesure symbolique, il a également annoncé qu’il allait désormais rencontrer chaque mois de septembre l’ensemble des présidents de région pour « bâtir ensemble une nouvelle politique ».

Des régions qui, d’ici là, avec l’adoption de la réforme territoriale, devraient avoir grandi et récupéré de nouvelles compétences, notamment celles des transports interurbains jusque-là confiés aux départements, les régions devenant AOT exclusives, en dehors de l’urbain. « Ce transfert de la compétence transports des départements aux régions prévu par le projet de loi permettra une meilleure cohérence des services de transports de voyageurs en recherchant une complémentarité entre les offres », souligne l’ARF dans ses 10 propositions pour la réforme territoriale. Un renforcement de la coordination entre les modes de transport qui est un vecteur essentiel du développement de la mobilité durable.

Les transports régionaux en chiffres

6,3 milliards d’euros: c’est l’effort régional en matière de transports en 2012, dont 4 milliards pour le fonctionnement (en hausse continue depuis 2006) et 2,3 milliards pour l’investissement (en baisse).

30 milliards: c’est l’investissement des régions depuis 10 ans dans le TER.

+ 55 %: c’est l’augmentation du nombre de voyageurs des TER depuis 2002.

16 €: c’est le coût d’un km pour la région (contre 10 € en 2002).

1 million: c’est le nombre de voyageurs transportés chaque jour en TER.

90 %: c’est le nombre des usagers quotidiens de la SNCF qui empruntent des trains régionaux.

3 questions à… JACQUES AUXIETTE, président de la région Pays de la Loire et de la commission transports de l’Association des régions de France

Alors que le 10e congrès de l’Association des régions de France se tient entre deux réformes (ferroviaire et des collectivités), comment jugez-vous la situation du système ferroviaire?

Le système ferroviaire et son économie traversent une nouvelle crise. La loi n’a pas entraîné une amélioration de sa performance économique. Le rail subit une baisse de la fréquentation dans toutes les régions. La concurrence s’exacerbe entre modes de transport, avec le développement du covoiturage et la volonté du gouvernement (que je ne conteste pas) de libéralisation des cars longue distance. Par conséquent, l’économie générale du ferroviaire doit être urgemment repensée. Nous réclamons une vraie stratégie politique des transports. Aujourd’hui, on a l’impression que l’État pilote à vue. Nous avons défendu un amendement pour que l’État établisse un schéma des services d’intérêt national qui a été adopté dans la réforme. Nous regrettons que le principe d’une loi de programmation pluriannuelle que nous défendions ait été refusé.

Une de vos demandes est une meilleure connaissance de la réalité des coûts de la SNCF.

Le système ferroviaire n’est pas transparent, alors qu’il faudrait que nous ayons une connaissance fine de la réalité des coûts et des charges. Nous subissons une inflation des coûts ferroviaires à service constant, alors qu’il n’y a aucune amélioration de la productivité du côté de la SNCF. Cela nous a amenés, l’an dernier au congrès de Nantes, à refuser d’augmenter la subvention du conseil régional des Pays de la Loire à la SNCF, à service égal.

Pour le financement des transports régionaux, pensez-vous que le versement transport interstitiel* adopté en juillet dans la réforme ferroviaire soit une bonne solution?

Non, le versement transport interstitiel (VTI) ne me semble pas être une bonne solution. D’ailleurs, il va peut-être disparaître dans la prochaine loi de finances. Il n’est pas rationnel, car l’essentiel de la population transportée par les TER va dans l’urbain. C’est aussi là qu’est l’essentiel des entreprises et que les trains arrivent. De plus, il y a souvent peu de lignes ferroviaires sur ces territoires hors agglomération, où la seule solution est souvent le car interurbain qui est pour l’instant à la charge des départements. À mon avis, la justification du versement transport doit être clairement visible par le développement des transports en commun. C’est pourquoi j’avais demandé, quand j’étais président du Gart, un VT sur l’ensemble du territoire.

* Le VTI est prélevé sur les entreprises situées en dehors des périmètres de transport urbain. Plafonné à 0,55 % de la masse salariale, il devrait rapporter 450 millions d’euros par an aux régions.

L’association d’études sur le matériel roulant va lancer ses premiers travaux

L’Association d’études sur le matériel roulant (AEMR) s’est réunie en marge du congrès des régions pour choisir le bureau d’études qui l’accompagnera en 2015 afin d’analyser le fonctionnement actuel du système d’acquisition des trains en France, le comparer avec les autres modèles étrangers en Europe et proposer des scénarios de rénovation du processus de commande de matériel roulant.

Annoncée au congrès de Nantes l’an dernier et créée le 29 avril par 8 régions (Aquitaine, Auvergne, Bourgogne, Pays de la Loire, Picardie, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Rhône-Alpes), le Syndicat des transports d’Ile-de-France et l’Association des régions de France, l’AEMR vise à permettre aux régions de prendre leur autonomie par rapport à la SNCF en ce qui concerne l’achat du matériel roulant. Depuis la décentralisation des trains régionaux, les régions et le Stif ont financé l’acquisition de plus de 2 100 trains pour près de 11 milliards d’euros. « 

Jusqu’à présent, nous participions à la marge à l’élaboration des cahiers des charges », rappelait alors Éliane Giraud, vice-présidente transports de Rhône-Alpes. « Notre rôle est cantonné à la signature de chèques pour financer des trains qui ne nous appartiennent qu’au bout de 36 ans. »

La loi ferroviaire autorise désormais les régions à être propriétaires de trains qu’elles auront financés.

« Aujourd’hui, la question se pose des conditions pour acheter les trains », explique Jacques Auxiette, secrétaire de l’AEMR. « L’idée est de voir quel est le meilleur système et quelles sont les meilleures conditions d’acquisition d’un point de vue juridique et de portage financier. Il y a des questions techniques de relations avec les industriels, de respect des dates de livraison, de mise au point du matériel. Cela suppose une expertise que les régions doivent acquérir. La SNCF peut être un acteur compétitif, mais pas le seul. »

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Auteur

  • Catherine Sanson-Stern
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