Invitée par Daimler à l’occasion de son événement Future Truck 2025, Sabina Jescke, docteur et professeur en ingénierie mécanique de l’université RWTH d’Aix-la-Chapelle, dresse le panorama de l’histoire des véhicules autonomes.
La chercheuse Sabina Jescke distingue quatre grandes périodes de progrès techniques pour rendre les véhicules autonomes, de l’après-guerre à aujourd’hui. Après les systèmes basés sur des rails dans les années 1950 et ceux basés sur des caméras vingt ans plus tard, les premiers systèmes intelligents apparaissent dans les années 1990 et bénéficient du développement de technologies informatiques plus avancées. C’est à cette période que les premiers autobus autonomes sont testés en Californie, dans le cadre du projet PATH (California Partners for Advanced Transit and Highways) en 1992: les bus sont équipés de capteurs, de directions automatisées, sont placés en convoi sur une route dédiée et un satellite assure la supervision.
À partir de 2001, la quatrième génération franchit un nouveau pas en embarquant dans le véhicule les systèmes dits intelligents, devenus plus abordables, plus performants et moins encombrants, capables d’agir localement sans être relié à un système centralisé. Le véhicule est devenu autonome et les premiers tests des Google Cars sont réalisés en Californie.
Depuis 2013, les grands constructeurs mondiaux rattrapent leur retard. Mercedes-Benz rend autonome une Classe S et en fait la démonstration en septembre 2013 sur la route historique baptisée Bertha Benz, 100 km entre Mannheim et Pforzheim. Cette route a vu le premier voyage longue distance en voiture de l’histoire, ila été effectué en 1888 par Bertha Benz, épouse de l’inventeur Carl Benz.
Volvo Drive Me est le nom du projet de voiture autonome du constructeur suédois, démontré fin 2013 et déployé à grande ampleur à partir de 2017 avec une flotte de 100 véhicules testés dans certains quartiers de la ville de Göteborg.
La quatrième révolution industrielle, celle de l’information, permet désormais la mise en réseau de tout et de tout le monde, y compris des véhicules autonomes. Volumes de données quasi sans limite, stockage, capacités de traitement et de calcul ultrarapides, mises en réseau démultipliées, c’est ce que Sabina Jescke appelle les systèmes distribués, c’est-à-dire des systèmes s’appuyant les uns sur les autres, démultipliant les capacités totales de l’ensemble.
Mais ce n’est pas fini. Si vous aviez déjà le vertige, voici venue une nouvelle révolution. « Deux mondes sont en train de se réunir, explique la chercheuse, d’un côté ces systèmes distribués, rapides, de grande capacité de volume, et de l’autre, l’intelligence artificielle, fondée sur l’analyse pointue de données en temps réel, l’interprétation du langage naturel et la prédiction. Ce nouvel ensemble s’appelle l’intelligence artificielle distribuée ». Bienvenue sur la planète des véhicules autonomes et connectés…
« Les véhicules autonomes dessineront les contours du transport de demain, résume Sabina Jescke, ils seront utilisés pour tous les modes de transport, routier, maritime ou aérien, démontreront leur utilité pour réduire le nombre d’accidents, les émissions polluantes, et supprimeront les bouchons de nos routes ». Le transport de demain sera différent et le design des outils de transport, les véhicules, sera lui aussi bouleversé. « Nous passerons d’un design centré autour du poste de conduite pour un individu à un design réinventé répondant aux nouvelles fonctions de ces véhicules de transport. »